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Traditions / Chaque année, Benoît Hosatte va faire pâturer son troupeau sur les hauteurs du ballon de Servance, à 1 200 m d’altitude. Le 14 octobre, c’était la redescente d’alpage, pour la trentaine de bovins qui y avaient passé l’été, et la demi-douzaine de volontaires venus prêter main-forte pour l’occasion. Une belle occasion de faire vivre la convivialité du monde paysan.

En Haute-Saône, on compte 20 communes en « zone de montagne », dans les cantons de Faucogney, de Melisey, et de Champagney. Ce classement en zone défavorisée est loin d’être uniquement administratif. Ceux qui s’étaient donné rendez-vous le 14 octobre en fin de matinée, autour de Benoît Hosatte, éleveur à Plancher-Bas, ont pu s’en rendre compte.
L’opération consistait à redescendre le troupeau de ses pâtures d’alpage, jusqu’à la plaine où les animaux, de race vosgienne et croisé limousine, viendront passer l’hiver. Une transhumance dans la bonne humeur, pour le petit troupeau : 33 animaux y compris les veaux, et une demi-douzaine de bergers d’un jour, qui le bâton à la main, auront pour unique tâche de contenir les animaux sur la dizaine de kilomètres de route. Le temps froid et sec (les premiers givres de l’année formaient déjà une gangue sur les fils en altitude) a permis une descente dans les meilleurs conditions.

La plus haute pâture du département
Le ballon de Servance, avec ses 1 216 m d’altitude, est le point culminant du département. Aujourd’hui, Benoit Hosatte est le seul à avoir répondu à l’appel d’offre pour l’exploitation des prairies dans ce qui est aujourd’hui la Réserve naturelle des Ballons Comtois, qui s’étend en Haute-Saône de Château Lambert à Plancher les Mines. Gérée par le Parc Naturel Régional du Ballon des Vosges, la réserve est donc ouverte au pâturage tous les ans, à compter du 1er juillet. Une limite administrative censée préserver la diversité botanique… Cette année de toute façon, le troupeau n’est monté que vers le 14 juillet, sécheresse oblige. Pour Benoît Hosatte, la trentaine d’hectares qu’il fait pâturer représentent un atout important dans la gestion de son cheptel. Certes le Parc y impose une limite à 15 UGB, pour limiter la pression de pâturage ; mais l’herbe broutée en haut est toujours économisée dans la plaine, même si la vigilance doit être maintenue pour l’apport en eau, en particulier cet été. « Dans la partie basse, relativise l’éleveur, la source n’a pas tari de l’été. »

Emprise des bois et fermeture du paysage
L’incitation au pâturage de la part des gestionnaires du Parc est un signe encourageant : longtemps, la politique dans certaines réserves a été l’exclusion des troupeaux, pour le « maintien de la biodiversité » floristique. Mais un effet collatéral de l’absence de pâturage est en revanche la fermeture des paysages et l’emprise des bois. L’étude des cartes postales de la région sous-vosgienne au début du XXe siècle révèle un grand nombre de terrains pâturables, aujourd’hui regagnés par la forêt. La fermeture des fonds de vallée est toujours un problème d’actualité.
A l’automne 2014, le Parc a donc engagé des travaux d’abattage des arbres sur le Ballon de Servance, pour redonner un peu d’attrait aux zones pastorales. Personne ne s’en plaindra, ni les éleveurs qui pourront à terme disposer de plus de surface en herbe, ni les promeneurs qui continueront à cueillir les myrtilles, sur le GR7 ou le GR59, tout en profitant d’une vue plus ouverte.

Convivialité
Le transfert des bovins donne en tout cas l’occasion d’une bonne journée de convivialité. Éleveurs voisins (comme Marc Spenle venu d’Anjeux pour l’occasion), amis, retraités, tous profitent d’une belle promenade sur les pentes du ballon, et d’un accueil chaleureux à l’issue. Dans de nombreuses régions françaises, la transhumance est ainsi l’occasion de faire revivre les valeurs de partage et de solidarité : on peut gérer un troupeau tout-seul, mais on le déplace plus difficilement sur les routes en solitaire. À une vallée d’écart, le troupeau de Salers de la famille Morcely fait lui aussi le déplacement pour aller pâturer les sommets du ballon d’Alsace, dans le Territoire de Belfort : c’est même devenu une tradition populaire de grande envergure. Plusieurs dizaines de vachers sont mobilisés pour encadrer les 200 Salers de Paul Morcely, éleveur à Chaux. On compte aussi des auxiliaires à cheval, et une trentaine de bénévoles de l’association « Transhumance et traditions » qui assurent l’animation pendant les pauses, à Giromagny et à Malvaux. « On ne peut pas faire la transhumance sans les vaches de Paul Morcely, et il ne peut pas assurer le folklore sans nous », explique Ralph Delaporte qui préside l’association. Une belle synergie qui permet de conserver une tradition bénéfique pour la montagne, l’éleveur et les habitants.

LD

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