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Vétérinaires / Les vétérinaires sont de moins en moins nombreux à exercer au service des éleveurs. Résultat : une charge de travail importante pour les premiers, plus de difficultés dans la gestion du sanitaire pour les seconds. Éléments d’explications avec Jean-Christophe Pineau, vétérinaire à Champlitte et président du syndicat des vétérinaires de Haute-Saône.

Si le nombre d’éleveurs continue sa lente érosion, surtout en élevage laitier, le nombre d’animaux de rente reste à peu près constant au cours des années. Quand on sait l’importance du sanitaire en élevage, la place du vétérinaire est donc toujours aussi cruciale, mais la profession connaît pourtant une sorte de crise des vocations. « Du travail, on en a, témoigne ainsi Jean-Christophe Pineau, vétérinaire à Champlitte. On a besoin de renfort, on est en phase de recrutement, mais on ne trouve personne. » Les candidats issus des quatre écoles françaises (voir encadré) se font rares ; de plus en plus, postulent des vétérinaires issus d’autres pays de l’UE ou d’Afrique du Nord.

Véto rural
Dans le cabinet chanitois, où officiaient auparavant 5 vétérinaires dont 4 mixtes (animaux de compagnie type chiens et chats, et animaux de rente type vaches, moutons, porcs), ne resteront bientôt plus que 2 vétérinaires mixtes. L’urgence se fait sentir, et ce dans tous les coins du département, comme en témoigne le Dr Pineau qui préside également le syndicat des vétérinaires d’exercice libéral de Haute-Saône (SDVEL 70). Entre deux consultations canines, il reçoit également un éleveur voisin qui vient demander conseil suite à un vêlage délicat. C’est le quotidien du « véto de campagne » et c’est un métier « passionnant » qui a toujours de l’avenir : « C’est ce qui m’a toujours intéressé dans le métier, témoigne encore le vétérinaire. L’obstétrique, le service et le conseil aux éleveurs, même s’il faut se lever la nuit… » Plusieurs raisons expliquent ces difficultés de renouvellement des générations de vétérinaires ruraux. D’abord, la notion de « crise du monde rural ». « Les jeunes au moment de s’installer, ça ne les aide pas à se projeter dans l’avenir. Ils entendent parler de crise, ce n’est pas évident. Pourtant le travail n’est pas prêt de manquer ! ». Certes les difficultés sont réelles pour les éleveurs, mais la pérennité de l’élevage n’est pas remise en cause.

L’impact de la féminisation
Autre raison : la féminisation de la profession et le numerus clausus. Avec aujourd’hui 73 % de femmes sortant d’école (chiffres 2015), la pyramide des âges de la profession est chamboulée, et le mode de recrutement n’a pas été adapté. « Les jeunes femmes vétérinaires sont aussi compétentes et professionnelles que leurs camarades masculins, mais elles ont des projets de vie différents des nôtres. Elles bifurquent plus volontiers en milieu de carrière, ou optent pour un mi-temps… » Un grand « atlas démographique » de la profession a été réalisé l’an passé et vient confirmer ce constat. En 2015, 778 vétérinaires se sont inscrits au tableau de l’ordre des vétérinaires : 564 femmes et 214 hommes, pour la grande majorité âgés de 20 à 29 ans. Parmi les sortants, on compte 520 hommes, pour la plupart âgés de plus de 60 ans, et 290 femmes, âgées en majorité de… 30 à 39 ans. L’étude révèle aussi une autre caractéristique : les femmes se dirigent plus volontiers vers les animaux de compagnie, quand les hommes se spécialisent dans les animaux de rente. Chez les moins de 30 ans, 36 % des jeunes hommes choisissent de se spécialiser dans les animaux de rente, contre seulement 25 % des jeunes femmes. La Bourgogne-Franche-Comté est un bon exemple. Sur 642 vétérinaires de moins de 40 ans, un tiers seulement des femmes soignent les animaux de rente, contre la moitié des hommes.

Scientifique et manuel : quel recrutement ?
« Une réflexion est en cours chez les formateurs à Maison Alfort, assure le Dr Pineau, pour adapter le numerus clausus à ce nouvel état de fait. » En attendant, de plus en plus d’étudiants français vont à l’étranger suivre des cursus (parfois en français) pour valider un diplôme et revenir exercer au pays. En 2015 ils représentaient 40 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre, dont 22 % pour la seule Belgique. Reste une dernière explication à la crise des vocations que subit la profession : le mode de recrutement, hautement sélectif scolairement, pour un métier qui reste pourtant très manuel. « Certes, on recrute des étudiants intelligents et brillants intellectuellement, mais ce n’est pas forcément ceux-là qui se destineront à travailler en milieu rural, se lever la nuit pour un vêlage, travailler tard… On met malheureusement de côté des jeunes qui feraient d’excellents vétérinaires. » Le développement de contrats de formation, d’apprentissage pourrait permettre d’attirer plus de jeunes en milieu rural. « Il y a des pistes à explorer ; pourquoi pas le financement de la dernière année d’études en contrepartie de l’engagement à travailler un certain nombre d’années » dans le cabinet vétérinaire. La profession réfléchit à ces pistes. Du côté des éleveurs, il reste sans doute aussi à améliorer le lien avec le vétérinaire, plus distendu chez les jeunes générations. Les uns et les autres étant pourtant hautement interdépendants…

LD

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