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Journée régionale porcine / Dans un contexte caractérisé par la mondialisation des flux – dont celui des maladies – et la moindre disponibilité des traitements antibiotiques en santé animale, les éleveurs de porcs doivent miser sur la biosécurité : un ensemble de mesures adaptées à chaque élevage, dans un souci d’efficacité.

Isabelle Corrégé, vétérinaire spécialisée en production porcine à l’IFIP- Institut du Porc et à l’ANSP (Association nationale sanitaire porcine), était à Saône le 29 novembre dernier à l’occasion de la journée régionale porcine. « La production porcine, mais également toute la filière, l’abattage et la transformation, ont été fortement pris à partie depuis un an au sujet du bien-être animal, de l’environnement, de l’impact sur la santé de la consommation de viande… » a introduit Philippe Monnet, le président d’Interporc Franche-Comté, sans manquer de rappeler d’une part la faible densité des élevages de porcs dans la région – 40 % de la couverture des besoins – et l’importance de la qualité sanitaire dans les productions sous signe de qualité. « Nous avons souhaité cette année mettre en avant les outils à la disposition des éleveurs pour protéger la santé de leurs animaux : comment concilier un contexte sanitaire où se multiplient les risques avec l’objectif de réduction de l’usage des antibiotiques, pour lequel nous avons une démarche volontariste ? » Des propos qui font écho par exemple à l’engouement des éleveurs pour la récente formation organisée par l’interprofession, justement sur le thème de la réduction des traitements antibiotiques. « Nous avons dû augmenter le nombre de places, et nous prévoyons d’ailleurs de nouvelles formations sur la santé animale », précise Denis Creusy, technicien à Interporc.

Déjà 41 % d’antibiotiques en moins
D’ailleurs au niveau national, les éleveurs porcins ont déjà engagé un virage remarquable en termes d’utilisation des antibiotiques, comme l’a souligné Isabelle Corrégé, chiffres à l’appui. « Après la prise de conscience du début des années 2010, où l’élevage hors-sol a été montré du doigt et fait la Une des titres de la presse nationale, entre 2012 et 2016, l’usage des antibiotiques a chuté de 37 % dans les élevages, 41 % en élevage porcin. Désormais c’est la médecine humaine qui est sous les projecteurs et les efforts des éleveurs sont mis en avant : c’est un bon exemple de communication positive. Cette question de l’antibiorésistance est un véritable enjeu de santé publique, puisqu’on estime à 12 500 décès par an le nombre de victimes en France, soit bien plus que les accidents de la route ! A l’horizon 2030, au niveau mondial, le nombre de morts attribués à l’antibiorésistance pourrait atteindre 10 millions… »

Portage de la diarrhée épidémique porcine
La spécialiste des questions sanitaires est ensuite entrée dans le vif du sujet, brossant un tableau sanitaire préoccupant. « La pression sanitaire est importante, a-t-elle reconnu : le SDRP (syndrome dysgénésique et respiratoire du porc), qui avait fortement augmenté dans les années 90 avec la MAP (maladie d’engraissement du porcelet) et l’arrêt de l’utilisation des facteurs de croissance avait bien diminué dans les années 2000, grâce à la vaccination et à l’amélioration de la technicité des éleveurs, il augmente de nouveau depuis 2012. Le SDRP occasionne quand même un taux de perte de 6 % au niveau du sevrage-vente. » La peste porcine africaine est ”à nos frontières de l’Est”. « La maladie, véhiculée par les populations de sangliers progresse vers l’Ouest : elle vient de faire un bond de 150 km de la Pologne à la Tchéquie, vraisemblablement via le transport de denrées alimentaires… » Et de faire un zoom sur la diarrhée épidémique porcine (DEP), avec quatre cas déjà répertoriés sur le sol français, dont trois au cours de l’année 2017, tous ayant entraîné des mesures administratives extrêmement contraignantes pour les élevages concernés, sur une durée de plusieurs mois. Dans trois cas sur quatre, l’origine de la contamination est un camion de ramassage venu d’Allemagne pour charger des porcs charcutiers…

Des enjeux économiques de taille
En arrière-plan de ce contexte sanitaire, les enjeux économiques sont de taille, tant au niveau individuel que collectif. « Les coûts directs des 6,1 % de mortalité en post-sevrage et engraissement, correspondent à un manque à gagner de 104 €/truie/an. Les dépenses de santé en engraissement, c’est en moyenne 110 €/tonne/an, soit 4 % du coût de production. Un animal exposé aux pathogènes réagit en produisant des cytokines, des molécules impliquées dans son immunité mais qui ont effet négatif sur son appétit, sa croissance, son GMQ, l’indice de consommation, sa fertilité… » Il faut aussi tenir compte des aspects confort de travail, sécurité des opérateurs… « Sans oublier la pérennité des marchés exports, qui s’ils se ferment vont dégrader le cours du porc. » Dans ces conditions, la vétérinaire prône les mesures de biosécurité : « c’est l’outil le plus efficace sur le plan sanitaire. Cela passe par trois grands axes. D’abord, limiter les contacts directs et indirects entre animaux malades et animaux sains : on pense spontanément à l’introduction d’animaux, mais il faut aussi prendre en compte le matériel, les bottes, les mains… Second axe, diminuer la pression infectieuse : là ce sont les procédures de nettoyage- désinfection, des bâtiments d’élevage, bien entendu, mais aussi des camions de transport, les quais d’embarquement… Enfin, l’immunité des animaux : la vaccination reste l’outil numéro un pour réduire l’usage des antibiotiques. Mais pour permettre aux animaux d’avoir une immunité élevée, il faut aussi réduire les sources de stress, par exemple thermique (ventilation en panne). » Isabelle Corrégé est aussi revenue sur la nécessité de respecter, a minima, les recommandations du Guide des bonnes pratiques d’hygiène. « Ce sont des mesures hyper-importantes à respecter : je prends par exemple le nettoyage systématique des quais après le départ des animaux. On a vu que trois des quatre cas de DEP survenus en France sont liés à l’enlèvement de porcs charcutiers par un camion de ramassage venu d’une zone de statut sanitaire inférieur. Aux Etats-Unis, les services vétérinaires ont démontré que 7 % des camions ressortaient des abattoirs positifs à la DEP, alors qu’ils y étaient entrés indemnes… Les audits réalisés en France, quand on rentre dans le détail des pratiques, mettent en évidence des marges de progrès importantes, notamment pour les protocoles de nettoyage-désinfection. Pour qu’une mesure de biosécurité soit efficace, il faut qu’elle soit comprise et corresponde à une règle simple, appliquée par tous, et tout le temps ! » Interrogée sur les retours d’expérience des élevages porcins n’ayant plus recours aux antibiotiques, la spécialiste s’est montrée rassurante. « L’idée n’est pas de supprimer totalement du jour au lendemain les antibiotiques, mais de prendre un ensemble de mesures – par exemple au niveau de la qualité de l’eau de boisson, la marche en avant, la conduite d’élevage… qui rendent possible un usage plus rare et plus pertinent des antibiotiques, que l’on réserve aux situations où on ne peut pas faire autrement. » Quant au bâtiment idéal en termes de biosécurité, « ça se réfléchit dès la conception : la taille des cases par exemple, la position des sas, la possibilité de vidanger les préfosses à lisier entre deux bandes, le choix des matériaux par rapport à la facilité de nettoyage… »

AC

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