Céréales à paille / Quelles sont les conséquences des gelées de la fin avril sur les céréales en montaison, et plus précisément sur les épis et épillets ? Si le diagnostic ne sera définitif qu’aux stades épiaison-floraison, il est d’ores et déjà possible de faire un premier constat quant aux conséquences sur les épis.
Les 20 et 21 avril derniers, des températures particulièrement froides ont été relevées dans notre région : -4 °C à -5 °C sous abri dans une majorité de cas, et -6,5 °C sous abri à Jalogny (71), -5,8 °C à Nevers (58), -4,9 °C à Châtillon-sur-Seine (21), -4,5 °C à Semur-en-Auxois. Ces gelées se sont déroulées dans un contexte de faible hygrométrie ambiante et leur durée n’a pas excédé quelques heures (gelées de fin de nuit avant le lever du jour). Lors de ces fortes gelées, les blés étaient majoritairement au stade deux nœuds à dernière feuille pointante et les orges d’hiver majoritairement au stade dernière feuille pointante à étalée.
Risque de gel d’épis dans la tige
Le seuil de -4 °C (sous abri) est un seuil d’alerte et non de dégâts systématiques. Cependant, la hauteur de l’épi dans la tige et son état de développement devrait faire fluctuer sa résistance au cours de la montaison. On peut faire l’hypothèse que plus l’épi est haut dans la gaine, plus il devient sensible au froid. Une référence anglaise mentionne des températures négatives pendant la montaison (3 nœuds – BBCH33), avec des effets variables selon les conditions hivernales. De plus, la température varie avec la hauteur, les stations météo mesurent la température à 1,5 m du sol. La végétation basse connaît donc une température encore inférieure. La bibliographie indique qu’au sein d’un couvert de céréales, le haut du couvert est plus froid que le bas.
De quelques épillets à l’épi totalement gelé
On distingue deux grands cas de figure en termes de symptômes. D’abord les épis gelés dans la gaine : ce type de symptômes pourrait s’observer en semis tardifs ou sur des talles moins avancées (3e – 4e talles) en semis précoces. Le gel peut provoquer le gel total de l’épi. Lorsque l’apex est détruit il peut entraîner le pourrissement de la base de la dernière feuille qui jaunit. En cas de gel total de l’épi, la tige régresse et les talles plus jeunes poursuivent leur croissance en cas de conditions propices (à l’épiaison : les épis ne se situent pas tous à la même hauteur car les tiges ont monté à des dates très décalées). L’épi gelé s’observe en coupant la tige dans sa longueur : il est blanc/desséché voire marron-nécrosé (si doute, observer à la loupe – cf photo). Pour résumer : le jeune épi non gelé conserve sa couleur translucide car ses structures sont pleines d’eau. Le jeune épi gelé a perdu l’eau qu’il contenait. En se desséchant il devient blanc puis brun. Si l’ensemble de l’épi a gelé la tige va finir par mourir par arrêt de sa croissance.
Effets du relief et de la végétation haute
Ce phénomène de gel d’épi est fortement dépendant du relief : l’air froid est plus dense, et se concentre dans les cuvettes. Les fonds de vallée et de combe sont donc beaucoup plus exposés. Au sein d’un même département, les minimas peuvent varier de plus de 5 °C au cours de la même nuit. Par ailleurs, la proximité de végétation (haies, arbres, forêts) peut agir de différentes façons ; elles peuvent limiter le réchauffement diurne, mais surtout réduire le rayonnement nocturne (et donc limiter le refroidissement). Une haie ou un talus peut par contre ralentir les écoulements d’air froid pendant la nuit et engendrer une poche de gelée. Second cas de figure, à partir de 2-3 nœuds : les symptômes ne seront vraiment visibles qu’après épiaison. La destruction des épillets sur une section de l’épi se répartit de manière aléatoire dans les différentes zones de l’épi (voir photo). Ces dégâts de gel seront néanmoins aléatoires, sur le territoire, en fonction d’effets microclimatiques, mais aussi dans la parcelle et même au sein des épis. Progressivement, les barbes des épis d’orge touchés deviennent blanches. Concernant le risque de dégâts foliaires : l’extrémité des limbes se nécrosent en réaction aux températures négatives. Les sensibilités variétales semblent importantes, mais l’impact final est sans doute limité tant que les dégâts se limitent au feuillage. La notation des dégâts va donc être délicate en lien avec la difficulté d’observation des organes touchés (épis), la variabilité entre tiges (les épis du maitre-brin et des différentes talles ne sont évidemment pas au même stade), et l’hétérogénéité du milieu (micro-relief, zone d’écoulement d’air, nature du sol).
Diane Chavassieux, Luc Pelcé (Arvalis – Institut du végétal)