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Plateforme ARTEMIS de Citey / La restauration de la fertilité des sols – taux de matière organique, porosité, pH et productivité – est un chantier de longue haleine qui s’appuie sur les piliers de l’agronomie.

La dégradation des sols reste un sujet d’actualité majeur : baisse de la perméabilité, perte de biodiversité, baisse des teneurs en matières organiques, utilisation de matériel de plus en plus lourd. Ce phénomène de dégradation semble s’accélérer sous l’effet d’une évolution quelque peu chaotique du climat impliquant une nette stagnation des rendements. Pour répondre à cette préoccupation, la coopérative Interval a fait le choix de mettre en place une plateforme longue durée (7-10 ans) dont une des thématiques est la restauration de la fertilité biologique et physique d’un sol limono-argileux, hydromorphe drainé dont l’état organo-calcique et structural était très détérioré. C’est également une plateforme pédagogique qui doit permettre de faire prendre conscience (preuves analytiques à l’appui) que si la dégradation d’un sol peut aller vite, sa restauration implique nécessairement du temps. Elle fait partie d’un réseau d’une dizaine de plateformes « longues durées » pilotées par les coopératives de Bourgogne et de Franche-Comté (Réseau ARTEMIS : Animation du Réseau de Travail sur l’Environnement, le Matériel, les Intrants et le Sol) où la plupart des thématiques agronomiques sont traitées (fertilité du sol, rotation, lutte contre les adventices, culture bio, système prairial, fertilisation organique… etc.). La Chambre régionale d’agriculture de Franche-Comté et le Lycée agricole de Dannemarie-sur-Crête ont été intégrés à ce réseau en juin 2015 avec leur plateforme-sol dédiée au semis direct sous couvert ainsi que le lycée agricole de Port-sur-Saône avec une plateforme sur laquelle sont testées plusieurs techniques culturales (du labour au semis direct). Pour mémoire, la plateforme sol de Citey (Interval) a été mise en place en 2010.

Le dispositif
Sur une surface d’environ 2 ha (32 modalités), les leviers d’amélioration de la fertilité des sols ont été étudiés avec des indicateurs utilisables par tous. Dispositif simple qui compare 4 systèmes de travail du sol :
– Labour (charrue 4 fers) avec ou sans décompactage
– Travail sans labour (cultivateur à dents + disques) avec ou sans décompactage.
Apport ou non de compost de fumier de vaches laitières (32 t/ha/an pendant 4ans) et apport ou non d’amendement calcaire (2,5 tonnes par ha tous les trois ans).

Les indicateurs
Certains indicateurs de suivi sur la plateforme, sont facilement utilisables par les agriculteurs directement sur leurs parcelles :
– Mesures du pH : pH-mètre de terrain
– Test de compaction : pénétromètre électronique
– Prélèvements de vers de terre : protocole OPVT (Observatoire Participatif des Vers de Terre http://ecobiosoil.univrennes1.fr/ OPVT_accueil.php)

D’autres correspondent à des analyses de laboratoire et peuvent nécessiter un accompagnement technique pour leur interprétation :
– Mesures de Densités Apparentes pour une donnée chiffrée de la compaction
– Mesures de la biomasse microbienne pour la « vie du sol »
– Mesure de la matière organique du sol par la méthode de fractionnement granulométrique pour comprendre son évolution et vérifier si sa quantité et qualité permettent de nourrir les micro-organismes du sol tout en renforçant la structure du sol.
– Minéralisation du carbone et de l’azote en conditions contrôlées pour comprendre comment le sol réagit si on le place en conditions « idéales » de température et d’humidité.
Le but n’est pas d’opposer les différents systèmes de travaux mais bien de comprendre le fonctionnement et les réactions du sol dès lors que l’on décide d’intervenir sur les piliers de l’agronomie en s’appuyant sur les conseils agronomiques qui découlent des observations de terrain et des résultats analytiques.

Les enseignements après 4 ans
Améliorer son statut organique : c’est possible !
Le raisonnement de la fertilité organique a permis d’atteindre l’objectif fixé au départ (passer d’un taux de MO de 1,7 % à 2,1 % : + 23 %) et d’améliorer significativement le compartiment vivant du sol :
– vers de terre de 16 à 67 individus (+ 318 %)
– biomasse microbienne (+ 30%)
-Augmentation de la teneur en MO-libre dans les modalités avec compost, mais dont la proportion reste encore trop faible

Assurer au sol une porosité suffisante :
– Les observations de profils culturaux confortées par les mesures de densités apparentes et de pénétrométrie ont permis de suivre l’évolution de la fertilité physique du sol.
-Les valeurs de densités apparentes passent sous le seuil de compaction (< 1,45) dans les modalités décompactées.

Diminuer le niveau d’acidité :
Les mesures de pH au champ puis la vérification de l’état calcique par analyses de sol a permis d’atteindre les valeurs de pH de 7+/- 0,3 sur les modalités apport de CaCO3.

Evolution de la productivité :
Les mesures de biomasses végétales réalisées au terme de cette quatrième année confirment les observations sur le sol. Toutes ces améliorations restent limitées et montrent que le retour à un niveau de fertilité optimum du sol est un travail de longue haleine !

Et maintenant ?
Au-delà de la poursuite du suivi de cette plateforme, ces résultats encourageants sur l’amélioration significative de la fertilité globale du sol, obtenus à l’aube de « l’année internationale des sols », ont conduit la Chambre régionale d’agriculture de Franche-Comté et la coopérative Interval à proposer un accompagnement technique collectif sur la fertilité des sols à des agriculteurs à la recherche de coordination et d’échanges sur le thème du sol et de l’agronomie : ce projet a pris le nom de G.A.I.A pour “Groupe d’Agriculteurs pour Innover en Agronomie” et a pour objectif de :
– Apprendre à observer son sol au cours d’un cycle cultural, à en parler et en faire un auto-diagnostic.
– Déterminer les points forts et faibles et trouver grâce à l’échange dans le groupe, des pistes d’amélioration… à tester chez soi !
Ce projet qui a obtenu le concours financier du Conseil Régional de Franche-Comté, a démarré au printemps 2015 avec deux groupes pilotes d’une dizaine d’agriculteurs chacun, situés pour l’un en Haute-Saône (secteur Dampierre sur Salon / Cornot) et l’autre dans le Jura (basse vallée de la Loue). Une demi-douzaine de sorties-terrain a déjà été réalisée avec chaque groupe. La bêche, la tarière, le pénétromètre et même le manuscopique ont été les outils… de l’observation des sols !

Christian Barnéoud, pédologue (Chambre régionale d’agriculture de Franche-Comté)

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