OP_MIlleret_Intervenant

OP Milleret / Denis Jeanrot du cabinet d’expertise comptable Latitude, était l’invité lors de l’AG de l’OP Milleret le 11 mars. Chiffres à l’appui, il a décrypté pour le Graylois les marges des exploitations laitières. Une approche rationnelle qui montre qu’un même prix du lait peut permettre à l’un, en vitesse de croisière, de « passer », tandis que l’autre, en phase d’investissement, « ne pourra pas suivre ».

L’Organisation des Producteurs Milleret ne chôme pas. Depuis l’AG de l’an passé, les membres du conseil d’administration ont passé en revue un certain nombre de solutions qui pourraient permettre à l’entreprise, confrontée à un surplus de collecte laitière, de passer le mauvais pas en attendant que les efforts déployés pour assurer les débouchés soient enfin payants. Les pistes explorées par l’entreprise, telles qu’évoquées par Denis Milleret, sont par exemple l’export (plus de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise), le metton (avec des espoirs dans la reconnaissance de l’IGP cancoillotte) et le bio. Alors que la filière française de lait bio va dépasser les 550 millions de litres collectés en 2016 (2,3 % de la collecte nationale), la fromagerie a sans doute une carte à jouer. En France, la moitié environ de la production bio est écoulée par les grandes surfaces ; mais entre un quart et un tiers l’est par les réseaux spécialisés (type Biocoop). Ces derniers sont friands de produits fabriqués par des PME locales dont la fromagerie Milleret est un des derniers représentants hors AOP. Reste à trouver un débouché durable pour les fromages bios, tant la conversion est une affaire de long-terme qui doit s’accompagner de garanties sur la durée.

Calcul des coûts réels du lait
Une situation qui n’est d’ailleurs pas l’apanage des producteurs en conversion. Avec des prix du lait en dessous des 300 € pour la plupart des producteurs du département (Milleret fait figure d’exception avec ses 300 €), les trésoreries des exploitations laitières souffrent. Pour rationaliser cette impression, Xavier Jarrot le président de l’OP avait invité Denis Jeanrot, expert-comptable chez Latitude. En s’aidant de sa base de données des comptabilités d’exploitations laitières dans le Graylois, le comptable a bâti un outil pour calculer un coût de revient du lait. Pour chaque poste de dépense, il extrait la partie directement imputable à l’activité laitière. Au sein de l’exploitation, il est capable alors de calculer précisément le prix nécessaire, année par année, pour tirer un prélèvement personnel à un niveau donné. Dans un premier temps, l’expert a sélectionné une quinzaine d’exploitations « en vitesse de croisière » : faibles investissements, bonne qualité de lait, maîtrise de l’alimentation, génétique performante. Pour tirer une tendance, il a présenté les résultats sur les années 2005, 2010 et 2014. Résultat : L’exploitation est capable de tirer 1,5 Smic à partir d’un prix de lait de 373 € (primes et qualité incluses, soit environ 345 € en base). Les évolutions sur 10 ans sont cependant inquiétantes : EBE en chute, de 167 €/1000L en 2005 à 148 € en 2014 (supposée être la meilleure année) et même 99 € en 2015. Quant aux charges d’alimentation, elles prennent 30 € entre 2005 et 2014. Le revenu disponible 2005 pour ces exploitations « bien assises » est de 13 000 € par associé.

6 700 € par associé en 2014
Le tableau est encore plus alarmant quand on s’intéresse aux exploitations « en phase d’investissement » ou en transformation. Il s’agit de jeunes nouvellement installés, ou d’exploitations ayant regroupé leurs troupeaux, ou encore d’élevages ayant investi dans une mise aux normes ou un bâtiment. Cette fois, l’EBE 2014 est à 97 €/1.000 L seulement. À peine de quoi rembourser des annuités d’emprunts logiquement élevés (80 €/1.000 L), alors que l’année 2014 a battu les records de prix du lait payé au producteur. « Le prix du lait nécessaire pour assurer un revenu disponible d’un Smic pour ces exploitations est de 395 €/1.000 L » TPC (toutes primes confondues) conclut Denis Jeanrot. C’est-à-dire environ 365 € en prix de base. De fait, le revenu disponible par associé en 2014 a été de 6 700 €. Pour la pérennité de la filière, et surtout pour une PME comme Milleret qui ne peut délocaliser sa production, il y a donc urgence que les prix remontent à un niveau permettant aux investisseurs de tirer un revenu de la production laitière. À moins de 2 centimes du litre de revenu disponible (1,7 centimes pour 2014 dans cette étude) la filière ne va pas seulement décourager les jeunes, elle va « tuer les nouveaux installés » dira un JA du canton de Champlitte qui avait calé son PDE sur un prix de 330 € en base.

LD

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