Environnement / Le conseil constitutionnel a jugé contraire à la
constitution une différence de traitement s’agissant de servitudes de
protection des points de prélèvement d’eau.

Afin de préserver la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, le code de la santé publique impose l’établissement de plusieurs périmètres de protection autour des points de prélèvement, à l’intérieur desquels une servitude d’utilité publique encadre la possession ou la jouissance des immeubles. Depuis la loi du 24 juillet 2019, relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, plusieurs hypothèses permettent de déroger à ce dispositif, lorsque les conditions hydrologiques et hydrogéologiques autorisent des mesures de protection limitées au voisinage immédiat du captage ou encore en cas de captages d’eau d’origine souterraine dans des proportions modérées.

Points de prélèvements visés
Le législateur a réservé le bénéfice de ces exceptions aux points de prélèvement n’ayant pas fait l’objet, à la date de publication de la loi, c’est-à-dire au 24 juillet 2019, d’un arrêté d’ouverture d’une enquête publique en vue de l’instauration d’un périmètre de protection.

Objet de la QPC
Cette application limitée dans le temps a été contestée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à laquelle le Conseil constitutionnel a répondu favorablement. Les requérants reprochaient à la disposition incriminée de maintenir, pour les points de prélèvement concernés, le régime antérieur à la loi du 24 juillet 2019. Ce dernier prévoit l’établissement systématique, d’une part, d’un périmètre de protection immédiate, dont les terrains sont à acquérir par voie d’expropriation au profit de la personne publique propriétaire du captage, d’autre part, d’un périmètre de protection rapprochée, dans lequel les utilisations ou occupations des sols susceptibles de nuire à la qualité des eaux sont interdites. Les cas dérogatoires définis par cette loi ont pour objet de lever l’obligation de délimiter un périmètre de protection rapproché et donc de dispenser les propriétaires des terrains de devoir subir les servitudes administratives qui en résultent. Dès lors, les requérants faisaient valoir qu’une application différenciée des dispositions nouvelles constituait une violation du principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques prévu par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

La réponse des Sages
Le Conseil constitutionnel leur donne raison. Après avoir rappelé qu’une différence de traitement résultant de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas, en elle-même, contraire au principe d’égalité, les Sages relèvent que, dans le cas présent, le critère retenu pour déterminer l’application du nouveau dispositif ne rend pas compte d’une différence de situation entre les propriétaires. Il n’a pas pour objet d’éviter la remise en cause de périmètres existants, mais simplement d’éviter aux personnes publiques ayant engagé une procédure d’instauration de périmètres avant la publication de la loi d’avoir à la reprendre pour la compléter. Dès lors, compte tenu des conséquences limitées de l’application des nouvelles règles sur les procédures en cours, le Conseil constitutionnel estime que ce motif n’est pas de nature à justifier que certains propriétaires soient exclus du bénéfice du nouveau régime et subissent les servitudes afférentes à un périmètre de protection rapprochée. Par conséquent, il déclare la disposition contestée contraire à la Constitution, avec effet immédiat. Cette mesure est applicable à toutes les affaires non jugées à la date du 12 février 2021, jour de publication de la décision.

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