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Journée régionale porcine / Christine Roguet, de l’IFIP, invitée de la journée régionale porcine du 30 novembre dernier, a identifié trois axes stratégiques pour insuffler une nouvelle dynamique à la production de porcs en Franche-Comté : la modernisation, le progrès technico-économique et le renouvellement des générations.

C’est par un exposé à la fois synthétique et précis de la situation de la production porcine dans l’Union européenne que Christine Roguet, du département “économie et production” de l’IFIP (Institut français du porc) a introduit son intervention, lors de la journée régionale porcine de 2016. En quelques graphiques, le constat s’impose : au niveau européen, la forte dynamique de croissance de la production porcine contraste avec la stagnation, voire le repli de la production française. « Au cours de la période 2000-2015, l’Allemagne et l’Espagne ont augmenté leur production de 31 % chacun, progressant respectivement de 1 190 et 937 tonnes équivalent carcasse soit, au total, l’équivalent de la production porcine française. Dans le même temps, la production française a baissé de 2,7 %. » En arrière-plan, des modèles de développement bien différents, mais avec pour dénominateur commun la quête de la compétitivité. « La croissance allemande est alimentée par des porcelets danois et néerlandais, puisque entre 2010 et 2015 ses importations de porcs vivants ont été multipliés par cinq – et désormais c’est la Pologne qui a pris le relais en termes de débouchés pour ces porcelets danois, tandis que le marché allemand stagne. » En Espagne, c’est le levier de l’investissement dans des bâtiments relativement peu chers qui explique en grande partie l’essor de la production. « Avec des économies d’échelle liée à la taille des bâtiments, une certaine simplification et surtout une main d’œuvre bon marché dans le secteur de la construction, les Espagnols arrivent à des coûts à la place d’engraissement de l’ordre de 150-170 € – tout en respectant les normes européennes liées au bien-être animal – alors qu’en France nous sommes plutôt autour
de 400-450 € ! »

Spécialisation et agrandissement
Un modèle s’est progressivement imposé au nord de l’Europe : celui de grands élevages spécialisés, dans le naissage ou dans l’engraissement. « Schématiquement, ça correspond à des naisseurs de 500 à 1 000 truies alimentant des engraisseurs de 1 500 à 2 000 places. C’est une organisation qui permet à la fois des économies d’échelle, et sur le plan sanitaire une séparation des sites (mono-origine des porcelets), qui permet aussi la conduite en tout plein tout vide », détaille Christine Roguet. Ce modèle est le fruit d’une restructuration intense, doublée d’une spécialisation : ainsi, au Danemark, le nombre d’élevages porcins a été divisé par quatre en 15 ans, tandis que leur taille était multipliée par quatre en moyenne. Désormais les élevages de plus de 1 000 truies représentent 40 % du total. « En Allemagne, la devise des éleveurs a été “wachsen oder weichen”, ce qui signifie “croître ou disparaître”, un mouvement qui s’est accompagné d’une forte émulation collective. Le développement repose sur des élevages industriels, “à l’américaine”. Les éleveurs allemands ont disposé de plusieurs atouts, tels la forte demande intérieure, leur position géographique stratégique au coeur de l’Europe, ainsi que les revenus complémentaires procurés par la production d’énergie (biogaz). »

Vétusté et endettement
Le diagnostic de la situation française, voire régionale, n’est pas très réjouissant, même si quelques points positifs sont relevés. « Le déficit de production par rapport à la consommation intérieure des années 80-90 a été comblé par une forte croissance, mais cette dynamique – bretonne notamment – a été stoppée net par l’application des directives nitrates… Entre 2000 et 2010 on constate un effondrement de la production dans le Sud tandis que l’élevage porcin résiste mieux dans le grand-Est. Mais dans ce laps de temps le parc de bâtiments a vieilli, ce qui se traduit par une dégradation des conditions de production, et des retards dans les progrès techniques par sous-investissement. Alors qu’au début des années 2 000 la France était dans le peloton de tête pour la prolificité, critère mesuré par le nombre de porcelets sevrés par portée, il y a désormais un écart d’un porcelet en faveur du Danemark. De même pour le GMQ des porcs charcutiers, l’écart s’est creusé, pour atteindre aujourd’hui une centaine de grammes par jour. ». Et la volatilité des prix ne favorise pas l’investissement. « Sur la période de 10 ans écoulée, seulement trois années ont été positives en terme de résultat économique. Aussi, seule une minorité des élevages ont tiré partie de la mise aux normes obligatoire pour remettre à niveau leur bâtiment, en améliorant la rationalité et la biosécurité. Les autres se sont contentés de bricolages à moindre frais, et butent sur des problèmes de main-d’œuvre, de plan d’épandage (assise foncière insuffisante) et de financement. » Les éleveurs français aspirent néanmoins, comme le montre une enquête de l’IFIP à la réduction de leurs coûts, à accéder à plus d’autonomie, améliorer les conditions de travail et la productivité. « L’enquête fait aussi ressortir plusieurs freins, tels que le manque de rentabilité, d’envie, et l’accès au financement. »

Performances techniques
L’analyse de la situation franc-comtoise fait apparaître «  des investissements raisonnés et structurants mais insuffisants… La dispersion des niveaux de performances entre les différents élevages va poser un problème à l’avenir, au niveau de la transmission : qui voudra reprendre des élevages vétustes et endettés ? », interroge la spécialiste. Avec ses spécificités – signes de qualité et alimentation des porcs charcutiers avec du petit lait, la filière porcine franc-comtoise « n’a pas un modèle si éloigné de l’exemple breton, si on regarde les effectifs, les surfaces… », poursuit Christine Roguet. « Quand j’ai interrogé la base GTE (base de données de Gestion Technique et Economique sur les élevages de porcs en France, gérée par l’IFIP), j’ai eu du mal à trouver les données d’une douzaine d’élevages franc-comtois : comment font les éleveurs de la région pour progresser et se comparer aux autres ? A quoi ça sert d’avoir un aliment pas cher – le lactosérum – si on ne connaît pas son indice de consommation ? » Pour préparer l’avenir, Christine Roguet décrit trois grand enjeux. « Il faut moderniser le parc des bâtiments d’élevage, et pour cela trouver des capitaux : il faut compter de 2 à 3 millions d’euros par élevage pour la modernisation. Pourquoi pas des fonds d’investissement, ou la contractualisation avec des partenaires de l’amont et de l’aval… Le second enjeu est celui du renouvellement des génération : l’âge moyen des chefs d’exploitations porcine de votre région est 51 ans, il y a peu de candidats pour s’installer, et la nouvelle génération à des attentes importantes (confort de travail, revenu…). Enfin, il faut améliorer le niveau de performance, même dans une filière à valeur ajoutée, car vous n’êtes pas complètement déconnectés des cours nationaux… » Tous ces enjeux ne pourront être appréhendé qu’à l’échelle de la filière, ce qui implique son organisation. « Appui technique, transmission, formation… : c’est la mission d’une animation régionale de filière », conclut la spécialiste.

AC

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