Assemblée générale de JA70 / Dans un contexte de dénigrement de l’agriculture, Anna Boucard, éleveuse active sur les réseaux sociaux et Amaury Dessart, spécialiste de la communication sensible, sont venus proposer aux jeunes agriculteurs des éléments de compréhension du contexte, des pistes d’action, et surtout des raisons d’espérer !

Non, l’agribashing n’est ni un mythe, ni un fantasme… comme l’a expliqué Amaury Dessard à l’occasion de l’assemblée générale des JA de Haute-Saône, le 17 février dernier. Directeur d’une agence de communication et spécialiste de la communication sensible, pour l’industrie agroalimentaire ou Ferrero, il a rapidement brossé le contexte. « Nous sommes entrés dans une société de défiance, d’indignation et d’invective. Si les gens en veulent aux agriculteurs, ils en veulent plus largement à tous : seules les associations de consommateurs bénéficient encore d’une confiance partagée (71%) alors que les autorités de contrôle n’ont que 51%, et les organismes de recherche 50% d’opinions positives, loin devant le gouvernement ! Cette défiance est relayée médiatiquement, nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité, avec des grands dirigeants qui abusent de l’art du mensonge, et le circuit de l’information qui a atteint une telle vitesse qu’il échappe au contrôle de véracité, comme on l’a vu dernièrement avec l’arrestation de Dupont de Ligonès… » Les réseaux sociaux ont entrainé un glissement de l’indignation de la sphère privée à la sphère publique, indignation qui se partage à un rythme quotidien. « On partage de la colère, de la violence, d’un simple clic, et la colère monte. »

Des perceptions en décalage avec la réalité objective
Le monde agricole et le domaine de l’alimentation ne font pas exception dans ce paysage de défiance généralisée. Le rapport avec l’alimentation et le seul lien qui demeure avec l’agriculture. Or 61% des Français pensent que c’est moins bon et moins sain qu’avant, ce qui est en contradiction avec la réalité objective. Plus le risque s’amenuise, et plus la probabilité qu’il survienne devient inacceptable… divergence entre la réalité du risque et sa perception. Les nombreuses polémiques entretiennent cette mauvaise ambiance (ESB, fipronil, glyphosate). L’aspect diététique (trop de sucre, trop de gras, trop de sel…) et enfin les demandes éthiques montent en puissance (bien-être animal, justice sociale…). L’exposition répétée – plusieurs reportages par semaine. – à ce type de débats crée une inquiétude permanente. Enfin des organisations viennent attiser ces polémiques : ONG classiques, procureurs d’opinion, tels que green peace, et enfin des nouveaux acteurs dont l’objectif est d’aller contre l’agriculture (L214 par exemple). Il faut ajouter à ce tableau des excès marketing de la GMS, ou de Biocoop avec des propos simplificateurs.

Travailler en environnement hostile
Une fois posé ce constat, le spécialiste de la communication se veut optimiste. « J’entrevois une éclaircie : : les excès ont touché leurs limites, les agriculteurs reprennent la main dans le discours les concernant et d’autres acteurs attachés à l’agriculteurs prennent position, du bruit positif commence à se faire entendre. » Anna Boucard, éleveuse en Gaec entre époux à Bournois dans le Doubs et productrice d’Emmental Grand Cru, est un bon exemple de cette reprise en main de la communication par les premiers intéressés. D’abord avec blog sur skyrock, puis une page facebook, un compte instagram… « J’anime huit pages facebook, dont celle du Gaec qui compte 1 700 fans. Mon objectif, c’est de partager le quotidien de mon exploitation agricole, mon métier, avec des photos, des vidéos, des textes courts. Et toujours sous un angle positif ! Il faut expliquer et ne pas avoir peur de montrer notre métier pour en donner une autre image. Je fais partie du réseau agri-demain, je participe à la fête des moissons avec un stand pédagogique sur les céréales. J’ai accueilli il y a quelques temps un groupe de 10 randonneurs qui se sont arrêtés sur la ferme et se posaient des questions sur les traitements phytosanitaires, je leur ai montré notre carnet de traitements, ils sont repartis rassurés : la base c’est de faire visiter nos fermes. »

Sortir du dialogue de sourds 
Pour Amaury Dessard, il est important de bien faire la différence entre deux territoires : le champ de l’émotion et celui de la technique, de la rationalité. « Il faut sortir du débat de sourd, et incarner, avec des personnes, un discours rationnel qui s’appuie sur les trois piliers de force de l’agriculture française : la proximité, l’expertise, le terroir, la modernité, pour combattre les peurs vis-à-vis de la sécurité, des pesticides, du lobbying. S’ouvrir, dire et faire, car comme le savent bien les enseignants, c’est la répétition qui fait la notion, la multiplication des voix qui ont un discours positif sur l’agriculture va finir par générer un bruit positif audible. C’est important de donner à voir l’agriculture à hauteur d’homme ou de femme, en complément du travail de communication plus national des organisations syndicales. » 
Les deux intervenants ont participé à une séquence d’échange très riche avec les participants à l’AG. Avec des questions très pratiques « par où commencer, comment se former, comment réagir face à des commentaires hostiles ou malveillants ? », ou plus de fond « comment peut-on s’exprimer quand on est interpellé sur des sujets comme celui de l’abattage rituel ? »
Première règle de conduite : parler en son propre nom, car cela limite le risque d’être pris comme cible de collectifs militants hyperactifs sur la toile. « En cas de commentaire négatif, je reste très polie, et je réponds en privé à la personne pour expliquer ma position, ça permet de désamorcer les conflits », note Anna Boucard. Seconde règle, commencer à communiquer dans un cadre familial, amical, a priori bienveillant… « Sur votre page facebook personnelle par exemple ! ça permet de tester les réactions et de se faire la main. De toute façon restez toujours conscient que Vous êtes libre en tant qu’individu de ne pas rentrer dans la polémique, de ne pas répondre aux commentaires méchants. », détaille Amaury Dessard. Ce dernier a conclu, face à un certain sentiment de découragement vis-à-vis de l’agribashing et l’iniquité du traitement du monde agricole dans les médias, sur une note très positive. « Vous êtes les héros des temps modernes, on a tendance à l’oublier, mais ne l’oubliez pas vous-même ! Personne n’est mieux placé que vous pour communiquer sur votre métier. »

AC

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