Conférence agricole départementale / Sécheresses plus fréquentes et plus graves, suivies de crues et d’inondations quelques mois plus tard… l’agriculture et plus largement toutes les activités humaines doivent s’adapter à ce nouveau contexte, tout en trouvant des modèles plus vertueux d’utilisation des ressources, énergies fossiles et eau.
Le 22 janvier dernier, quelques représentants choisis du monde agricole et de la presse étaient conviés à l’hôtel du département pour la conférence agricole de rentrée. L’occasion pour le président de la Chambre d’agriculture, Thierry Chalmin, de dresser un bilan assez sombre. « C’est une année 2020 compliquée pour le monde agricole qui a affronté une troisième année de sécheresse d’affilée, qui met à mal les trésoreries des exploitations et le moral des agriculteurs. A quoi il faut ajouter les attaques particulières sur nos métiers, notamment dans les productions végétales, attaques souvent portées par des gens qui n’y connaissent rien… » Des propos étayés par les chefs de service de la Chambre, qui ont dressé un bilan chiffré du déficit fourrager, des rendements décevants des cultures de maïs et de soja et de leurs conséquences sur les résultats économiques des exploitations dans les différentes productions, baisses de revenu disponible à la clé. Michel Daguenet a aussi attiré l’attention sur les surcoûts de production indirects provoqués par la sécheresse pour les éleveurs : « si on prend l’exemple du fourrage, par rapport à l’herbe sur pied qui est habituellement pâturée, on a un coût de récolte et de stockage, de manutention pour la distribution, et l’augmentation des surfaces fourragères pour sécuriser nos systèmes se fait au détriment des cultures de vente, ce qui se traduit par un manque à gagner de ce côté-là. »
Rapprochements entre consommateurs et producteurs
Si la crise sanitaire a eu des répercussions négatives en déséquilibrant certains marchés – notamment celui de la viande bovine dans l’Union européenne, le président de la CA70 veut pourtant souligner quelques avancées. « Les consommateurs français se sont un peu rapprochés de leurs producteurs, et même si cette tendance s’est un peu effritée depuis la fin du premier confinement, il en restera quelque chose, une demande pour du local, des productions de qualité. » Le succès de l’application « J’veux du local », lancée pendant le premier confinement avec l’appui de la collectivité, illustre cette tendance. « Elle répertorie déjà 103 producteurs et l’objectif raisonnable est d’atteindre un effectif de 150 d’ici à la fin 2021 », assure Philippe Boulier.
Autre point positif notable, la réussite du salon Tech&Bio, dont se sont félicités tous les participants : « C’est un succès, nous avons pu passer entre les gouttes des restrictions sanitaires pour réaliser ce superbe tech&bio, ce n’était pas évident ! On a réussi la seule manifestation agricole du quart Nord-Est, qui a permis de faire un focus sur le département le plus en pointe sur la conversion en bio… » synthétise Thierry Chalmin. D’agriculture biologique, il a d’ailleurs été question au moment d’évoquer les dossiers de la transmission et de l’installation, avec Justine Grangeot. « Malgré les incertitudes économiques et le contexte sanitaire peu propice, nous avons enregistré 37 installations en 2020, dont 38 % sont en AB. » La production laitière reste majoritaire (56 %), mais les projets de maraîchage-horticulture arrivent en deuxième position (19 %), et les divers (équins, caprins) à 11 % des chiffres qui illustrent bien la profonde mutation du paysage agricole départemental. Or tant en matière de gestion de la ressource en eau que d’utilisation d’énergie fossile, l’agriculture fait face à un défi de grande ampleur.
Une agriculture en pleine mutation
« C’est la société toute entière qui doit résoudre collectivement ces questions, dans le dialogue et la concertation » a assuré Yves Kratinger, qui a saisi la balle au bond pour évoquer le grand chantier de réfection des conduites d’abduction d’eau potable entrepris à l’échelle départementale. « Nous travaillons aussi à l’interconnexion des réseaux d’eau : dans ce domaine, on ne peut pas jouer “perso” et accuser tel particulier, ou tel village, ou telle profession d’avoir pris toute l’eau ! Quand il n’y a plus d’eau au robinet, celle qu’on apporte en camion coûte très cher. Et si vous, éleveurs, n’avez pas beaucoup de marges de manœuvre pour réduire la consommation d’eau de vos troupeaux, il existe des solutions pour récupérer et stocker les eaux pluviales. » Côté carbone, le président voit loin, et prépare déjà 2050 avec un grand audit départemental pour quantifier les émissions et le stockage, afin d’identifier les leviers efficaces pour atteindre la neutralité, voire… être en capacité de proposer à d’autres de stocker leurs excédents !
Alexandre Coronel