Croisement laitier à trois voies / La stratégie de croisement laitier à trois voies a été initiée dans les années 2000 aux USA : il s’agit d’alterner à chaque génération une race laitière différente : holstein, montbéliarde et rouge scandinave. L’effet d’hétérosis et la combinaison de caractères d’intérêt complémentaires permettent d’améliorer la rentabilité de l’élevage.

Le 24 novembre dernier, ProCross organisait un webinaire (un séminaire en ligne) sur le thème « croiser pour améliorer la durabilité de l’élevage laitier », avec une diffusion en direct sur sa page facebook. Quatre éleveurs qui mettent en pratique le croisement laitier depuis au moins une décennie étaient invités à cette occasion à témoigner en direct de leur expérience personnelle et à répondre aux questions adressées par les participants, relayées par Claudio Mariani, responsable du programme Procross en Italie.
Gary Osmundson, de la ferme 6-X Dairy, à Oakdale en Californie, est un des pionniers du croisement à trois voies, puisqu’il a démarré en 1999, dans un “petit” troupeau qui comptait alors 250 laitières. Il est aujourd’hui à la tête d’un élevage de 2 200 vaches et 2 350 génisses, avec une moyenne de production de 38,1 kg de lait/VL/jour à 34 points de TP et 40,8 de TB. L’intervalle vêlage-vêlage s’établit à 13 mois. Confronté à des problèmes de rentabilité dans les années 90, il a tenté successivement différentes combinaisons, avec la brune des Alpes, la Ayrshire… jusqu’à arriver à la montbéliarde. « Les études réalisées par l’Université du Minesota nous ont confortés dans notre intuition de l’intérêt de nous engager dans le croisement à trois voies », explique-t-il. Gert Lassen, éleveur danois en agriculture biologique à la tête d’Ellinglund Økologi (340 vaches laitières) a pour sa part convaincu son père d’essayer le croisement sur la ferme familiale à partir de 2002. « Nous étions alors en holstein, avec un taux de réforme élevé, et j’ai pensé que le croisement pouvait nous aider à résoudre des problèmes de fertilité et de santé. »
Scott Opitz, éleveur au Texas de 1 500 laitières, était également confronté à un problème de fertilité quand il s’est lancé en 2005 « principalement pour la question des retours en chaleurs après le vêlage », relate-t-il. Enfin Filippo Peveri, à Noceto, près de Parme en Italie, est producteur de parmesan en agriculture biologique. Il conduit le troupeau de 95 laitières de l’élevage familial, dans un système basé sur le pâturage, avec des exigences fortes liées au respect des cahiers des charges de l’AOP et de l’agriculture biologique, pour fournir le lucratif marché suisse (à partir de 2022 la part maximum du concentré dans la ration passera de 10 à 5 %). « En holstein à l’origine, nous avions aussi des problèmes d’infertilité, ce qui fait qu’on devait régulièrement acheter des génisses. C’est ce qui nous a poussés à entrer dans le schéma Procross. »

Résoudre des problèmes de santé et d’infertilité
Malgré la disparité des tailles et des conduites de leurs systèmes d’élevage respectifs – les vaches californiennes de Gary Osmundson sont traites quatre fois par jour pendant leurs 40 premiers jours de lactation – les quatre éleveurs sont unanimes pour décrire les bénéfices du croisement laitier. C’est le volet santé générale qui ressort en premier de leurs observations. « Les difficultés lors des vêlages ont quasiment disparu, c’est un vrai confort de travail pour mes salariés, note Gary Osmundson. Les coûts vétérinaires et de médicaments ont baissé drastiquement. Les croisées supportent mieux la chaleur estivale. » Même topo chez Gert Lassen, qui chiffre à 50 €/VL/an l’ensemble des coûts vétérinaires, incluant les vaccinations. « En élevage biologique, avoir des animaux en meilleure santé, avec une plus grande longévité est un véritable atout, car nous sommes limités dans l’usage des antibiotiques », relève-t-il. « Je me souviens que mes vaches fraîches étaient toujours malades ! », renchérit Scott Opitz, qui ne regrette pas d’avoir tourné définitivement cette page. « La vitalité des veaux s’est améliorée de manière spectaculaire, détaille Filippo Peveri. La capacité d’adaptation au changement de ration, quand nous passons du pâturage au foin à l’auge et vice et versa, est aussi bien meilleure avec les femelles croisées. » Ce meilleur état de santé général se traduit aussi par une meilleure fertilité des animaux. « Les vaches reviennent plus facilement en chaleur », résume Gary Osmundson.

Efficience alimentaire et environnement
Sur la question de la compatibilité de la production laitière avec un développement durable, les avis des quatre éleveurs interrogés convergent également. « La meilleure santé des animaux, la richesse du lait produit, la longévité, qui reste un objectif très lié au revenu, en rapport avec l’efficacité globale du système d’élevage… tous ces facteurs vont dans le sens d’une production laitière plus durable » affirme ainsi Gary Osmundson. « Je suis entièrement d’accord avec ça, déclare Gert Lassen : plus la durée de vie productive est longue et meilleure est la rentabilité de la vache. Dans notre élevage, on a moins de 20 % de taux de réforme. » Scott Opitz relève pour sa part la notion d’efficience alimentaire. « C’est le meilleur indicateur pour nous, et les vaches croisées ont plusieurs points d’efficience alimentaire de plus que les holstein. Le vétérinaire dit qu’il n’a jamais vu de troupeau en aussi bonne santé. »
« Dans notre système, où la ration doit être à base de fourrage à hauteur de 90 %, c’est important d’avoir des vaches qui produisent bien et se reproduisent facilement avec seulement 2,5 kg de concentré par jour, sans dégrader leur état corporel. La richesse protéique du lait est aussi un atout, pour nous, qui le transformons en fromage. Je pense aussi aux émissions de gaz à effet de serre, qui doivent logiquement être moindres, ramenées à la production laitière et à la matière utile, avec des vaches plus efficientes et en meilleure santé. » assure pour sa part Philippo Peveri. Aussi, c’est sans hésiter et d’une même voix que les quatre éleveurs conseillent à leurs collègues intéressés par le croisement de se lancer sans hésiter. « Une fois qu’on a essayé, on n’y voit que des bénéfices. Je dirais qu’il faut partir des bonnes vaches et utiliser les meilleurs taureaux : ça fonctionne ! », conclut l’éleveur italien.

Alexandre Coronel

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