« Produire autrement ». Notre département n’a pas attendu la diffusion du slogan ministériel pour consolider la diversité de son agriculture, comme le montreront les acteurs de la journée régionale du 4 décembre à Vesoul. Entretien avec Laurent Dodane, en production biologique à Rioz.

Installé en production laitière à la suite de son père au début des années 2000, Laurent Dodane a toujours cherché à consolider ses connaissances en agronomie et zootechnie. Avec un quota réduit (120.000 L) et peu de surfaces exploitables, il se retrouve en 2007 en dehors du zonage des laits de foin. Pour maîtriser ses coûts de production et conserver la maîtrise technique, il suit avec l’Afpasa les formations sur Obsalim, « nourrir autrement », et approfondit le retour aux fondamentaux agronomiques.

L’année 2009 sera pour lui le déclic : des revenus sur les céréales qui compensent tout juste le prix des intrants, notamment les engrais.

Inquiétudes sur les céréales
« A ce moment, j’ai aussi des collègues qui passent bio, se souvient-il. Les laiteries recherchent des volumes, je fais le pas ». Un passage pas évident à réaliser, car les inconnues restent nombreuses. D’abord sur le plan financier : certes les collecteurs s’engagent sur 5 ans, et l’aide à la conversion vient compenser en partie les pertes de rendement. « Mais ce n’est pas un 13ème mois, loin de là ! » prévient Laurent. L’aide est là pour compenser la perte de rendement, réelle. Ensuite, et de manière plus contraignante, ce sont les limites techniques qui inquiètent : « Au niveau des animaux, il n’y a pas vraiment de changement. Nous avons toujours le filet de sécurité des antibiotiques en cas de gros problème. Il faut juste s’interdire le recours au “systématique”, et privilégier la prophylaxie. » Des pratiques déjà en place sur l’exploitation. En revanche, du côté des cultures, la marche est plus rude : là, plus de rattrapage possible en cas de « loupé ».

Du soutien à la chambre
Heureusement, la transition ne se fait pas seul. « J’ai trouvé du soutien à la chambre d’agriculture. Accompagnés par Luc Frèrejean [le prédécesseur de Mickaël Grevillot pour l’appui à la conversion en agriculture biologique, ndr] nous avons en particulier visité d’autres exploitations, avec d’autres collègues en réflexion. » Le passage en bio se fait donc sans fracas, et au final plus de soulagements que de déceptions : « Je ne pensais pas qu’on pouvait arriver à un tel niveau de production laitière, en autonomie alimentaire et à l’herbe », note par exemple Laurent Dodane. Avec des niveaux de production contrôlés au dessus de 6.500 L en moyenne, l’éleveur peut valablement se réjouir. « Il y a encore 10 ans, on parlait de chutes à 4.000 L » ; on en est loin.
Autre objet de préoccupation au début : la gestion des adventices. Certes, ce n’est pas un long fleuve tranquille, et les « ratés » sont toujours possibles. Mais au final, « avec les rotations et notamment la place de l’herbe on arrive toujours à maîtriser les mauvaises herbes ». Certes il faut accepter de ne plus voir ses parcelles aussi propres qu’après le passage du pulvé (que l’exploitant « ne regrette pas », soit dit en passant) ; mais les solutions existent, qu’il faut savoir débusquer. « Ça me plaît », souligne Laurent qui passe son temps à « remettre en cause ses pratiques » et accepte de « ne pas réussir à tous les coups ». Mais qui peut affirmer le contraire, dans ce métier du vivant qu’est l’agriculture ?

Rigueur et communication
Aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure de la bio, Laurent Dodane a quelques retours d’expérience à partager. D’abord, éviter le laisser-aller : « De la rigueur avant tout ». Ensuite ne pas hésiter à rechercher l’information, à communiquer avec ceux qui ont fait le pas, à aller visiter des exploitations. « Comme ailleurs en agriculture, il n’existe pas de recette miracle pour réussir. Ce qui réussit ici n’est pas forcément ce qui réussira ailleurs », rappelle-t-il. Quant à l’ambition de la conversion en bio, ce doit être une « démarche dans l’optique de réussir, pas de s’en sortir ».

LD

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