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Lait / Beaucoup de magasins affichent des pénuries de beurre. Pour la GMS, cela est lié au manque de disponibilité de la matière première. Transformateurs et producteurs accusent cependant les distributeurs de mettre en scène cette pénurie pour cacher le refus de l’acceptation des hausses de prix. Ce qui est sûr, c’est que rien de toute cette mise en scène ne profite aux producteurs. 

Difficile de s’y retrouver. Le prix du beurre explose (x 2,5 depuis avril 2016), le prix de la poudre baisse, le prix du lait à la ferme monte, mais trop doucement. Et récemment, des pénuries de beurre se font sentir dans les grandes surfaces. Du jamais vu. Les étals vides sont remplacés par de discrètes affichettes : « Chers clients, en raison d’un manque de matière première, nos fournisseurs ne sont pas en mesure de livrer toutes nos commandes de beurre », lit-on par exemple dans une grande surface de la zone lurone. Même constat à Vesoul, à Gray, à Luxeuil.
Une situation qui fait réagir les producteurs de lait. « Alors que la valorisation beurre-poudre se situe à près de 350 € / 1 000 litres, que le prix du lait en Allemagne atteint près de 365 € / 1 000 litres (en août), que la valorisation du marché intérieur augmente, que plusieurs magasins affichent des pénuries de beurre, les annonces de prix du lait aux producteurs par les leaders industriels au mois d’octobre 2017 plafonnent à 325 €/1 000 litres, avec des pressions à la baisse », dénoncent dans un communiqué la FRSEA et les JA de Bourgogne-Franche-Comté.

Le bilan matière du lait
Les transformateurs de leur côté se défendent : le beurre explose, mais il ne représente qu’une part de la valorisation du lait. Le Cniel s’est même fendu d’un long communiqué pour expliquer que « le prix du lait, au départ, ne suit pas la même évolution que le prix du beurre pour l’industrie qui concerne donc 11% du lait » seulement. De fait, le bilan matière du lait réalisé par l’interprofession montre que 20 % du lait collecté en France sert à produire le beurre, dont la moitié seulement pour les produits de Grande consommation (PGC).
Un raisonnement qui tend à reporter la faute sur les distributeurs : « Dans un contexte de guerre des prix entre distributeurs, la majorité des centrales d’achats françaises refusent de procéder à des hausses tarifaires nécessaires, écrit encore le Cniel. Le prix du beurre au consommateur a ainsi augmenté de 6 % entre août 2016 et août 2017 en France selon l’Insee, quand dans le même temps il a augmenté de 72 % en Allemagne. » Les GMS refuseraient donc d’impacter le consommateur de hausses de prix légitimes, vu les tensions dans les disponibilités.

Des demi-mensonges
La vérité est difficile à cerner. Certes, la production a chuté : pour la première fois en 17 ans, la production française annuelle de beurre va probablement passer sous les 400 kt cette année. Mais la tendance n’est pas vraiment suffisante pour expliquer la pénurie. L’année 2013 avait également été mauvaise, avec 401 kT produites, sans que des pénuries se soient fait sentir en rayon. Quant aux records des années 2014 et 2015 (444 kT produites), ils n’ont pas provoqué de baisse du prix du beurre en rayon… D’ailleurs, la production française de beurre est orientée « beurre conditionné ». D’après FranceAgrimer, notre pays est globalement importateur de beurre, mais il est exportateur net de beurre conditionné : on exporte des plaquettes, pour la vente au détail, mais on importe du beurre vrac, pour l’industrie. Ces trois dernières années, les exports de beurre conditionné ont d’ailleurs été particulièrement stables, autour de 3 000 t par mois.
Les GMS ont donc raison quand elles évoquent une pénurie de beurre, mais elles mentent quand elles laissent entendre que c’est une pénurie de beurre conditionné. De son côté l’interprofession exagère quand elle évoque une pénurie de matière grasse, surtout quand elle l’impute « aux quotas de matière grasse de l’UE », qui n’ont en fait pas permis de diminuer la production de beurre de l’UE, à peine à la stabiliser d’après la Commission Européenne.

La dissymétrie dans les négociations
La situation est en tout cas révélatrice de deux aspects du rapport de force dans les négociations de la filière laitière. D’abord la grande force de la GMS, qui est capable de mettre en scène une pénurie de matière première. C’est une façon de montrer à ses fournisseurs qu’elle peut se passer de son beurre, et de refuser les hausses tarifaires qu’ils réclament, conformément à la loi de l’offre et de la demande. Les transformateurs, mieux payés de leur beurre à l’international, ne sont d’ailleurs pas vraiment en mesure de s’opposer, sans quoi on aurait assisté à une augmentation des exports de beurre conditionné, ce qui n’a pas été le cas d’après FranceAgrimer.
D’autre part, les grands perdants sont encore les producteurs. Même le communiqué de l’interprofession ne vient pas les soutenir : il justifie à demi-mot l’absence de hausse des prix à la production, et vient pointer du doigt la GMS. Quant aux actions que les producteurs pourraient mener contre la distribution, ce serait une fois de plus de l’eau au moulin de la transformation. Les Etats Généraux de l’Alimentation ont bien évoqué le partage de la valeur ajoutée ? Il reste du travail.

LD

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