Santé animale / Les maladies respiratoires constituent le principal motif de traitement antibiotique des jeunes bovins. Le Sommet de l’élevage a été l’occasion de faire le point sur différents travaux de recherche portant sur la recherche de solutions efficaces et applicables : préparation sanitaire, optimisation du transport et de l’allotement…
Le 5 octobre dernier à Cournon, l’Idele donnait une conférence sur le thème des nouveautés en matière de santé des jeunes bovins, abordant notamment le sujet des maladies respiratoires et l’utilisation des antibiotiques. Un sujet important sur le plan économique, car les troubles respiratoires qui apparaissent pendant les premières semaines de vie constituent la problématique majeure pour l’engraissement des jeunes bovins. Avec un arrière-plan “santé publique” et un contexte sociétal qui pousse à l’usage raisonné des molécules antibiotiques, pour prévenir l’apparition de résistances bactériennes… (lire encadré) « Plus de la moitié des traitements antibiotiques utilisés sont dus à des infections d’origine respiratoire », introduit Elise Vanbergue, chef de projet Santé et bien-être à l’Institut de l’élevage Idele. Les facteurs de risque d’apparition de ces troubles sont bien connus, avec des points critiques “structurels” liés à l’organisation des filières d’engraissement : transport des jeunes animaux sur de longues distances, mélange d’animaux d’origines diverses, manipulation et contention… « Les veaux sont séparés de leur mère, transportés, allotés, transportés à nouveau vers l’atelier d’engraissement. Cela génère chez eux un stress important en peu de temps, qui peut fragiliser les défenses immunitaires au moment du brassage sanitaire », poursuit la spécialiste.
Les huiles essentielles à l’essai
Réduire le stress pendant la phase de transition du naisseur à l’engraisseur ménagerait le système immunitaire des animaux et pourrait donc avoir un impact positif en termes de prévention des troubles respiratoires. Parmi les travaux conduits récemment sur la ferme expérimentale des Etablières et dans trois ateliers commerciaux d’engraissement, l’usage de phéromones d’apaisement et d’huile essentielle de lavande a été testé. « On n’a pas observé d’effet significatif ni sur la morbidité, ni sur le nombre de traitements, ni sur le GMQ… même si les JB étaient plus calmes lors des manipulations. »
Efficacité vaccinale
La voie vaccinale a été aussi explorée pour renforcer l’immunité : encadrée par le cahier des charges Interbev, celle-ci a consisté à vacciner les veaux chez les naisseurs contre, a minima, trois agents pathogènes : VRSB (virus respiratoire syncytial bovin), Pi3 (Parainfluenza 3) et Mannheimia Haemolytica (pasteurellose). L’efficacité du protocole qui consiste à réaliser deux injections à quatre semaines d’intervalle – la deuxième intervenant au moins deux semaines avant le départ chez l’engraisseur – est validée par les résultats expérimentaux. « Dans l’essai portant sur 248 broutards charolais vaccinés, le gain de GMQ de 8 % en phase d’engraissement. Le GMQ (gain moyen quotidien) est supérieur de 28 g/jour dès lors que plus de 50 % des animaux d’un lot sont vaccinés. La durée d’engraissement est ramenée de 277 à 207 jours. » Sevrage précoce, supplémentation en oligo-éléments et vitamines et habituation aux futures conditions de logement sont aussi des leviers efficaces. « C’est une approche performante mais à intégrer dans une continuité de bonnes pratiques d’élevages et de démarches globales sous peine de sous-efficacité », relèvent les chercheurs.
Toujours dans la thématique des bonnes pratiques, l’optimisation du transport et de l’allotement sont des voies prometteuses. « En réduisant de 30 % la distance parcourue par l’animal entre l’élevage naisseur et le lieu d’engraissement, on arrive à limiter les pertes de GMQ liées au transport de l’ordre de 40 % (soit 18 g/jour au lieu de 30 g/jour). De même, en limitant le nombre d’origines différentes à l’intérieur d’un même lot, quitte à accepter une plus grande hétérogénéité en poids au sein des lots, on diminue fortement le facteur de risque par animal et par lot (de l’ordre de 30 %). »
Les capteurs à la rescousse
Autre piste de recherche portée par le projet BeefSense, la détection précoce des affections respiratoires basée sur des capteurs qui s’appuient sur l’activité et la température des animaux. « Les agents infectieux responsables des troubles respiratoires sont déjà présents quelques jours avant l’apparition des signes cliniques chez un animal malade. Il semblerait donc possible de détecter les animaux plus précocement et d’agir pour limiter la dissémination de l’infection aux autres animaux d’une case » Un système automatique de détection permettrait aux éleveurs d’identifier les animaux très tôt et de mettre en place une stratégie individuelle de traitement plus adaptée et plus efficace. « Notre idée est de combiner des paramètres de type comportement, enregistré par un podomètre ou un collier par exemple, avec la température ruminale, mesurée à l’aide d’un bolus, pour gagner en sensibilité et en spécificité dans la détection précoce des maladies respiratoires », explique Marlène Huiadeur, chef de projet à l’Idele. Les résultats des premières bandes de JB sont en cours d’analyse et plusieurs modèles mathématiques sont testés pour prédire le statut sain ou malade des animaux. Les résultats finaux de cette étude sont attendus pour mi-2022.
Alexandre Coronel