Contrôle laitier / Deux ans après l’agrément officiel d’un second organisme pour le contrôle laitier en Haute-Saône, la concurrence est désormais en place dans le département.
Les réunions d’hiver de Haute-Saône Conseil Élevage (HSCE) ont été l’occasion pour Philippe Grosperrin de présenter les évolutions de l’offre de l’organisme de contrôle laitier historique. Une offre plus « à la carte » et moins « mutualisée » d’après les mots du directeur, notamment à cause de l’arrivée sur le marché d’un concurrent : EV-Consult. Cette société a développé un logiciel de gestion des données (CoachLait), et travaille avec un laboratoire d’analyse situé en Ile-et-Vilaine (Lacteus).
La genèse de la concurrence
EV-Consult est implantée historiquement en Normandie. L’entreprise a été cofondée par Bertrand Debotz, vétérinaire libéral dans la Manche depuis 27 ans. « Notre métier de base c’est de faire du conseil, explique-t-il. Comme nous avions un problème d’accès à la donnée, nous avons monté ce laboratoire officiel, pour faire notre propre contrôle de performance. » De fil en aiguille, le conseil s’étoffe, avec la recherche de nouveaux indicateurs, notamment appliqués à la gestion de troupeau : « Il s’agit de repérer les dérives d’une pathologie sur un troupeau, au lieu de la mesurer à l’échelle d’un individu. » Même raisonnement sur d’autres indicateurs, comme la fécondité, la mortalité, et bien-sûr la qualité du lait. « Le contrôle de performance, c’est la cerise sur le gâteau, estime Bertrand Debotz. Contrairement au conseil qui s’appuie sur la donnée en temps réel, c’est un suivi lointain qui sert aussi à l’amélioration de la race. » Le vétérinaire profite donc de l’obligation de mise en concurrence pour obtenir son agrément officiel dans 49 départements en France, dont la Haute-Saône, les Vosges, le Jura, le Doubs…
Les échantillons envoyés par voie postale
En Franche-Comté, EV-Consult s’appuie sur la Comtoise MLS. C’est elle qui assure la formation initiale des éleveurs (aspects pratiques et surtout réglementaires), qui pour la plupart choisissent le « protocole B ». Il s’agit de la méthode d’enregistrement des données du Contrôle Laitier Officiel par l’éleveur et non par un agent d’un Organisme de Contrôle Laitier (protocole A). Avec cette option, c’est donc l’éleveur lui-même qui assure les mesures, les prélèvements, l’envoi des échantillons par colis postal au laboratoire Lacteus, et l’enregistrement des données sur le logiciel informatique. « Certains éleveurs se sentent capables de faire cette manipulation », explique Bertrand Debotz. Une « ubérisation » du contrôle ? « Peut-être. Je ne sais pas, mais dans le monde moderne, les éleveurs sont des gens responsables et ne sont pas tous demandeurs d’un conseil mensuel de 2 heures ».
Qu’en est-il de la fiabilité des données ? Selon Régis Grémion, directeur de la Comtoise MLS, elle ne pose pas de problème. Pour la plupart des éleveurs, la donnée a en effet d’abord une valeur dans la conduite de l’exploitation. Elle ne sert qu’au suivi du troupeau. La tricherie est toujours possible, mais elle est aussi possible avec un peseur externe. « Et s’il y a des tricheurs, ce sont ceux de la top-liste, pour qui les concours sont importants ; 98 % des éleveurs ne s’y intéressent pas », constate Bertrand Debotz. Invisible donc sur les grands nombres.
Le contrôle internalisé
Au Gaec Cachot de Raze, Gérard et Damien Cachot ont fait le choix de ce mode de fonctionnement. Après plus de 30 ans d’adhésion à HSCE, ils ont choisi de confier leur contrôle à EV-Consult. Premier pas obligé : s’équiper en compteurs à lait. L’exploitation a donc investi dans 12 compteurs à lait de marque Waikato, certifiés par l’organisme international ICAR. Un investissement à hauteur de 165 € par appareil, « rentabilisé en 7 mois » assure Damien, compte tenu de la différence de tarif. En début d’année, les éleveurs ont reçu tout le matériel nécessaire à leurs 12 pesées annuelles : flacons, cartons, glacières, thermomètres, documents pour les envois en chronopost médicalisé… Les résultats sont ensuite disponibles sur le logiciel en ligne.
Reste à prendre, une fois par mois, la place du peseur. Une internalisation du service, en quelque sorte. « Il faut mobiliser une personne de plus pendant deux traites consécutives, en comptant environ 2 heures de saisie des données. » Conformément au règlement du « service public d’enregistrement et de contrôle des performances des ruminants », un contrôle annuel sera réalisé par la Comtoise MLS. Ces contrôles seront d’ailleurs réalisés « à une plus grande fréquence que l’impose la réglementation », prévient Régis Grémion qui a surtout développé cette activité pour le Jura. L’entreprise de sélection sera aussi en charge du contrôle annuel des appareils de mesure. Pour les aspects de conseil, c’est comme dans les nouvelles formules de HSCE : « à la carte », avec des options sur des analyses supplémentaires, et la possibilité de joindre un nutritionniste ou un vétérinaire si besoin. D’où la convergence des offres de HSCE dont la palette s’est adaptée à cette nouvelle concurrence.
LD