Politique / Vendredi 12 février, les parlementaires de Haute-Saône (députés et sénateurs) étaient conviés sur l’exploitation de Benoît Peton à l’invitation de la FDSEA et de la FDPL. Un rendez-vous important pour faire prendre conscience aux représentants du peuple, de l’ampleur de la catastrophe si rien n’est fait à Paris et à Bruxelles pour réguler les marchés.
Cela fait partie de leur mission d’élus : écouter, et « faire remonter ». Les trois parlementaires qui avaient répondu à l’appel de la FDSEA et de la FDPL n’ont cessé de le rappeler. Alain Chrétien, député LR, Michel Raison, sénateur LR, et Jean-Michel Villaumé, député PS étaient bien présents sur l’exploitation de Benoît Peton à Montjustin. Absent : Alain Joyandet, sénateur LR dont la permanence de Vesoul recevra un tombereau de fumier en réparation de cette absence.
Les parlementaires interpellés
« Je n’avais jamais vu un agriculteur pleurer devant la télé, en disant “je vais dire quoi à mon gamin ?” » commence Emmanuel Aebischer, président de la FDPL. La veille, le reportage au 13h de TF1 a en effet marqué, avec le témoignage notamment de Laurent Maire, et d’Olivier Courvoisier. S’il faut en arriver là pour faire comprendre aux responsables la gravité de la situation, c’est probablement que les politiques méritent en partie la caricature qui est faite d’eux : celle de gens coupés du monde, perdus dans leurs réalités virtuelles… « Rappelez-vous Phil Hogan, le Commissaire européen à l’agriculture, dire : “Je ne vois pas où est la crise, puisque les producteurs continuent de traire”. »
Les parlementaires se sont fait largement interpeller : « Inopérants ! Incapables ! Inadaptés ! » « On va mourir, mais on va emmener combien de chômeurs avec nous ? Lactalis investit à l’étranger, nous on investit en France. » Le géant laitier est souvent cité, qui le premier parmi tous les collecteurs fixe des prix à la baisse, suspend la collecte des tanks « à 198 litres » et des JA trop revendicateurs. Le député Villaumé, qui a la difficile tâche de représenter le Gouvernement, l’a bien compris. « Le plan de soutien fonctionne correctement » rassure-t-il en citant les chiffres du nombre de dossiers traités. Mais les agriculteurs veulent des solutions pérennes.
Des lois pour la com’
« Il va falloir que le Gouvernement prenne ses responsabilités », plaide Sylvain Crucerey. Pas pour saupoudrer des aides, mais au niveau national, pour « inciter à répartir les marges équitablement entre tous », et au niveau européen, pour prendre des mesures en faveur d’une régulation des marchés. Le contraire, en fait, de la politique ultralibérale actuellement menée à Bruxelles. « Ou alors on choisit le poulet à la javel et la viande aux hormones » siffle Sylvain Crucerey. Une référence au Tafta qui, contrairement aux promesses des candidats lors des élections européennes devant cette même assemblée, va vraisemblablement être adopté au terme de négociations quasi secrètes.
« C’est vrai qu’on fait souvent des lois pour la com’ » avoue le sénateur Michel Raison. « Vous êtes en train de phosphorer sur la déchéance de nationalité, enfonce Thierry Chalmin, mais ici, on n’a plus vraiment l’impression d’être encore français… » « Vous allez vous réunir en congrès ; profitez-en pour faire de l’agriculture une cause nationale. »
Et la pause normative ?
La tension est également grande depuis l’entrée au Gouvernement de trois ministres écologistes. La « pause normative » annoncée par le Premier ministre le 3 septembre 2015 pourrait bien rester lettre morte. Quant aux mesures tatillonnes, elles reprennent de plus belle avec les fameuses SNA. « Tous les ans depuis plus de 10 ans on nous transforme la forme et la dimension des îlots. » Le compromis politique choisi par le Président Hollande pour ratisser au plus large risque au mieux de rendre très difficile la simplification normative, au pire de complexifier encore la situation. Pour le député Chrétien, l’action de l’élu local reste déterminante. Avec ses 42 000 repas annuels servis dans les cantines, l’Agglomération de Vesoul dispose d’un vrai levier. « Pour la moitié des repas, la viande, le lait, les fruits seront originaires de Haute-Saône. » Du protectionnisme à petite échelle… Un mot qui a perdu sa connotation négative et que les agriculteurs appellent de leurs vœux à l’échelle nationale et européenne. « Sans quoi 2016 pourrait être un copier-coller de 1989, où la paysannerie française… »
LD