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Crise agricole / Au cours d’une réunion de crise au Gaec du Joli Bois, le président de la FDSEA de Haute-Saône, Sylvain Crucerey, a lancé un appel à ne plus payer la TVA, afin que les pouvoirs publics prennent enfin la mesure de la gravité de la situation économique des exploitations.

C’est à l’occasion de la venue en Haute-Saône de Thierry Coué, membre du bureau de la FNSEA en charge du dossier environnement, que les JA, la FDSEA et la FDPL de Haute-Saône avaient donné rendez-vous aux agriculteurs du département au Gaec du Joli Bois, à Vallerois le Bois. Une exploitation justement choisie pour sa « représentativité » de la ferme haut-saônoise, en termes de productions. « Nous produisons 1,140 millions de litres de lait avec 150 vaches laitières, élevons environ 60 taurillons par an, des génisses montbéliardes pour l’export, des veaux croisés bleu-blanc-belge, et cultivons 125 ha de céréales pour la vente à Interval et Terre Comtoise, sur nos 308 ha de surface », a résumé Julien Di Santantonio, l’un des cinq associés du Gaec, avant d’entrer dans le vif du sujet. « En 2005, nous nous sommes installés à deux jeunes agriculteurs et avons créé le Gaec en regroupant la ferme des parents de Mathieu Figard et celle de mon oncle. Nous nous sommes associés avec David Py en 2008, pour construire un bâtiment vache laitière en 2009, malgré la crise laitière. En 2015, nous avons construit la nurserie, qui nous a permis de réduire la mortalité des veaux… des choix que nous regrettons amèrement aujourd’hui : au delà de 2016, on ne peut plus se projeter. » La belle dynamique de cette exploitation agricole moderne, bien équipée, semble enrayée. En cause, une conjonction de facteurs défavorables, que Sylvain Crucerey, le président de la FDSEA a pris le temps de bien détailler et analyser, en s’appuyant sur les résultats économiques du Gaec du Bois Joli (lire encadré).

Démonstration par l’exemple
D’abord, le volet des prix : « dans cette ferme, comme d’ailleurs dans toutes les fermes du département, ni le lait, ni la viande, ni les céréales n’apportent une éclaircie : chaque jour, quand il se lève le matin pour commencer sa journée de travail, l’agriculteur sait qu’il va perdre dans chacun de ses actes productifs ! Quand à 8h le camion de ramassage de lait passe, l’agriculteur sait que le lait lui sera payé en dessous de ses coûts de production, à 10h, quand le négociateur en bestiaux vient chercher des bêtes pour les acheter, c’est pareil, et à 14h quand il livre sa benne de céréales à la coopérative, c’est encore la même chose. Qu’est-ce que ça veut dire de faire de l’agriculture dans ces conditions ? Ça ne peut plus continuer ! » Découragement, désespoir, cessation de paiement, faillite, ruine… les mots employés par les autres responsables professionnels qui se sont relayés au micro confirment la profonde détresse du secteur agricole. Ainsi Emmanuel Aebischer, président de la FDPL, est revenu sur le dossier lait. L’industriel laitier qui achète le lait de l’exploitation, Lactalis, est depuis de nombreux mois le moins disant en termes de prix payé aux producteurs… tandis qu’il affiche simultanément une insolente santé véconomique. Un sentiment de pillage d’autant plus insoutenable qu’il se double d’un mépris clairement affiché aussi bien envers les organisations de producteurs (c’est un responsable ”com” qui joue le rôle d’interlocuteur) qu’envers les contraintes de transparence exigées par l’Etat. « Depuis un an, on se bat sut la prise en compte des charges, des coûts de production, dans le calcul du prix payé aux producteurs. Le prix du lait n’arrête pas de baisser, mais pas celui des produits laitiers dans les rayons ! Danone vient d’annoncer un résultat en progression de 143 %… Qu’est ce que ça doit être pour Lactalis, qui paye encore moins bien ? Les dirigeants du groupe se sont d’ailleurs vantés de ne pas publier leurs résultats, et qu’ils ne paieront pas l’amende prévue de 3 % du chiffre d’affaires »

Nouvelles contraintes, aides remises en question
En viande bovine, les cours sont aussi bien trop bas. « Il manque un euro du kilo pour couvrir les coûts de production, martèle Sylvain Crucerey : une bête de 300 kg qui part aujourd’hui à l’abattoir, c’est une perte nette de 300 € pour l’éleveur ! »
La météorologie calamiteuse de ce printemps est venue parachever ce sombre tableau, en ruinant la récolte de céréales : rendements extrêmement faibles, qualité très médiocre… « J’en suis à ma 38e moisson, et je n’avais encore jamais vu ça, assure Thierry Chalmin, le président de la Chambre d’agriculture. Si on sortait de bonnes années, on pourrait le supporter, mais là ce n’est pas le cas. Nous avons besoin de retrouver des prix rémunérateurs, car actuellement, il sort plus d’argent qu’il n’en rentre. Un grand nombre d’exploitation du département sont à la limite de la cessation de paiement et se demandent comment elles pourront payer les semences pour emblaver les cultures d’hiver et la nourriture des animaux…»
La perspective d’une remise en cause de certaines aides (au titre du handicap naturel) et de nouvelles obligations réglementaires liées à la protection de l’eau exacerbe le découragement des agriculteurs. 147 nouvelles communes haut-saônoises sont sur le point d’être classées en zone vulnérable, ce qui obligera les agriculteurs à redimensionner leurs ouvrages de stockage des effluents. « Il y en a marre qu’en France, le 2e ministre de l’agriculture soit le ministre de l’environnement ! a clamé Thierry Coué. On fait ce qu’il faut pour protéger la santé de nos plantes et de nos animaux, nos outils ne sont pas du poison ! Nous, les agriculteurs, nous travaillons avec le vivant, nous faisons un métier difficile, exigeant, et ça mérite d’être rémunérés convenablement, par des prix justes et équitables. Nous ne sommes que 2 à 3 % de la population active, mais nous sommes la base de la pyramide. »
« A partir d’aujourd’hui, je vous invite à refuser de payer la TVA, a déclaré Sylvain Crucerey à la centaine d’agriculteurs présents : je sais que c’est lourd de conséquences pour nos partenaires commerciaux et nos fournisseurs, mais on n’en peut plus. L’État a fait un geste pour sauver les banques, il doit maintenant en faire un pour sauver l’agriculture. Nous allons vous proposer également un courrier pour expliquer aux services fiscaux que vous n’avez plus d’argent, et que vous ne paierez pas non plus, si vous êtes propriétaire exploitant, la taxe sur le foncier non bâti. Et puis sur le plan syndical, il va falloir aussi se préparer à retourner voir quelques transformateurs, qui continuent de faire la sourde oreille à nos revendications, tandis qu’ils annoncent des résultats très positifs… » Propos auxquels a souscrit sans hésiter le président des JA Gérald Pichot, qui a profité de l’occasion pour annoncer dans les prochains jours une opération dans les grandes surfaces. « Nous allons cibler les marques emblématiques des entreprises qui pillent les agriculteurs, et expliquer aux consommateurs ce qu’il en est : Caprice des Dieux, pour le groupe Bongrain, le camembert Président, de Lactalis, et Charal, pour les établissements Bigard. »

AC

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