CULTURES INTERMÉDIAIRES / Dédiées à la méthanisation, et dans un futur proche à d’autres utilisations industrielles, pour la production d’éthanol cellulosique par exemple, les Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique, semées après la moisson, nécessitent une implantation soignée.

Face à une opinion publique de plus en plus exigeante vis-à-vis du monde agricole, la France a opté pour l’interdire la méthanisation des cultures alimentaires. Ce qui signe l’acte de naissance de la CIVE (Culture Intermédiaire à Valorisation Énergétique), destinée à l’exploitation pour la méthanisation. Compte-tenu du fait qu’un couvert végétal n’a pas de valeur économique directe mais représente plutôt un coût, l’idée sous-jacente est donc de valoriser sa biomasse pour produire de l’énergie dans un bioréacteur… Il ne s’agit ni plus ni moins que la déclinaison du principe d’une interculture « fourragère » destinée à l’alimentation du troupeau… avec une biomasse végétale orientée dans ce cas particulier vers la « panse artificielle » du méthaniseur. « Les couverts d’interculture remplissent de nombreuses fonctions agronomiques et environnementales : matière organique, fourniture d’azote, lutte contre le lessivage et l’érosion. Si la réglementation tend à les généraliser, l’ajout d’une fonction économique (revenu) et environnementale (réduction des émissions de GES) aux couverts d’interculture est certainement un facteur de développement. » récapitulent Sylvain Marsac et Manuel Heredia, les deux spécialistes de la question chez Arvalis-Institut du végétal. Le débouché actuel des CIVE est la méthanisation, mais les valorisations n’en sont qu’à leur début. Dans l’avenir, les CIVE pourront alimenter les unités industrielles au centre de la bioéconomie : unités d’éthanol cellulosique ou bien bioraffineries tournées vers l’extraction de molécules à haute valeur ajoutée.

L’équivalent de 500 à 2000 L de fuel/ha
On arrive ainsi à produire entre 6 et 8 t/ha MS de biomasse pour des CIVE d’hiver avant cultures de printemps (des données comparables à celles d’un mélange fourrager de graminées et de légumineuses) et de l’ordre de 4 à 6 t/ha MS pour des CIVE d’été implantées tôt et fertilisées (à base de maïs, sorgho ou tournesol). Au niveau énergétique on arrive ainsi à produire entre 500 et 2 000 L/ha de méthane (soit grosso modo la même quantité de fuel).
Les CIVE représentent l’intérêt de limiter la concurrence d’usage des sols pour les cultures énergétiques avec la production de trois cultures en deux ans (deux cultures alimentaires et une non alimentaire). « La CIVE est donc une culture à part entière dans une séquence où chacune des cultures voit son cycle raccourci ! »
Leur conduite est souvent proche de celle des cultures dérobées. La place de ces cultures intermédiaires dans la rotation constitue le premier facteur de choix et de réussite.
Les CIVE d’été sont semées en été et récoltées en début d’automne. Elles sont positionnées après une culture alimentaire d’hiver (blé, orge, colza, pois). Ces CIVE ont un développement qui dépend très fortement de l’alimentation hydrique avec une productivité limitée en cas de manque d’eau. Leur cycle court limite leur impact sur la culture suivante et leur positionnement avant la recharge hivernale des sols provoque peu de concurrence sur les réserves en eau.

Un calendrier d’implantation serré
Pour une CIVE d’été, le choix doit se porter sur des espèces productives sur un cycle court (90 jours). En effet, les CIVE d’été disposent d’un calendrier serré très dépendant de la culture précédente. Ainsi, le maïs, le sorgho et le tournesol sont de bons choix lorsque le calendrier le permet, tandis que le moha peut s’avérer intéressant en cas de calendrier plus serré. Pour les CIVE d’été, il n’y a pas d’intérêt a priori à mélanger des espèces entre elles. Le choix de l’espèce doit aussi se raisonner en fonction des risques ravageurs et des problématiques de désherbage liées au précédent (repousses difficiles à gérer). En termes de conduite, l’objectif est de trouver un compromis entre productivité de la CIVE à faible coût sans impacter les cultures précédente et suivante. Des couverts végétaux efficaces ont en effet un coût (100 €/ha à l’implantation) et demandent du soin et du temps. Pour garantir leur intérêt économique, l’itinéraire technique des CIVE doit être limité au strict minimum : implantation, fertilisation, récolte, désherbage éventuel. Dans cette stratégie, les opérations combinées ou simplifiées constituent des atouts importants. La couverture quasi permanente du sol avec ces séquences de cultures exige une adaptation du travail du sol pour limiter les coûts et garantir les implantations. Les bénéfices agronomiques du couvert ne sont pas toujours faciles à chiffrer (réduction de l’érosion, portance, structure, matière organique, activité biologique). Cependant, le raisonnement de la quantité d’azote recyclée ou fixée par les couverts permet déjà un retour sur investissement : avec en moyenne 3 à 4 t de MS/ha, cela représente soit 90 à 150 kg/ha d’azote dont la moitié est disponible assez rapidement.
Pour les CIVE d’été, plus la date de semis est précoce, plus la productivité sera améliorée. La date de récolte est moins sensible tant qu’elle permet une maturité suffisante de la culture. La précocité de la culture précédente devra être adaptée pour un objectif de récolte en deuxième quinzaine de juin. Le semis doit être simplifié et adapté aux espèces (strip-till pour le sorgho, le tournesol, semis direct pour le maïs) et réalisé au plus près de la récolte du précédent pour profiter de l’humidité résiduelle et de jours longs. L’écartement entre rangs sera réduit (40 cm si binage voire inférieur pour du sorgho ou du moha) afin de garantir la couverture de l’inter-rang dans une période de durée de jour décroissante. Les semis interviennent dans la période du 15 juin au 10 juillet, pour une plage de récolte du 15 septembre au 1er novembre.
Le désherbage sera à adapter à l’espèce choisie et à gérer dans la séquence de culture. Une pression adventice plus importante qu’en culture alimentaire peut être acceptée en raison d’une récolte immature des plantes et d’une moindre montée à graine des adventices. Les associations limitent les possibilités de désherbage mais garantissent fréquemment une couverture du sol qui pénalise ces adventices.
La récolte doit se caler dans l’idéal sur les taux de matière sèche recommandés pour l’ensilage des espèces en place (par exemple 30 à 35 % MS en maïs, > 28 % en sorgho). Une fois ces stades atteints, il est inutile d’attendre : le gain de production serait faible pour un risque de verse fort. Dans ces conditions, le stockage en silo permet une bonne conservation des CIVE et de leur pouvoir méthanogène. Pour les CIVE d’hiver, les taux de matière sèche à la récolte sont fréquemment bien inférieurs. Des dispositifs de récupération de jus de silo sont à prévoir.

AC, d’après les données Arvalis

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