Colza / Les mélanges variétaux peuvent faire partie de la gamme de solutions pour limiter les risques. A Senoncourt, Florent Thiébaut applique la méthode au colza, qu’il sème en mélange par groupe de précocité. Les gains attendus sont liés au comportement des cultivars vis-à-vis des maladies, avec lissage du risque de pertes.

Pour réduire le risque lié aux attaques de méligèthes sur colza, une des techniques fréquemment employée est l’introduction, au moment des semis, d’une variété précoce en mélange de la variété principale. Le décalage de floraison permet, au moment où la variété principale est vulnérable, d’attirer les insectes sur la plante déjà fleurie, et donc de préserver la variété d’intérêt (voir ci-contre). C’est sur ce modèle de « mélange variétal » que Florent Thiébaud, agriculteur à Senoncourt, a choisi de semer son colza l’automne dernier.

Cinq variétés au semis
Mais au lieu de se limiter à deux variétés, une précoce et une tardive, l’agriculteur a mélangé cinq variétés différentes. « Le seul critère qui a retenu mon attention est celui de la précocité, précise-t-il. Même si la résistance à l’égrainage a fait beaucoup de progrès, il vaut mieux garder une homogénéité. » Sur une première parcelle à Senoncourt, il a donc associé les variétés Attletick, Delphi, Architect, ES Mambo, et Troubadour. Cette dernière, supposée fleurir 8 à 10 jours avant les autres, fait office de piège à méligèthes. Elle est ajoutée à faible dose. Les quatre premières sont mélangées à parts égales, pour atteindre une densité de semis classique de l’ordre de 330 000 gr/ha. Le semis a été effectué au semoir monograine à 60 cm d’écartement. Plus loin à Buffignécourt, une autre parcelle est semée avec des groupes de précocités plus tardives.
L’idée est de jouer sur les comportements variables des variétés vis-à-vis des maladies. Avec des sensibilités Phoma et cylindrosporiose différentes, avec des comportements vis-à-vis de l’orobanche variés, et avec des comportements forcément différents au semis et à la levée, on peut ainsi espérer réduire les risques sanitaires et physiologiques. « Si on omet le Troubadour, je sème chaque variété à 8 pieds/m² en moyenne. Il est probable que j’atteigne, en sortie d’hiver, l’objectif de densité de 20 pieds/m² quels que soient les accidents de parcours. » Un exemple : Dans le panel, Architect est la seule variété résistante au virus TuYV (Turnip Yellows Virus, virus de la jaunisse du navet). Si le virus est présent, on peut donc s’attendre à voir au moins un quart des plantes bien développées.

Pas de problème à la récolte
Cette année, Florent va également essayer la technique des mélanges variétaux sur une parcelle où il a détecté la présence d’inoculum de hernie du chou. Il y inclura notamment les variétés résistantes PT242 (Pioneer) et Alister (Syngenta), avec d’autres variétés sensibles, pour observer le comportement face à la maladie. Visuellement, la parcelle aux variétés précoces est très belle à ce stade de fin de floraison : siliques nombreuses et saines, hampes allongées et fleurs fertiles jusqu’au bout. Les différentes variétés ne sont pas indifférenciables. Quant à l’aspect « commercialisation », la technique ne présente pas de différence avec une culture en variété pure. Contrairement au blé, que les organismes stockeurs aiment collecter par variété (selon les recommandations des meuniers), le colza ne se stocke pas par variété. Rien de particulier à attendre donc de ce côté-là.

L’effet sur les maladies
La recherche est pauvre autour des mélanges variétaux en colza. En
revanche, sur des recommandations de l’INRA, Arvalis a testé au début des
années 1990 puis dans les années 2010 les mélanges variétaux en blé, et leur utilité dans la résistance aux maladies. Les résultats sont contrastés. « Nos essais ont montré un effet neutre des mélanges sur le rendement, la nuisibilité de la septoriose et la qualité du blé, indiquait Josiane Lorgeou, responsable du pôle variétés, génétique et semences chez Arvalis. Concernant la rouille jaune, des expérimentations de l’INRA en 1995 concluent à un effet bénéfique des mélanges. Ces derniers seraient d’ailleurs utilisés dans le nord-ouest des États-Unis. Mais, nous n’avons pas observé ce phénomène dans nos essais, les années 2010, 2011 et 2012 étant peu, voire pas, affectées par la rouille jaune. Concernant la rouille brune, les essais du réseau blé tendre de la zone Sud et du réseau blé dur, plus concernés par cette maladie, n’ont pas non plus montré de différence significative de rendement et de nuisibilité entre les mélanges et la moyenne des variétés pures. »
Les mécanismes qui pourraient expliquer le meilleur comportement des mélanges vis-à-vis de la maladie sont principalement liés aux effets de dilution : les spores des champignons pathogènes sont en partie interceptées par les variétés résistantes ou tolérantes, et donc l’inoculum reçu par les variétés sensibles est moindre. En revanche, le Cirad a émis des hypothèses pour expliquer pourquoi les mélanges variétaux sont dans certains cas moins performants que les cultures pures : La présence d’une « compétition moins forte entre individus apparentés » pourrait y jouer un rôle.

LD

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