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Action syndicale / Les prix du lait annoncés pour janvier n’ont pas manqué de mettre le feu aux poudres dans une profession déjà durablement impactée par la crise de l’élevage. En Haute-Saône, la FDPL, la FDSEA et les JA ont choisi de dénoncer aux consommateurs le grand écart entre les prix payés au producteur et la valorisation des produits laitiers sur le marché intérieur.

Injustice. C’est le sentiment généralement exprimé par les agriculteurs, et plus particulièrement les éleveurs du département. Injustice parfois de voir que les progrès faits en matière d’environnement ne sont pas assez reconnus. Injustice souvent de voir que le travail effectué sur la qualité de l’alimentation ne se répercute pas sur les prix. Injustice enfin de devoir produire en dessous des coûts de production.

Les marques attaquées
Car c’est à cela que sont acculés les éleveurs en ce mois de janvier 2016. En lait, même si les indicateurs interprofessionnels encore utilisés pour la majorité des contrats amenaient à des prix très bas, tous les collecteurs savent qu’en dessous de 300 € de prix de base, la grande majorité des éleveurs ne couvrent pas leurs charges. Certes, « il faut regarder le prix du lait de l’année sur son ensemble, et ne pas oublier les volumes accordés », aiment à plaider les entreprises. Reste qu’en dessous d’un certain seuil c’est évidemment à perte que les éleveurs livrent leur lait ou leur viande, et « qu’en multipliant des pertes, même par de gros chiffres, on reste toujours négatif », martèle Emmanuel Aebischer ce mercredi 27 janvier.
En marge du congrès de la SNFM (voir plus loin), le président de la FDPL accompagné par ceux de la FDSEA, des JA, et de la chambre d’agriculture, expliquait avec une douzaine de collègues l’ampleur de la situation aux journalistes. « Le consommateur ne voit pas les baisses, mais nous, au bout, on crève ». Les 3 000 affiches prêtes à être collées dans tout le département le disent crûment. « Ces marques font crever les éleveurs, volent le consommateur ». Au-dessus, les logos phare de quelques entreprises considérées comme fautives : Lactalis et Bongrain (0,27€/l de lait en janvier), Charal (groupe Bigard qui joue les prix à la baisse grâce à ses 40 % de part de marché dans l’abattage français). C’est donc l’image de marque de ces entreprises que les syndicats ont décidé d’attaquer, faute de pouvoir négocier des prix.

Les centimes sont quelque part dans la filière
Le temps des négociations est en effet passé. Jeudi dernier à Bulgnéville, les administrateurs de l’OP Lactalis ont par exemple choisi de quitter la rencontre avec les représentants de l’entreprise, pour protester contre la fixation unilatérale du prix. Ce blocage n’est pourtant pas inéluctable. Milleret a choisi de ne pas descendre sous les 300€. Sodiaal également, pour le moment. Ailleurs en Franche Comté, l’OP Danone Jura Bresse a négocié un prix de 334 €, basé sur les coûts réels de production, sur tout le premier semestre 2016. « À 60 euros en dessous, et compte tenu des litrages collectés, on peut considérer que Lactalis économise 1 million d’euros par jour en France », chiffrent les manifestants. Même constat pour la viande, qui a vu les prix à la consommation se maintenir, alors que les prix ont perdu 30 centimes à la production. « Ces 30 centimes sont quelque part dans la filière », observe-t-on à la FDSEA. « On veut alerter le consommateur : ces produits ne nous rémunèrent pas », insiste Sylvain Crucerey le président de la FDSEA 70. Est-ce que les producteurs font bien de s’attaquer à leur propre chaîne de valorisation ? Ils n’ont en fait « pas le choix ». Les accords interprofessionnels sont édulcorés par l’Autorité de la Concurrence ou ses homologues bruxellois. Les discussions avec les entreprises tournent court. Les attaques directes contre les transformateurs se finissent devant les tribunaux. « Nous pouvons imaginer que les transformateurs n’aient plus besoin de nous, plus besoin de production locale, répond Thierry Chalmin le président de la chambre d’agriculture. Mais il nous semble que ce n’est pas ce que le citoyen demande. C’est aussi pour ça qu’on prend le consommateur à témoin. »

Régulation par les volumes, ou par les producteurs ?
C’est donc bien la question de la pérennité d’une agriculture de proximité qui se pose. Là encore, au consommateur de savoir ce qu’il veut. Un « Caprice des dieux » fait avec du lait allemand ? C’est possible bien entendu. Mais c’est un choix politique, le consommateur doit s’en rendre compte. « L’Europe doit remettre de la régulation, et pas celle que propose le Commissaire Phil Hogan, qui veut remplacer la régulation par les volumes par une régulation par les producteurs. » Inéluctable, la restructuration ? « Elle n’est en tout cas pas à mettre au crédit des producteurs, accuse Pierre Grangeot le président des JA. Il n’y a qu’à regarder ces derniers jours les efforts que fait Lactalis pour stopper la collecte de petits producteurs sous prétexte qu’ils n’ont pas les 200 l minimum dans le tank. »
« Ma voisine a trait 10 000 l de plus en 2015, elle a gagné 10 000 € de moins », illustre un autre producteur. À 270 €, « les producteurs de lait touchent le même prix qu’il y a 30 ans, avec des charges bien supérieures ». Les transformateurs laitiers, eux, « ne subissent pas la même baisse avec leurs clients que celle qu’ils appliquent à leurs fournisseurs ». C’est la justice que réclament les agriculteurs ; la justice par les prix.

LD

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