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Recherche / Le consortium Méthane, qui fédère instituts de recherche et acteurs privés sous la houlette de l’Inra depuis 2014 a mis au point de nouvelles méthodes pour évaluer les émissions de méthane par les ruminants, ce qui ouvre la voie à des expériences pour élaborer des stratégies d’élevage plus vertueuses en matière d’émissions de ce gaz à effet de serre.

Dans le cadre des journées 3R (rencontres recherche ruminants), un webinaire présentant les recherches conduites par le consortium dédié à la méthanogenèse chez le ruminant a permis de présenter les dernières avancées de la science dans ce domaine. « Les émissions de méthane (CH4) liées aux productions de la filière “ruminants” représentent une part importante de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) des productions agricoles françaises, a introduit Lilian Leloutre, manager du pôle R&D de Techna France Nutrition : la FAO indique en effet que l’élevage contribue à 14,5% au réchauffement, et bonne part de cette contribution est causée par méthane entérique. Au niveau français, l’agriculture est le troisième secteur en termes d’émissions (19%) derrière les transports et le bâtiment, et la part du méthane est évaluée à 47% du secteur agricole. Aussi pour tenir les engagements français et l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 il est fondamental de comprendre les mécanismes d’émission de méthane par les ruminants. » Aussi depuis 2014 l’Inra et les filières animales ont mutualisé leurs travaux de recherche dans un projet coopératif pour identifier les leviers efficaces de réduction des émissions au sein d’un consortium qui réunit une douzaine de partenaires (instituts techniques, industriels, firmes de services, fabricants d’aliments…). « Trois mots clés, sous lesquels sont déclinés les travaux du consortium : comprendre, quantifier et prédire. »

Comprendre, quantifier et prédire
L’identification des leviers d’action pour améliorer l’efficacité de l’utilisation des aliments par les animaux passe par des mesures précises qui permettent de décomposer finement les processus d’ingestion et de digestion et les métabolismes énergétique, protéique et minéral dans des conditions d’élevage variées. Les enjeux du phénotypage autour de l’efficience de la transformation des aliments sont multiples. Il s’agit d’une part de piloter de manière plus individualisée en qualité et en quantité l’alimentation. Mais aussi d’être en mesure de sélectionner des animaux plus robustes et à haut niveau de production. Le tout en limitant d’une part, la consommation de ressources peu renouvelables et/ou directement valorisables en alimentation humaine et, d’autre part les émissions de gaz à effet de serre et d’ammoniac ainsi que les rejets d’azote et de phosphore dans les sols et les eaux.
Les mesures des émissions de méthane (CH4) sont indispensables, en routine, pour évaluer le métabolisme énergétique, ses variations pour un individu donné et à l’intérieur d’un groupe, voire deux lots dans le cadre d’un essai pour comparer deux rations par exemple… « Ces mesures étaient traditionnellement réalisées dans des chambres respiratoires, dans les centres de recherche, où tous les flux d’air entrant et sortant pouvaient être précisément quantifiés en mesurant leur composition », détaille Cécile Martin, directrice de recherche à l’Inrae. Or ces méthodes sont à la fois très coûteuses et impossible à déployer dans des contextes de terrain, tels que le pâturage…

Evaluation de méthodes utilisables en élevage
« Ces dernières années, des méthodes alternatives ont été développées, comme le GreenFeed et le laser methan detector », poursuit la scientifique, avant de détailler comment celles-ci ont été évaluées, en vérifiant leur précision, la justesse des mesures comparées à celles obtenues avec la méthode de référence), leur fiabilité (répétabilité des mesures) et leurs conditions d’utilisation pratiques. « Nous nous sommes appuyés sur deux essais, l’un sur huit vaches taries suivies pendant 45 jours, et l’autre sur un lot de taurillons. » Le système GreenFeed est un DAC un peu particulier, qui profite du passage des animaux venus s’alimenter en concentrés pour mesurer les flux d’air expirés et leur concentration en méthane. « La répétabilité dépend des conditions expérimentales, mais elle est atteinte au bout d’une quinzaine de jours dans le cas des vaches taries (20 à 40 mesures quotidiennes), un peu plus tard pour les taurillons. Les valeurs sont comparables à celles de la méthode de référence, bien qu’elles sous-évaluent les émissions de méthane vis-à-vis de la méthode de référence, un biais que l’on attribue au fait que les pics d’émissions surviennent après les repas… Mais comme cette différence est constante, de l’ordre de 15%, on peut l’intégrer dans l’équation. » En revanche la technologie GreenFeed ne s’avère pas très discriminant pour classer les animaux en fonction des quantités de méthane émises.
La seconde méthode mesure la concentration en méthane dans l’air expiré le long du laser pointé sur l’animal pendant un laps de temps de cinq minutes. « C’est une bonne méthode en instantané mais qui doit encore être améliorée, notamment au niveau de la standardisation du protocole de mesures (présence ou non d’autres animaux à proximité, pouvant interférer avec l’analyse), mais prometteuse. » Ces récents développements ouvrent de nouvelles pistes de recherche. « Ils vont nous aider à trouver de nouveaux marqueurs (lait, plasma, féces) : Greenfeed est une méthode fiable pour valider une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à condition de respecter le protocole de mesures, et de plus elle est utilisable au pâturage (alimentation photovoltaïque). » conclut la chercheuse.

Alexandre Coronel

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