LAIT STANDARD ET COVID-19 / Les mesures de confinement ont réduit les débouchés et les marges de manoeuvre des entreprises régionales de la filière laitière (export, restauration hors-foyer…), qui demandent à des degrés divers aux producteurs d’atténuer autant que possible le pic de production naturel qui coēncide avec la mise à l’herbe.

Pour les opérateurs régionaux comme les grands groupes laitiers, les mesures de confinement décrétées par le gouvernement pour atténuer la propagation du covid-19 se traduisent par des difficultés à plusieurs niveaux. En premier lieu, les débouchés se réduisent, que ce soit pour l’industrie agroalimentaire, la RHD ou l’export – premier débouché de la collecte laitière française. « L’activité industrielle et commerciale est aussi perturbée par les effets du confinement tant au stade de la transformation (taux d’absence du personnel dépassant 30 % dans l’Est de la France), de la logistique (transport, ruptures d’approvisionnement de certains emballages et ingrédients), que de la distribution », indique Gérard You, responsable du service de l’économie des filières de l’Institut de l’élevage. Conséquence directe, sur ce marché très inélastique, le prix du lait valorisé en beurre poudre maigre a déjà chuté de 50 €/1 000 litres le mois dernier pour atteindre 270 €/1 000 litres. Le prix de la poudre maigre, qui a perdu plus de 400 € en février et mars, pourrait même tomber au niveau du prix d’intervention d’ici un mois, estime Gérard You.

Des mix produits et des degrés de sensibilité différents
Au niveau local, les entreprises de collecte et de transformation réagissent diversement, en fonction de leur mix-produit, de la ventilation de leurs débouchés (part de l’export et de la RHF), mais aussi de leur stratégie à moyen terme et de leurs ressources humaines… Du côté de Pâturage comtois, par exemple, le choc a été sévère. « La semaine dernière nos commandes en pâtes molles ont reculé de 20%, et cette semaine de 50% par rapport à une semaine “normale“, annonce Guy Mercier, le président de la coopérative d’Aboncourt. Nos clients allemands, américains et français fournissent principalement les restaurants et les restaurants collectifs : n’ayant plus de débouchés à cause des mesures de confinement, ils ne passent plus de commandes… Nous avons augmenté la production de metton, qui peut être congelé en attendant des jours meilleurs, mais nos capacités de stockage ne sont pas illimitées et nous avons aussi dû vendre 125 000 litres de lait sur le marché SPOT, à 200 € la tonne frais de collecte compris. » Sur l’avis du conseil de crise réduit au président, aux trois vice-présidents et au directeur, le conseil d’administration a opté à une large majorité pour une consigne de limitation de la production laitière vis-à-vis de ses adhérents. « Pour les producteurs en lait standard, 95% des volumes produits en avril 2019 seront payés au prix de 310€/1000 l et les volumes supplémentaires seront payés au tarif de dégagement que nous pourrons obtenir. » Les filières sous signe de qualité (emmental grand cru, lait bio et gruyère français), moins impactées, continueront à rétribuer au prix de filière 100% de la référence historique. « Il faut néanmoins se projeter à l’horizon de la levée du confinement et conserver nos capacités à approvisionner les marchés quand ils seront de nouveaux présents », assure le président.
Chez Mulin, la laiterie souhaite garantir la collecte et la transformation du lait et demande à ses producteurs d’être solidaires et responsables vis-à-vis de la situation en limitant volontairement le pic de collecte printanier. Elle n’annonce pas de baisse de prix pour le moment (prix de base 330 €/1 000 l) et fera le point quand la crise sera terminée. Milleret continue également à rémunérer ses producteurs sans baisser les prix, et va relayer la note du CNIEL relative à l’aide à la baisse volontaire des volumes (de base 330 € en A et 315 € en B).

Saisonnalité négative
La laiterie Mont-et-Terroir va quant à elle appliquer une saisonnalité négative de 20 €. Elle remettra ces 20 € de bonification sur le prix du lait cet été. Elle demande à ses producteurs de ne pas fournir davantage de lait que leur référence. Concernant le lait répondant au cahier des charges « Grand cru » (lait de foin), il n’y aura pas de rallonge de référence cette année. Côté lait bio, elle fait le constat d’un encombrement du marché actuellement et diffère les reconversions entamées cette année, mais ne remet pas en cause l’intégration des producteurs ayant entamé leur conversion l’an dernier. L’Ermitage, enfin, continue à assurer sa collecte à 100% et devrait fixer le prix du lait en fin de semaine, alors qu’aucune décision de limitation des volume n’a été encore prise à ce jour.

Alexandre Coronel

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