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Actions syndicales / Une semaine après le mot d’ordre du refus de la TVA, FDSEA, FDPL et JA ont lancé une opération coup de poing contre les marques emblématiques des industriels dont l’avidité prive les agriculteurs d’une juste rémunération de leur travail : Président, Caprice des Dieux et Charal.

C’est mercredi 10 août que les hostilités ont commencé. Rendez-vous était donné dès le matin aux adhérents des JA, de la FDPL et de la FDSEA dans les principales agglomérations du département de Haute-Saône : Vesoul, Luxeuil-les-Bains, Lure et Gray. Avec un objectif simple, pour les 200 producteurs mobilisés, celui d’aller vérifier si la consigne passée aux dirigeants des grandes surfaces de retirer de leurs rayons les produits des marques Président, Caprice des Dieux et Charal avait été respectée. A la Maison des Agriculteurs de Vesoul, Sylvain Crucerey, Emmanuel Aebischer, Gérald Pichot et Thierry Chalmin expliquaient en conférence de presse les raisons de cette nouvelle action.

Injustice sociale
« Ce ne sont pas les grandes surfaces qui sont visées, a tenu à préciser d’emblée Sylvain Crucerey, même si ça aura le mérite de les sensibiliser, car elles jouent aussi un rôle dans les négociations sur les prix avec leurs fournisseurs de l’industrie agro-alimentaire. » Non, la cible, ce sont trois marques célèbres qui sont devenues pour les agriculteurs le symbole de l’injustice sociale dont ils sont victimes : Caprice des Dieux pour le groupe Bongrain, Président pour Lactalis et Charal, pour les établissements Bigard. « Ces industriels se gavent pendant que nous, on crève ! », résume d’un cri lapidaire Pierre Besançon, qui ne peut plus contenir sa colère. « Chaque matin je me lève pour traire 1 000 litres de lait, et je perds 150 € ! » tente-t-il d’expliquer aux journalistes de la presse nationale.
Plus pédagogue, Emmanuel Aebischer détaille les raisons qui ont conduit à cette crise : suppression des quotas laitiers, assortie de prévisions enchanteresses de croissance du marché mondial, démantèlement de l’interprofession laitière nationale, qui jouait le rôle de cadre dans la fixation d’un prix de base consensuel entre producteurs et transformateurs… « ça s’est produit sous le mandat de Sarkozy, qui devait soi-disant profiter de sa présidence de l’Union européenne pour étendre à l’Europe toute entière un modèle français qui marchait si bien. Son conseiller à l’agriculture, que nous avons rencontré à l’Elysée, nous l’avait promis ! Résultat, six mois plus tard, la répression des fraudes tombait sur l’interprofession et la condamnait pour entente illicite sur les prix. »

Des bénéfices mal répartis
Avec le retournement des perspectives commerciales pour la poudre de lait, lié principalement à la désaffection des Chinois, le marché mondial est devenu excédentaire, et les industriels font la pluie et le beau temps en matière de prix du lait. D’autant plus facilement qu’ils manient chantage à l’emploi et lobbying pour se soustraire à toute tentative de remise en question. « Nous demandons depuis des années à ce soient pris en compte les coûts de production dans le calcul du prix du lait payé au producteur, explique Emmanuel Aebischer. Pour ça, nous avons un indice synthétique calculé par l’INSEE, l’IPAMPA, qui intègre les matières premières et les fournitures utilisées dans nos élevages. Mais Lactalis ne veut rien savoir. Aujourd’hui il nous faudrait 34 centimes du litre de lait pour rentrer dans nos coûts, Lactalis ne paye que 26 ! » Idem pour la viande, payée de moins en moins aux producteurs, tandis que les prix en rayons continuent de progresser, ce qui favorise la désaffection d’une partie des consommateurs. Ce différentiel de prix qui appauvrit chaque jour les agriculteurs. Et les grands groupes annoncent, de leur côté, des profits spectaculaires. « Danone, qui paie pourtant le lait 33 ct du litre, a annoncé avoir plus que doublé son bénéfice net au premier semestre 2016. »  « On a l’impression que dans l’alimentation, plus on travaille et moins on gagne, c’est inacceptable ! » tonne Thierry Chalmin, qui dénonce dans la foulée l’explosion des charges consécutives à une réglementation européenne de plus en plus tatillonne. « Par exemple, depuis quelques années on est obligés de faire un bilan sanitaire annuel dans nos élevages, c’est un véto qui vient constater que tout se passe bien. Ça nous coûte 170 € ! Dans le même temps, nos produits baissent : on crève à petit feu. » « On a fait de gros investissements dans nos exploitations, qui vont dans le sens du respect de l’environnement, du bien-être animal, et les prix que nous touchons n’ont même pas suivi l’inflation. », renchérit Sylvain Crucerey. Faudrait-il faire payer davantage les consommateurs pour permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail ? « On n’est pas sûr que ça soit la solution… expose Sylvain Crucerey : on a vu l’exemple avec la viande, avec une augmentation progressive de 10 ct/semaine sur six semaines de la viande en rayon : les producteurs n’en ont jamais vu la couleur ! Non, ce qu’on demande, c’est une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans nos filières. On veut un prix équitable, un juste prix pour nos produits ! ».

AC

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