Session Chambre / L’agriculture française est l’une des plus vertueuses au monde, son alimentation est « la plus durable », et pourtant notre pays est l’un des plus en pointe dans « l’agribashing »… Arnaud Lemoine, spécialiste de la communication, a apporté des éléments d’explication lors de la session de la chambre d’agriculture le 20 septembre.
La communication n’est pas nécessaire sur un sujet consensuel. Du temps où nous vivions dans un pays majoritairement rural, avec un enracinement agricole fort, l’image de l’agriculture était conforme aux pratiques, connues de tous. Le monde est bien différent aujourd’hui. Le tournant ? D’après Arnaud Lemoine, directeur du centre national des expositions et concours agricoles, et ancien communiquant, c’est la crise de la vache folle. En 1996, l’épizootie crée des ravages dans les élevages, et le public découvre l’utilisation des farines animales. Un bouleversement chez les uns comme chez les autres, et la genèse de la communication dans le milieu agricole.
Pour les paysans, contre les pratiques
Pourtant, ce qui, depuis cette date, éclate régulièrement dans les médias comme des « scandales sanitaires » ne sont généralement pas du tout liées à des pratiques agricoles. Les poulets à la dioxine ? Liés à des combustions incomplètes dans des processus industriels. Le lait à la mélamine ? Une tricherie des industriels. L’affaire Spanghero ? Des malversations de négociants, tout comme le cas des chevaux de laboratoire en 2013. Récemment, les faux steaks hachés, la viande avariée polonaise, tout cela n’implique en rien les agriculteurs, mais plutôt le commerce. Et pourtant… S’ils disent avoir à plus de 80 % une bonne opinion des agriculteurs, les Français sont à peu près la même proportion à avoir une mauvaise opinion de leurs pratiques. Paradoxe : l’image du métier d’agriculteur avance. Il y a
10 ans, il n’entrait pas dans le top 10 des métiers favoris des enfants ; il est maintenant au 3e rang, derrière « pompier » et « footballeur ».
L’alimentation, un lien bien français
Sommes-nous donc condamnés à subir une image aussi négative des pratiques, sans pouvoir n’y rien faire ? Pas nécessairement, d’après le spécialiste. Sur l’avenir des polémiques agricoles, Arnaud Lemoine a un avis partagé. La situation va être selon lui difficile à reprendre en main sur le sujet des pesticides. L’argumentation a certes quitté le domaine du rationnel, mais le mal est fait. Et les agriculteurs sont malheureusement « seuls en première ligne à se défendre », alors que toute une filière devrait le faire à leur place, ou au moins à leurs côtés. Sur les autres sujets « polémiques », Arnaud Lemoine est plus serein. « En France, tout finit autour d’un repas. La diplomatie de la table est unanimement partagée ». L’alimentation et la gastronomie sont, selon lui, un tel socle national, que la réconciliation est inévitable. Y compris sur les bulles véganes et abolitionnistes.
Des règles à respecter
Il existe cependant des règles à respecter au niveau de la communication. Être présent, c’est bien. Être actif, c’est mieux : « L’actualité, on la fait, on la suit ou on la ferme. » Cela veut dire aussi être présent dans les instances locales : 10 % des conseillers municipaux sont agriculteurs exploitants… C’est peu, mais beaucoup par rapport à la part dans la population. À quelques mois des élections municipales, le message est lancé. Autre nécessité : Sortir les canards boiteux. Les mauvaises pratiques, bien que très minoritaires, existent. Il ne s’agit pas d’attendre que les détracteurs de l’agriculture les débusquent en premier. Enfin, il est nécessaire de « dire vrai » : aucune stratégie durable de communication ne peut se passer de vérité. Ces principales règles étant posées, des solutions se dessinent. La présence sur les réseaux sociaux est nécessaire, mais risquée : « Ils sont devenus principalement des véhicules de haine », constate Arnaud Lemoine. Le mouvement des « France Agri Twittos » peut créer une tendance inverse, mais encore faut-il former une communauté importante, « qui doit être principalement des agriculteurs », prévient encore
l’intervenant. Par contre, les opérations transpartisanes seront bien reçues : « Les journées fermes ouvertes sont intéressantes, mais il faudrait lancer un mouvement national, comme les journées du patrimoine, où les citoyens pourront, partout en France, visiter une exploitation et discuter. » Enfin, ne pas opposer valeurs et techniques. « Quand on vous attaque sur les valeurs et que vous répondez techniques, la réponse est mal perçue. »
LD