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Sécheresse / Depuis la sécheresse «historique» de 1976, les étés secs et chauds sont devenus monnaie courante, tandis que les évolutions structurelles des systèmes d’élevage – spécialisation et agrandissement – les ont paradoxalement rendus plus dépendants de la pluviométrie estivale.

Convaincu ou non par l’hypothèse du réchauffement climatique, et sans présumer de l’impact des activités humaines dans le « dérèglement », on ne peut que constater la multiplication des épisodes de sécheresse estivale depuis l’année 1976. « L’analyse des principaux épisodes depuis 1976 et des régions concernées montre une fréquence plus élevée au cours des 20 dernières années. », notent Gilles Lemaire et André Pfimlin, chercheurs à l’Inra et à l’Institut de l’élevage, en passant au crible températures, pluviométrie à l’aune des assolements, des performances zootechniques et des déficits fourragers. Ainsi, entre 1976 et 2003, la surface fourragère est passée de 18 à 15 millions d’hectares (-16%) tandis qu’en parallèle, la luzerne et la betterave disparaissaient quasiment des assolements, une évolution qui a renforcé la sensibilité des systèmes d’élevage à la sécheresse. L’augmentation de la productivité des exploitations laitières et allaitantes s’est aussi accompagnée d’un renforcement de la dépendance de ces systèmes vis à vis de l’ensilage maïs…

Réorientation stratégique
« L’analyse des sécheresses passées nous montre qu’il est indispensable de disposer et donc de mettre en place des outils permettant de mieux cerner le déficit fourrager en temps réel… – et que les services d’appui et de conseil devront anticiper davantage pour aider les éleveurs dans leurs choix tactiques (à court terme) sans oublier d’amorcer en parallèle une réflexion conduisant à des réorientations plus stratégiques, puisque le changement climatique annonce un retour plus fréquent de ces anomalies. », préconisent les deux chercheurs dès 2007.
Compte-tenu du fait que les besoins en eau des prairies et du maïs sont maximum de mai à juillet, mois où la pluviométrie est très irrégulière, les conséquences économiques d’une sécheresse marquée sont importantes, et les baisses de performances zootechniques consécutives à un déficit alimentaire peuvent se prolonger bien au-delà des mois d’été. La recherche du meilleur équilibre possible entre les potentialités fourragères de l’exploitation et les besoins du troupeau redevient stratégique, dans ce contexte caractérisé par un risque accru de déficit hydrique printanier et estival marqué.

Économique et flexible
Face aux aléas de sécheresse, le concept de flexibilité du système fourrager devient fondamental. Les ajustements mis en place au sein du système fourrager conduisent tous à une sous-utilisation certaines années des ressources fourragères produites. Ainsi, plus le climat est variable et les risques de sécheresse aléatoires, plus le niveau d’utilisation des ressources fourragères devra être “sécuritaire”. De même, des reports de stocks d’une année sur l’autre permettent d’amortir les variations interannuelles de climat. Mais ces reports sont forcément limités car financièrement coûteux et conduisent inévitablement à une sous-utilisation des surfaces, c’est-à-dire à une baisse du chargement animal. En conséquence, les systèmes à chargement trop élevé en régions à sécheresse aléatoire deviennent très rapidement vulnérables ou doivent avoir recours systématiquement à des apports fourragers extérieurs. « Au-delà du simple aspect économique de la question, l’amélioration de l’autonomie en fourrages peut passer, dans un certain nombre de situations, par une limitation du gaspillage à la récolte, au stockage, mais également à la distribution. », estime Eric Pottier, de l’Institut de l’élevage, dans une intervention à l’A.F.P.F. (Association Française pour la Production Fourragère). Les chercheurs proposent d’autres pistes d’adaptation, en particulier en termes de conduite du troupeau.
« La sécurisation des systèmes herbagers repose en premier lieu sur un positionnement des vélages qui fasse coïncider les périodes où les besoins alimentaires sont élevés avec celles où la production et les disponibilités fourragères sont abondantes. »

Allonger la saison de pâturage
Si le réchauffement climatique va principalement se faire sentir par des sécheresses estivales marquées, les automnes et surtout les hivers devraient être plus doux, estiment les experts. Aussi, un glissement et un étalement des productions d’herbe devraient s’observer, avec des démarrages plus précoces et des repousses automnales, voire hivernales, plus importantes qui devraient conduite à un allongement des périodes de pâturage. Une enquête réalisée dans l’est de la France a ainsi montré que, par manque de stocks après la sécheresse de 2003, des éleveurs laitiers avaient avancé la date de mise à l’herbe des vaches laitières. Des études relativement récentes ont montré qu’un allongement de la période de pâturage sur la fin de l’automne et l’hiver permet de diminuer les besoins en fourrages stockés de façon importante, sans pour autant pénaliser la production fourragère Ces travaux ont amené à revoir les recommandations en matière de pâturage, à savoir qu’il est possible de pâturer en deçà des hauteurs jusqu’ici conseillées, sans pénaliser les performances des animaux ni la potentialité des prairies. Cette perspective participe dans des systèmes herbagers à améliorer l’autonomie alimentaire et à sécuriser le système fourrager dans le cas de systèmes faiblement chargés.

AC, d’après les données de l’A.F.P.F.

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