TERROIR VOSGIEN / Fabriqué depuis 2015, le Cœur de Massif est un fromage réalisé entièrement à partir de lait provenant de vaches de race vosgienne. Un bel outil de promotion et de valorisation de la race, des éleveurs, et du massif vosgien. Rencontre avec Frédéric Vaxelaire, vice-président de l’association de la race vosgienne sur le département des Vosges et producteur de ce fromage.
Entre le bargkass et le munster, le Cœur de massif commence tranquillement à trouver sa place sur le massif des Vosges. Moelleux et onctueux, reconnaissable à la fois par sa forme carrée et sa croûte grisée et mouchetée rappelant la robe de la Vosgienne, le Cœur de massif aura demandé plusieurs années de réflexion avant d’investir nos assiettes. Début 2014, l’Organisme de Sélection de la race lance le projet de créer un nouveau fromage produit essentiellement à partir du lait de vosgienne avec pour objectif de valoriser le travail des éleveurs, lié un produit à la race afin de participer à sa sauvegarde, et promouvoir le territoire. Il fallait alors pour les éleveurs, engagés dans la réflexion, se mettre d’accord sur le type de fromage et sa recette. Après plusieurs mois d’essais, le choix de la forme, de la texture, de la croute et du nom étaient faits, ainsi naissait le Cœur de Massif, le nouvel ambassadeur de la race Vosgienne. Afin d’en savoir un peu plus sur son origine et sa fabrication, nous allons à la rencontre de Frédéric Vaxelaire, à la tête de l’EARL La chapelle des Vés au Thillot, qui nous ouvre les portes de son atelier de transformation.
Avant de parler du Cœur de massif, pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre exploitation ?
Frédéric Vaxelaire : Je me suis installé en 2006, hors cadre familial. J’ai repris des parts sur l’exploitation, nous étions alors en Gaec à trois, et depuis 2015, je suis en EARL avec deux employés polyvalents à mi-temps. J’ai monté mon troupeau de vosgiennes petit à petit, j’en ai une vingtaine en laitières, cela représente un cheptel de 80% de vosgiennes, et le reste en Montbéliardes. La référence laitière est de 150 000 litres de lait, la totalité étant transformée chaque jour sur la ferme pour faire du munster, du bargkass et du Cœur de Massif. Une partie est vendue sur la ferme, l’autre en magasin, sur le marché du Thillot chaque samedi matin, ou aux restaurateurs.
Depuis quand fabriquez vous le Cœur de Massif ?
F.V. : J’ai fait la formation Vivea en 2016 et j’ai démarré la production en mars dernier. A savoir qu’il y a un cahier des charges pour fabriquer ce fromage. Lorsque l’on démarre la production de Cœur de Massif, il faut avoir un cheptel de 55% de vosgiennes, et chaque année l’augmenter de 5% pour atteindre 80% au bout de 5 ans. L’ensilage est proscrit, tout comme les céréales et tourteaux d’OGM, un minimum de 150 jours de pâture est demandé, et une alimentation d’un tiers de foin sec dans la nourriture hivernale.
Revenons à l’origine de ce fromage.
F.V. : L’idée à la base était de faire un fromage lié à la race afin de porter son image. Plusieurs stages et essais ont été faits afin de trouver le bon fromage. C’était un véritable challenge de trouver un fromage qui puisse à la fois plaire au public tout en ayant un cahier des charges strict. L’OS ne voulait pas faire un fromage comme le munster qui est presque trop connu, donc l’idée était de faire un fromage carré avec des ferments bien spécifiques pour donner un goût différent de la tomme traditionnelle. L’autre objectif derrière était de redonner goût à la vosgienne afin d’augmenter son effectif sur le massif car on avait l’impression que la race stagnait. Les éleveurs qui font du Cœur de massif ont donc plus de vosgiennes maintenant.
Vous êtres actuellement en pleine fabrication du Cœur de massif, quelles sont les étapes de sa fabrication ?
F.V. : Je viens de réaliser l’étape de présure où le lait est chauffé à 34 degrés avec la présure. Puis je m’occupe des découpages, avant de faire chauffer le tout. Une fois cela terminé, on met le caillé dans des moules de forme carrée. Une fois le moule réalisé, on le met sous une presse afin d’extraire les sérums, il sera retourné trois fois dans la journée. Le lendemain matin, on le démoule puis on le met en saumure pendant 24 heures avant de le laisser s’égoutter et de le mettre en cave pendant minimum deux mois. Les deux premières semaines en cave, les fromages sont frottés à la morge, un produit d’affinage. La troisième semaine, ils sont lavés à l’eau salée puis ils sont retournés une fois par semaine sur des planches. A savoir que pour faire un fromage de 7 kilogrammes, il faut 70 litres de lait.
Comment peut-on décrire ce fromage afin de comprendre son profil ?
F.V. : C’est un fromage à pâte mi-cuite pressée qui ressemble un peu au Comté. La moisissure grise va se développer sur sa croute donnant quelques tâches donnant un aspect moucheté rappelant la robe de la vosgienne. Il est à la fois moelleux, onctueux et doux, avec un goût bien plus prononcé que la tomme classique.
Quels sont les avantages et les inconvénients de ce fromage et de sa production ?
F.V. : Pour le moment, je n’en produit qu’une fois par semaine car je fabrique aussi d’autres fromages, à voir par la suite si j’augmente en fonction des besoins. En temps de travail, cela prend plus de temps que le bargkass, qui est une tomme classique, à transformer mais n’en demande pas plus que du munster. Le Cœur de massif valorise la race et notre massif, c’est un fromage bien vosgien qui lie un produit à la race. A savoir aussi que tous les producteurs de fromages, en dehors de la région, ne peuvent pas fabriquer ce produit, c’est un gros avantage qui nous donne une unité propre. On le vend aussi plus cher qu’une tomme traditionnelle, tout simplement parce qu’il a plus de goût, le public trouve d’ailleurs qu’il est à son juste prix après l’avoir goûté. Notre travail est donc bien valorisé mais demande encore à être bien communiqué auprès du grand public qui ne connait pas toujours ce fromage. Cela demandera du temps et un bon bouche à oreille, à nous aussi de bien communiquer dessus, de se faire connaître. Si nous réussissons, il sera peut être possible d’obtenir une AOP.
Mathieu Palmieri