Juridique / Pour alimenter une pâture en eau l’établissement d’une servitude peut s’avérer indispensable. En effet, la mise en place d’une servitude permet de la rendre opposable au tiers.
Question :
Je souhaiterais amener l’eau dans une pâture afin que mes vaches puissent s’abreuver en permanence. Cependant, pour pouvoir le faire, je suis contraint de passer mon tuyau sur le fonds de mon voisin. Ayant toujours eu de très bonnes relations avec lui, celui-ci m’a donné son autorisation verbale. Est-ce suffisant ?
Réponse :
L’autorisation verbale qui vous est donnée doit être interprétée comme une simple tolérance, au plan juridique, une tolérance n’est jamais créatrice de droits. En d’autres termes, si vous vous contentez de cette autorisation verbale, celle-ci durera tant que vos bonnes relations avec votre voisin dureront. Par contre, si celles-ci venaient à se dégrader ou si le fonds du voisin venait à être vendu à un tiers, il pourrait ne plus en être de même : votre voisin ou le nouveau propriétaire pourrait vous demander d’enlever votre installation au motif qu’aucune servitude ne vous a été accordée.
En droit, ils auraient raison. Pour bénéficier d’une servitude, l’article L 152-14 du code rural dispose : « toute personne physique ou morale qui veut user pour l’alimentation en eau potable, pour l’irrigation ou, plus généralement, pour les besoins de son exploitation, des eaux dont elle a le droit de disposer, peut obtenir le passage par conduite souterraine de ces eaux sur les fonds intermédiaires dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables à l’exploitation présente et future de ces fonds, à charge d’une juste et préalable indemnité. Sont exceptés de cette servitude les habitations et les cours et jardins y attenant… ».
Autrement dit, pour que l’autorisation donnée soit pérennisée, il importe qu’elle soit sollicitée sur le fondement des dispositions précitées, qu’un titre soit établi et qu’un dédommagement ait été convenu et réglé.
Au plan pratique, l’autorisation peut être sollicitée verbalement. Si le ou les voisins concernés acceptent votre projet, un acte notarié doit obligatoirement être établi. Bien entendu cet acte est à vos frais. Il sera obligatoirement publié au service des hypothèques afin de rendre la servitude opposable aux tiers. Ainsi, si votre voisin vend son fonds ou si celui-ci est transmis à ses ayants droit, par suite d’une succession, la servitude leur sera opposable.
A défaut d’autorisation du ou des voisins, il conviendrait de les mettre en demeure d’accepter cette servitude soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par huissier. Si le refus persiste, vous n’auriez d’autre choix que de saisir le tribunal d’instance de la circonscription judiciaire dans laquelle se situent les immeubles. Dans ce cas, c’est le jugement lui-même qui sera publié aux hypothèques pour le rendre opposable aux futurs propriétaires des fonds grevés de la servitude.
A noter que des dispositions similaires existent lorsqu’il s’agit d’évacuer des eaux : eaux usées mais aussi eaux de drainage, etc.
Quant au montant de l’indemnité, il comprend normalement :
– L’indemnisation de la servitude proprement dite. Son montant est généralement exprimé par rapport à la valeur vénale du terrain.
– L’indemnisation des dégâts causés au sol et de la perte de récolte. Il s’agit là des dégâts et perte liés à la pose même du tuyau. Dans la plupart des départements, les chambres d’agriculture proposent des barèmes d’indemnisation qui permettent aux intéressés de fixer à l’amiable le montant de l’indemnité liée aux travaux de pose.