Nuisibles / Une trentaine des meilleurs chercheurs mondiaux travaillant sur la dynamique des petits mammifères se sont réunis le 25 mars à Charquemont (25). Pilotée par l’Université de Franche-Comté, cette visite a permis aux scientifiques de rencontrer, sur le terrain, les agriculteurs impliqués dans le programme de lutte.

Bien qu’étudiés depuis plusieurs décennies, notamment dans les hauts-plateaux franc-comtois, les mécanismes qui déterminent qu’une espèce peut pulluler sont encore insuffisamment connus. En Franche-Comté, avec l’évolution des techniques culturales, on a observé les premières pullulations dans les années 1970, et des dégâts considérables ont été à déplorer dès les années 1990 (notamment 1993 et surtout 1998). On observe depuis des explosions régulières de campagnols terrestres dans l’arc jurassien. Mais si l’on sait relativement bien décrire ces cycles de 5 ou 6 ans, voire les expliquer par l’étude de la « dynamique des populations » et les modèles « proie-prédateur », les mécanismes qui déterminent qu’une espèce peut ou non pulluler sont de leur côté relativement inconnus. Plus étonnamment, on ignore totalement les facteurs qui déclenchent le déclin en fin de pullulation. C’est la raison pour laquelle un colloque international a été organisé, fin mars, à l’initiative de l’Université de Franche-Comté, autour de la problématique du campagnol.

Pourquoi  la Franche-Comté ?
De la Russie au Québec, en passant par l’Ukraine, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Finlande ou la Suède, de nombreux pays étaient représentés, avec chacun leurs problématiques propres. Du côté de la Russie, par exemple, c’est Sacha Sokholov, de l’Académie Russe des Sciences, qui a fait le déplacement de la péninsule de Yamal (Sibérie occidentale) : « Dans notre région nous observons également des pullulations importantes, bien que notre végétation dans la Toundra soit très différente de celle des hauts-plateaux du Jura ! » C’est par exemple dans son pays comme en Mongolie, le « campagnol de Brandt » Microtus brandti qui pose des problèmes. Plus loin dans les pays nordiques, ce sont les lemmings qui sont au centre des préoccupations, notamment du fait de leurs explosions démographiques suivies de migrations de masse qui ont beaucoup fait couler d’encre (et également accouché de nombreux mythes sur leurs prétendus suicides de masse).
Mais parmi tous ces pays concernés, c’est précisément la Franche-Comté qui a été à l’initiative de la rencontre scientifique. En effet, après les pullulations de la fin des années 1990, presque toutes les méthodes de lutte y ont été appliquées, de la lutte chimique à l’effarouchement, en passant par le piégeage de masse et la lutte biologique. Enfin, plus récemment, c’est un ensemble de compétences qui ont été réunies pour comprendre le phénomène. À l’université, cela s’est traduit par les travaux des laboratoires de recherche Chrono-Environnement et ThéMA ; sur le terrain, par la création de groupes tels la CLAC (voir ci-contre), qui cherche à maintenir un seuil d’infestation acceptable tout en ménageant les intérêts de toutes les parties prenantes.

L’approche pluri-disciplinaire
C’est donc l’approche inter-disciplinaire qui a attiré les chercheurs. A Charquemont ce mercredi, autour de Patrick Giraudoux le spécialiste local qui assurait également la traduction en anglais, les scientifiques ont pu avoir le témoignage des différents acteurs impliqués dans la lutte contre le campagnol. En premier lieu, bien entendu, les agriculteurs, premiers concernés, sont venus rappeler les dégâts causés, les méthodes engagées, les résultats observés. Mais les partenaires des agriculteurs dans cette lutte contre le ravageur ont également pu s’exprimer : chasseurs pour qui la diversité des cultures est un gage de diversité cynégétique, membres de la LPO qui ont particulièrement évoqué les empoisonnements de rapaces comme les milans royaux ou les buses variables. « En Asie, ce seraient plutôt le faucon sacre ou le chat de Pallas qui sont touchés », rappelle Aurore Niechajowicz de l’Université de Franche-Comté. De son côté la Fredon, par la voix de son président Charles Schelle, a rappelé l’ensemble des mesures prises par les agriculteurs depuis des années, concernés et impliqués dans la lutte raisonnée. « Nous avons une forte attente de ce que peut nous proposer le monde de la recherche », assure-t-il. Ce n’est pas pour rien que depuis l’automne dernier, un poste de chercheur est co-financé, notamment par les chambres d’agriculture, pour essayer d’avancer sur le sujet.

Un poste de chercheur dédié
« C’est la canadienne Petra Villette qui a été sélectionnée pour mener à bien cette étude », détaille la Fredon dans le BSV de décembre. Petra est diplômée d’un Master en zoologie de l’Université de la Colombie-Britannique de Vancouver. Elle a déjà travaillé sur une méthode d’estimation des densités de populations des petits mammifères rongeurs de la forêt boréale du nord Canada. Basée à Besançon depuis le mois d’octobre, elle conduira son étude au laboratoire de Chrono-Environnement. Le titre de sa thèse : « Déterminants de la phase de déclin des populations cycliques de campagnols terrestres : test de l’hypothèse de la sénescence par l’examen de l’évolution du cortège de pathogènes et de la compétence immunitaire des campagnols. » Tout un programme.

LD

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.