Démarche Agrilean / Si le séchage en grange constitue un levier pour sécuriser le bilan fourrager et réduire les coûts de concentré, il faut néanmoins prendre en compte tous les aspects d’un tel projet avant d’investir. Patrice Viennet a fait appel à Agrilean pour évaluer l’impact de cet investissement.

La FDGEDA du Doubs et la Chambre d’agriculture interdépartementale du Doubs-Territoire de Belfort organisaient le 19 novembre dernier une journée technique sur le thème de l’adaptation de la production fourragère au changement climatique, à HautePierre le Châtel. Une centaine d’agriculteurs y participaient sur l’exploitation de Patrice Viennet.
L’occasion d’aborder concrètement le projet de l’exploitant, à savoir la construction d’un séchage en grange. En effet, avec 97 ha en herbe, sur sols séchants, pour 40 vaches laitières et leur suite, l’éleveur est confronté à des difficultés pour équilibrer son bilan fourrager, difficultés qui pourraient s’accentuer si les aléas climatiques voient leur fréquence augmenter, comme beaucoup le prédisent. Il a fait appel à Agrilean pour chercher des pistes d’optimisation de son système et évaluer l’impact de l’investissement dans un séchage en grange. Agrilean associe Conseil Elevage 25-90, la Chambre d’agriculture du Doubs-Territoire de Belfort et CERFrance du Doubs. « La combinaison de l’expertise de trois approches différentes permet d’avoir une étude du projet basée sur un diagnostic d’exploitation complet, qui prend en compte autant les aspects techniques, qu’économiques, financiers et humain… », introduit Jean-Paul Roumet, de la chambre d’agriculture. « Le contrôleur laitier va pouvoir donner un avis sur la qualité du lait, l’équilibre de la ration, des indicateurs de reproduction… tandis que celui de la Chambre d’agriculture peut analyser le bilan fourrager, le bâtiment, la conduite du pâturage, et le conseiller de gestion tout ce qui est comptabilité, rentabilité des investissements, trésorerie, etc… »

Rechercher des pistes d’optimisation
La première étape a consisté à comparer l’élevage de Patrice Viennet avec ceux de ces collègues en système foin-regain : produit par UTH, ratio annuités/EBE, par exemple en ce qui concerne les critères de gestion. Ou bien dans le champ technique, le taux d’élevage, les quantités de concentrés distribués par litre de lait produit, le nombre de chevaux par hectare… Ces critères ont été établis sur la base d’une analyse multifactorielle des données de centaines d’exploitations : ils expriment les combinaisons
pratiques / milieu les plus efficientes économiquement. « le conseil permet d’orienter l’exploitation vers une combinaison de pratiques gagnantes, et de prédire l’augmentation d’EBE qu’elle générera en mettant en place les changements préconisés. » La présentation graphique des résultats sous forme de radars permet de se repérer visuellement et d’identifier au premier coup d’œil les points clés à réviser.
Dans le cas particulier de Patrice Viennet, nombre d’écarts vis-à-vis de l’optimum, mis en lumière par la démarche Agrilean, sont liés à l’histoire récente de la ferme : la fusion avec l’exploitation de son oncle, qui a pris sa retraite un an plus tard, conduit à une situation particulière.
« La réunion des deux troupeaux à conduit à une augmentation du taux d’élevage pour harmoniser la génétique : on n’est pas encore en vitesse de croisière… la réunion des parcs matériels des deux exploitations originelles a aussi fait fortement augmenter le degré de mécanisation, ce qui se traduit par des charges structurelles plus élevées que la moyenne du groupe. »
La technicienne de Conseil élevage a mis aussi en évidence des pistes de progrès liées au bâtiment d’élevage, notamment dans le registre de
l’ergonomie et du confort animal (nombre de places à l’auge, nombre de couchage, qualité des sols…) Problèmes qui devraient être résolus avec l’agrandissement prochain de la stabulation. La combinaison des préconisations Agrilean (semis de prairies temporaires productives pour mettre fin aux achats de fourrage, diminution du taux d’élevage… entre autres – voir tableau) permettrait à système constant de faire progresser l’EBE de 12 000 €. « L’obtention des gains est à interpréter de manière globale ; c’est l’action sur l’intégralité des postes cités ci-dessus qui permettra la bonification d’EBE. N’intervenir que sur certaines charges ou certains produits se montrera très peu, voire totalement inefficace. L’EBE projeté s’élève à 95 000 € sécurisé soit 315 €/ 1 000 l lait »

Investissement reporté
La seconde partie de l’exercice a consisté à projeter les annuités des futurs investissements liés au séchage en grange : achat d’une autochargeuse, construction du séchoir… Et à les mettre en face des gains d’EBE permis, que ce soit en termes d’alimentation du troupeau laitier (moins de concentrés distribués grâce à une meilleure qualité de la ration de base hivernale), abaissement de l’âge au premier vêlage, etc. De l’ordre de
2 000 € par an. « La capacité de remboursement additionnée des gains procurés par le séchage ne suffisent pas à couvrir les besoins d’EBE (déficit annuel de trésorerie de 5 000 à 6 000 €) dans l’hypothèse d’un séchage à
100 000€ », détaillent les conseillers, qui ont maintenu les prélèvements privés à un niveau élevé dans leur simulation (en lien avec le projet de vie de l’exploitant) et prévu une marge de sécurité (de 9 000 €) pour faire face à d’éventuels coups durs. Aussi, le projet de séchage sera probablement différé quelques années. « Au final le projet doit se résonner globalement : gains d’EBE sur l’ensemble de l’exploitation, gains par le séchage, coût du projet, modalités de remboursement. », concluent-ils.

Alexandre Coronel

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