Conférence agricole / Le 11 décembre, se tenait à Vesoul la rencontre annuelle entre la chambre d’agriculture et le département. Cette année, les deux partenaires ont travaillé dans l’urgence pour parvenir à compenser autant que possible une partie des pertes liées à la sécheresse.

La météo catastrophique de cette année a bien sûr été au programme de la conférence agricole départementale, qui réunit tous les ans les élus du département et ceux de la chambre d’agriculture, à l’hôtel du département de Vesoul. Comme l’a développé le directeur de la chambre Yves Cantenot dans sa présentation la région a été particulièrement frappée par la sécheresse, et tout particulièrement notre département ? la Draaf a ainsi mesuré des déficits fourragers records en Haute-Saône, de -36 % dans la plaine de Gray, -37 % autour de Vesoul, et -44 % sur les Vosges saônoises et la moyenne montagne. La petite région agricole autour de Champlitte est notée « seulement » à -29 %, mais comme le relève le président de la chambre Thierry Chalmin, « quand on part de moins haut on tombe moins bas ».

Une enveloppe de 996 k€ pour la Haute-Saône
La sécheresse superficielle est en passe de se terminer. Pour les nappes, ça va prendre « un peu plus de temps ». Mais pour la « sécheresse des trésoreries », c’est loin d’être fini : « L’hiver sera long et difficile pour tout le monde. » D’après les chiffres présentés, on relève en grandes cultures dans le département seulement 4 années avec résultat positif sur les dix dernières années. Le marché de la viande est tendu à cause d’une tendance lourde de décapitalisation liée au manque de fourrage. Même en porc, l’embellie de 2017 est déjà oubliée, et en lait l’embellie attendue ne s’est qu’en partie produite. Dès que la profession a constaté l’ampleur de la calamité, c’est évidemment vers l’institution de proximité qu’elle s’est tournée. Début août, les élus du conseil départemental se sont rendus sur place pour constater les dégâts, et ont commencé à réfléchir à une mesure « simple, efficace, rapide et fiable juridiquement » d’après les mots du président du département Yves Krattinger. Fiable, parce que depuis la dernière crise agricole, la loi NOTRe est passée par là : le département n’a plus le droit d’octroyer des fonds publics. La région en revanche le peut, et un montage a permis de sécuriser la subvention. En séance budgétaire, le département a voté une enveloppe de 600 000 euros, que la région complétera pour permettre une aide d’urgence à hauteur de 996 k€.

Reste le « problème des prix »
En pratique, il a été décidé en concertation avec la chambre d’agriculture, d’une aide à l’UGB, sur simple déclaration de l’éleveur (voir par ailleurs). Le montant est différencié selon le taux de déficit de pousse d’herbe par petite région fourragère, mais sera en moyenne de 9,36 €/UGB éligible. Pour les exploitations non éligibles (maraîchers notamment), « un autre mode de répartition est prévu » avec la région. Cette aide sera un petit coussin d’amortissement mais ne « résoudra pas le problème des prix », ont souligné les éleveurs présents. Philippe Auger a ainsi réfuté les arguments de la grande distribution, qui joue sur la peur de la hausse des prix pour refuser des augmentations à l’amont : « Sur le steak haché, par exemple, la limitation du seuil de revente à perte obtenue lors des EGA provoquerait une hausse de 0,2 % seulement. Calculez ce que ça ferait sur un steak haché à 12 €/kg… » Didier Vagnaux, président d’Interval, a également rappelé que le législateur a sa part de responsabilité dans la hausse des charges que subissent les agriculteurs : « Au 1er janvier, la hausse de la taxe sur les pollutions diffuses va représenter un nouveau poids de 80M€ sur les épaules des agriculteurs, rappelle-t-il. Quant à la séparation du conseil et de la vente, c’est pareil : nous allons probablement garder le conseil, car nos adhérents en ont besoin, mais ça ne va pas faire baisser le prix des phytos qui devront bien être vendus… »

Et si on vendait notre oxygène ?
La séance s’est terminée avec un retour sur l’opération « Agrilocal 70 », qui continue à progresser sur le département. « A ce jour, ils sont 74 producteurs dont 24 en bio à livrer les établissements haut-saônois », c’est-à-dire les cantines de l’ensemble des collèges, de 2 Ehpad, d’une MFR, de 5 lycées. Depuis 4 ans que dure le programme, 142 t de produits alimentaires ont été livrées (dont 60 % de viande, 18 % de légumes, 17 % de produits laitiers) pour un chiffre d’affaires de 642 k€. « Il faut changer d’échelle pour arriver à une massification », estime Yves Krattinger, constatant que sur des quantités de produits limitées, les livreurs ne parviennent pas toujours à être compétitifs. « Sans dénaturer l’esprit du dispositif », complète Thierry Chalmin, Agrilocal 70 ayant été créé dans l’idée de permettre aux producteurs locaux de fournir les cantines locales. Finalement, Yves Krattinger a terminé la conférence départementale agricole avec une drôle de proposition : Et si on vendait notre oxygène ? Lancée sur le ton de la boutade, cette percée était une réponse à la position compliquée dans laquelle se trouvent les territoires ruraux (l’actualité des gilets jaunes est là pour le rappeler). « On entend causer les théoriciens, explique Yves Krattinger, dans des bureaux, à Paris mais pas seulement. Tout le temps, il faut faire comme-ci, il faut produire comme-ça, avec telles méthodes. Mais si nous n’étions pas là, avec notre agriculture et notre forêt, ils n’auraient pas d’oxygène à respirer ! »

LD

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