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Rapport Cyclope 2016 / Après la flambée des cours de la fin des années 2000, les prix de l’ensemble des matières premières minérales et agricoles ont amorcé un retournement de cycle depuis 2014 qui pourrait durer une quinzaine d’années, selon Philippe Chalmin, coordinateur du rapport Cyclope.

«On a tourné la page de la flambée des cours de la période 2006-2014 », observe Philippe Chalmin, le coordinateur du rapport Cyclope 2016 qui a célébré cette année son trentième anniversaire en présence du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Depuis la fin 2013 et début 2014, l’ensemble des marchés des matières premières minérales et agricoles a amorcé une chute des prix extrêmement importante. En effet, à l’exception de quelques produits comme le cacao ou les amandes, l’indicateur global des matières premières est aujourd’hui « deux tiers plus bas que pour la période 2011/2013 », observe Philippe Chalmin. En cause le ralentissement de la demande mondiale. Certes, elle continue à progresser, mais moins vite qu’il y a quelques années quand la croissance économique mondiale atteignait 4 à 5 %, alors qu’elle se situe plutôt à 3 % actuellement. Certes, la Chine continue d’être le principal moteur comme consommateur et importateur mondial de matières agricoles, de pétrole, de sucre, de minerai et de métaux, mais sa demande est portée par une croissance de 6 % alors qu’elle était de 10 %, il y a quelques années. « La Chine est là, mais elle est moins là », résume Philippe Chalmin. Quant aux pays émergents, à l’image du Brésil, ils sont nombreux à rencontrer des difficultés structurelles qui freinent leur croissance.

Nouveau paradigme
Coté offre, la production est devenue plus abondante, en raison des investissements engagés dans les années 2006-2010 quand la tension sur les prix et les craintes de pénurie étaient à leur paroxysme. À l’époque, « l’idée prévalait qu’on allait manquer de ressources », se souvient Philippe Chalmin. En outre, la hausse des prix a rendu rentable des techniques et technologies qui ne l’étaient pas. On pense à l’exploitation des schistes bitumeux au Canada ou au développement de la fracturation hydraulique pour l’extraction des hydrocarbures. Et plutôt que de freiner la production pour s’adapter à la demande, les opérateurs les plus compétitifs inondent le marché pour éliminer des concurrents. C’est la stratégie de l’Arabie saoudite en matière de pétrole ou plus près de nous, celle des Néerlandais et des Irlandais en matière de production laitière. Et si on y ajoute l’affaiblissement de la plupart des monnaies par rapport au dollar, tous les éléments sont réunis pour peser sur les prix.
De cette analyse, Philippe Chalmin tire plusieurs conclusions. Ainsi, le discours sur la rareté, très prégnant fin des années 2000 s’est estompé. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’opportunité d’encourager les économies et le recyclage ou de développer de nouvelles ressources énergétiques, le renouvelable par exemple. En revanche, le terme « de malédiction des matières premières », cher à Philippe Chalmin revient. En ce sens que les pays richement dotés en matières premières, comme le Venezuela ou certains pays africains, restent, incapables de gérer cette rente sur le long terme.

En attendant l’Inde
Enfin, cet effondrement des prix n’est pas étranger au développement du repli sur soi, de la montée en puissance du protectionnisme et de l’exacerbation des conflits commerciaux. Comme en témoigne l’échec des négociations multilatérales de l’OMC voire l’enlisement des négociations sur les accords bilatéraux entre les grands blocs commerciaux (États-Unis, Europe, Asie, Mercosur).
La question qui est posée aujourd’hui est de savoir si le plancher des prix des matières premières a été atteint ou si ceux-ci vont continuer à s’effondrer. Sans se prononcer dans le détail. Philippe Chalmin observe que la plupart des marchés croulent sous les excédents. Ce qui pourrait durer quelques années, sauf évènement politique ou climatique exceptionnels. En fait le fondateur de Cyclope inscrit son analyse dans une perspective historique, à savoir la permanence des cycles que l’on avait un peu oublié et qui s’étendent sur une période de 25 à 30 ans. La période actuelle s’inscrit dans une phase descendante après le pic des années 2006-2014 qui lui-même a succédé à une période de chute des prix qui a elle-même suivi la flambée des années 70. Ainsi, les prix pourraient rester durablement déprimés encore pendant une quinzaine d’années. La reprise pourrait intervenir à la fin de la prochaine décennie avec l’irruption de l’Inde sur les marchés internationaux et l’accélération de sa croissance. À l’image de la Chine dont le décollage économique dans les années 90 n’est pas étranger à la flambée des prix des matières premières une décennie plus tard.

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