Orges de brasserie / Bars, café et restaurants fermés, festivals du début d’été annulés… la consommation de bière est en berne, ce qui aura probablement des conséquences sur la valorisation des orges brassicoles, une des composantes essentielles de la filière céréalière régionale.

“J’aimerai bien avoir une boule de cristal… lance Philippe Guichard, le directeur de la coopérative Inverval : mais on ne sait vraiment pas de quoi l’avenir sera fait pour nos orges de brasseries ! De toutes manières, elles sont semées depuis longtemps, bien avant les mesures de confinement ! C’est un produit dont le cycle est long, puisque ces orges sont ensuite stockées, puis vendues à des malteurs, et enfin utilisées par les brasseurs. Ce qui est certain, c’est que la bière qui n’a pas été bue pendant ce premier mois de confinement, à cause de la fermeture des cafés, des restaurants… ne le sera pas demain, c’est une perte nette pour la filière. Mais il faut voir à long terme, on ne raisonne pas au mois mais sur un pas de temps plus long, et il n’y a pas de raison pour que la consommation de bière ne redémarre pas à son niveau d’avant la crise, une fois qu’elle sera passée. On a encore le temps de voir arriver la récolte 2020 ! Nos partenaires commerciaux et leurs clients n’ont aucune visibilité sur le calendrier de déconfinement… Ce qui nous inquiète plus, actuellement, c’est plutôt le manque de pluie… il ne faudrait pas que la sécheresse dure trop longtemps”. Reste que les stocks d’orge de brasserie ou de malt non consommés en 2020 encombreront probablement le marché sur lequel vont arriver à partir de cet été les récoltes 2020, et ne seront pas de nature à offrir des perspectives de prix très réjouissantes.

Consommation à l’arrêt
La Bourgogne-Franche-Comté est la troisième région française productrice d’orge, céréale majoritairement employée localement pour l’alimentation animale, mais aussi le principal ingrédient de la bière. L’orge brassicole est commercialisée bien loin des frontières hexagonales, jusqu’en Chine, à des brasseries industrielles, mais aussi localement aux brasseurs et micro-brasseurs. La brasserie Rouget de Lisle, à Bletterans dans le Jura, est une des pionnières du renouveau brassicole régional. Son fondateur Bruno Mangin avoue son inquiétude « nous avons fabriqué jusqu’à maintenant, mais depuis un mois nous ne vendons plus rien. Nous arrivons à la limite de nos capacités de stockage et nous allons devoir suspendre notre activité. Notre commercial qui s’occupe de livrer la grande distribution n’est pas revenu faire le plein depuis 15 jours… On voit qu’en grandes surfaces le rayon des bières de spécialité et bières régionales tourne au ralenti. Ça, plus l’annulation de tous les “petits” festivals qui passent pas mal de bière, ça fait beaucoup ! On est partis pour ne pas retravailler jusqu’à la mi-juin. En attendant il faut payer nos fournisseurs, sans rentrées d’argent, et nous sommes aussi coincés pour effectuer le dernier versement d’un gros matériel que nous avions commandé… la situation est vraiment compliquée. » Malgré ces soucis et le temps passé à effectuer des démarches auprès des banques et des organismes sociaux pour surmonter ce trou d’air, Bruno Mangin n’a pas oublié d’être généreux : il a proposé de faire un don d’alcool pour la fabrication de gel hydroalcoolique et contribuer ainsi à la lutte contre l’épidémie. « Malheureusement nous butons sur un problème technique : notre alambic ne nous permet pas d’atteindre les 90 degrés d’alcool requis par les spécifications de l’agence de santé. Nous sommes quand même arrivés à monter à 82 degrés. On va essayer de passer par la distillerie de Domblans pour arriver à atteindre les 90… »

Alexandre Coronel

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