Mise à l’herbe / Les températures clémentes de la fin du mois de février ont hâté le démarrage de la végétation, du moins en plaine. Les expériences des précédentes campagnes incitent à tirer parti de la ressource herbagère dès que possible, moyennant certaines précautions.
Après un début de mois de février très hivernal, la météorologie a basculé brutalement en mode printanier : bel ensoleillement, températures supérieures à 12, voire 15 °C… Même si les gelées matinales persistent, cette fin février 2021 a décidément des allures de printemps précoce, qui peut rappeler celui de 2019 ! Depuis une semaine, en plaine, on peut déjà apercevoir des génisses sorties, voire certains troupeaux de vaches laitières, comme celui de la ferme du lycée agricole à Port-sur-Saône ! Un ressenti que confirment les techniciens de terrain « Nous avons commencé cette semaine les mesures d’herbe, relate Vincent Mamet, responsable de l’encadrement technique chez Evajura. Les hauteurs mesurées sont très hétérogènes : selon les endroits on a de 4 cm à 7 cm. L’aspect visuel de reverdissement peut être trompeur, car les hauteurs sont encore très modestes. » Plus au nord de la région, du côté du Territoire de Belfort, la saison est moins avancée. « De notre côté on mesure à peine 3,5 cm, plutôt des hauteurs de sortie du pâturage à l’automne… J’ai jeté un coup d’œil à la somme des températures, qui donnent un repère assez fiable, on a atteint les 200 °C seulement au cours de la dernière semaine de février (on n’était qu’à 172 °C le 24 février à Sancey). On entre dans la période de déprimage entre 300 et 400 °C, et à partir de 400 °C sur les prairies précoces, on peut pratiquer le pâturage exclusif. Dans mon secteur, il est encore trop tôt pour sortir les animaux. Mais tout peut aller très vite si la météo reste clémente, alors c’est le moment de préparer le pâturage (vérifier les clôtures, les abreuvoirs, etc) », détaille Philippe Tondu, de Conseil Elevage 25-90. Autre facteur à prendre en compte avant de lâcher les animaux, la bonne portance des terrains, afin d’éviter de dégrader la structure des sols et d’endommager le couvert prairial. D’autant que les quantités d’herbe disponible sont encore très modestes et ne permettent pas de réduire les quantités distribuées à l’auge.
Tenir compte de la portance
« Pour l’instant, on ne modifie pas la ration, car les quantités ingérées au pâturage sont faibles. Si par la suite on commence à constater des refus, expose Vincent Mamet, c’est-à-dire que quelques kilos de matière sèche sont effectivement consommés au pâturage, il sera temps de diminuer l’azote (les quantités de regain distribuées dans le cas d’une ration foin regain, ou la correction azotée d’une ration maïs) pour s’ajuster à la richesse en protéine de l’herbe jeune. »
La phase initiale de mise à l’herbe ne répond pas seulement à un objectif de transition alimentaire, puisqu’elle constitue aussi un levier de gestion de la saison de pâturage. « Je rappelle souvent aux éleveurs une règle simple, qui encourage à lâcher le plus tôt possible : la vache doit attendre l’herbe, ce n’est pas l’herbe qui doit attendre la vache ! préconise Vincent Mamet. Les premières sorties préparent la transition alimentaire et permettent aux vaches de se réhabituer en douceur au régime alimentaire du pâturage. Aussi, pour éviter qu’elles fassent des repas trop copieux, il est conseillé de les laisser sortir une fois qu’elles ont le ventre plein. Même si on n’est pas à l’abri d’un retour à des conditions fraîches et humides, qui contraindraient de garder de nouveau les animaux en bâtiment, il faut avoir à l’esprit que pendant ce temps, l’herbe continuera à pousser ! Avec le risque d’être débordé… Si la transition alimentaire est déjà bien engagée, on gagnera du temps pour reprendre le pâturage. »
Compter les jours d’avance
Un repère pratique, pour bien gérer la phase de mise à l’herbe, consiste à s’appuyer sur une estimation du stock sur pied, traduit en nombre de jours d’avance. « On considère que quand on a atteint 10 jours d’avance, la période de déprimage est terminée, et on peut passer sur des niveaux de chargement de pâturage proprement dit, où l’herbe assure l’essentiel de la ration. », complète Philippe Tondu. Sur des prairies extensives, à faible potentiel, une surface importante de pâturage est réservée pour chaque animal. Plus le système est extensif, plus on peut sortir tôt. On peut avoir la même sécurité avec moins de rendement. La hauteur d’herbe nécessaire, mesurée à l’herbomètre, varie de 8 centimètres (prairie à faible potentiel) à 10 centimètres (fort potentiel) pour pouvoir sortir avec une marge de sécurité suffisante, et arriver progressivement à environ
20 jours d’avance. Dans le même temps, un apport de foin assure une transition alimentaire optimale. Une sortie précoce permet de terminer suffisamment tôt le premier cycle de pâturage par rapport aux dates d’épiaison de certaines graminées. Cela évite aussi d’être débordé avec l’herbe.
Transition alimentaire
La transition alimentaire doit être progressive, même dans les troupeaux allaitants, où l’on passe d’un régime sec, comprenant beaucoup de foin, à de l’herbe très riche en eau et en azote soluble. Mettre à l’herbe un lot de génisses du jour au lendemain n’a rien de choquant. On conseillera alors de mettre à l’herbe en milieu d’après-midi, la panse pleine, par beau temps. La transition sera fonction des conditions climatiques. Là encore, c’est une question d’anticipation. S’il pleut, il ne faut pas hésiter à conserver les animaux à l’abri 48 heures supplémentaires. Il faut laisser du foin à disposition des animaux, pour amortir la modification drastique du régime alimentaire des vaches. L’éleveur propose, l’animal dispose, car on ne peut pas lui imposer de consommer. Il faut donc lui laisser le temps de s’adapter. Avec du fourrage sec grossier, on ralentit le transit.
Souplesse d’exploitation
Plus il y a de paddocks, plus il est facile de débrayer quand on a trop d’herbe. En ce qui concerne les règles de changement de cycle, c’est là encore une question de jours d’avance. Quinze à vingt jours d’avance permettent de bonnes conditions de changement. En dessous de cette barrière, ajouter des parcelles initialement dévolues à la fauche s’avère nécessaire, au-delà, il est nécessaire de faucher rapidement les parcelles excédentaires.
AC