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Conférence FRSEA/JA BFC sur la future PAC / Les jeunes agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté et la FRSEA se sont associés pour pousser la réflexion sur la future Pac de 2020. Le contexte géopolitique, comme l’inconnue des effets du Brexit, complexifient l’édification d’une Pac plus efficace et au-delà, le travail sur le prochain budget européen. Entre espoirs nourris par le règlement Omnibus, incertitude économique et controverses stratégiques, il ne fallait pas moins de deux députés européens pour éclairer le contexte et enrichir les réflexions : Michel Dantin et Arnaud Danjean.

Un député du Jura, Jean-Marie Sermier, a planté le décor et deux députés européens ont accepté de relever le défi de faire avancer la réflexion autour de la question : Quelle Europe agricole en 2020 ? Et partant, quelle Pac à cette échéance en capacité de répondre aux enjeux d’une agriculture européenne en pleine mutation et en pleine interrogation sur son avenir. Quels que soient les contours encore difficiles à cerner de la prochaine Pac, il ne faut pas attendre pour anticiper. Comme l’a souligné Frédéric Perrot, président de la FRSEA, « le calendrier s’accélère sur fond d’inquiétude, voire de perte de confiance des agriculteurs en une institution qui n’a pas cessé d’évoluer et dont les effets positifs ne sont pas toujours perçus sur le terrain ». Pas d’autre choix cependant que « de rester résolument européens car la sauvegarde de notre indépendance alimentaire en dépend ».

Des liens resserrés entre les 27
Les instances européennes semblent très éloignées de la réalité du terrain, ces deux témoignages de députés européens, au cœur du système et parties prenantes aux décisions, sont d’autant plus éclairants qu’ils permettent de comprendre des mécanismes et des jeux d’influence qui nous échappent totalement. Arnaud Danjean révèle ainsi que « ce qui va se décider sur la prochaine Pac dépend étroitement du contexte géopolitique mondial et du contexte européen ». Par là, il faut comprendre que les effets du séisme du Brexit vont se faire sentir encore longtemps, que l’élection de Trump augmente encore plus l’incertitude quant à la sécurité militaire européenne et que les bons résultats économiques de la France pourraient nous assurer une meilleure écoute et plus d’influence face aux pays du Nord de l’Europe. Les oppositions Nord-Sud, Est-Ouest, entre Etats européens restent fortes sur certains dossiers, comme la Pac ou le montant et la répartition du budget européen entre les différents postes. La situation actuelle a plutôt joué en faveur d’un resserrement des liens entre les 27, prêts à faire cause commune, non par idéologie communautaire mais par souci de préservation de leur propre budget national. Les équilibres au sein de l’Union sont comme les prix, volatils et fragiles… Pourtant, certains dossiers, comme la défense, la crise migratoire, le soutien au développement (seul moyen de contenir la crise migratoire qui est devant nous), l’évolution climatique et bien entendue la politique agricole commune, ne sauraient être traités autrement que dans le cadre élargi d’une grande union économique et politique. Rassurant, Arnaud Danjean est convaincu que « la France peut jouer un rôle immense au sein de cette Europe à 27 », elle a toutes les cartes en main, mais elle doit prouver sa capacité à se réformer et à redevenir une puissance économique sur laquelle on peut compter.

L’épée de Damoclès du Brexit
Même écho chez Michel Dantin, député européen (membre de la commission agriculture et du développement rural) qui considère que la France a un message fort et un rôle important à jouer en matière agricole et alimentaire. « Le message à faire passer c’est celui de la sécurité alimentaire de la fourche à la fourchette, la France a le meilleur système de traçabilité et de surveillance sanitaire » en Europe et dans le monde. Le bémol sur la Pac, c’est « que l’on ne pourra pas conclure le dossier de la future politique agricole commune, tant que l’on n’y verra pas plus clair sur la politique commerciale du Royaume-Uni ». Le Brexit, avant- pendant-après, cristallise toutes les incertitudes, hypothèque tous les projets. Ce qu’il faut éviter absolument : « c’est d’accepter de rentrer dans une procédure de co-financement du premier pilier, car cela signerait l’arrêt de mort de la politique agricole commune, tout en générant des distorsions de concurrence insupportables ». Une prédiction renforcée par un constat plutôt accablant : « la France fait partie des pays européens appauvris qui ne pourrait pas assumer la charge d’un co-financement à la hauteur des besoins… ». Cette réflexion sur la Pac de 2020 va se poursuivre pendant tout le premier semestre 2018 et sous présidence Bulgare de la Commission européenne. Mais Arnaud Danjean, comme Michel Dantin, doute de la capacité des parties en présence, Commission, Etats et Parlement à parvenir à un accord dans les temps. Les membres du Parlement, comme ceux de la Commission doivent être renouvelés dans un peu plus d’un an et les marchandages autour de la Pac sont encore plus complexes que d’habitude, du fait du Brexit. Les implications du Brexit, reconnaît la Commission européenne « vont créer un énorme trou dans le budget global. Dans ce contexte, toutes les politiques de dépenses, dont la Pac, vont faire l’objet d’un examen approfondi » ? Dont acte…

Garder une Pac qui a du sens
Il serait toutefois étonnant que les contours de la prochaine Pac sortent des chapeaux européens cette année. Certains responsables professionnels ne voient pas d’un mauvais œil ce retard prévisible, car entre temps le réglement omnibus, porté entre autres par Michel Dantin et ses collègues de la commission agriculture du Parlement européen, a atténué bien des effets pervers de la précédente Pac. D’une part, il a donné de nouvelles perspectives aux agriculteurs français en répondant à certaines de leurs attentes (voir notre encadré). D’autre part, les premiers éléments sur les orientations de la prochaine Pac n’encouragent pas à l’euphorie. Les responsables professionnels et certains consultants spécialisés y voient la perte d’une ambition collective avec moins d’Europe, plus de complexité pour les Etats, des distorsions de concurrence accrues, moins d’efficacité sur le plan des politiques environnementales et rien qui puisse améliorer le revenu agricole. Le risque en effet dans un environnement géopolitique perturbé et face à la montée des égoïsmes régionaux, c’est bien de voir arriver une Pac cantonnée dans une vision essentiellement budgétaire, où chaque Etat sera plus préoccupé de sauver ses meubles, que de trouver des solutions qui tirent tout le monde vers le haut. Dans l’attente que l’immense chantier de la Pac soit mené à bien, reste ce réglement Omnibus que Michel Dantin considère comme « une base de travail » pour toutes les organisations professionnelles agricoles. « A vous de jouer maintenant ! » conclut le député européen. Sa formule trouve un écho dans la salle « l’omnibus sera ce que l’on en fera ».
AMK

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