Dégâts de gibiers / Le 23 avril dernier, la préfète de Haute-Saône a effectué un tour de plaine dans plusieurs exploitations, à l’invitation de la FDSEA, pour constater l’importance des dégâts consécutive à la pullulation de sangliers. Le point sur cette initiative, avec le président Emmanuel Aebischer.
La Haute-Saône agricole : « Pourquoi avez-vous souhaité cette rencontre sur le terrain avec la représentante de l’Etat ? »
Emmanuel Aebischer : « C’est un dossier brûlant, qui nous “pourrit la vie” depuis plusieurs années… les dégâts aux cultures et aux prairies causés par les populations de sanglier ne cessent d’augmenter, et là, tout le monde est dépassé ! La préfète avait proposé de nous réunir à la préfecture, mais nous avons estimé qu’une visite sur le terrain serait plus parlante : il n’y a pas de trous de sanglier dans les pelouses de la préfecture ! Elle a très rapidement accepté notre invitation, et a passé avec nous tout un après-midi sur les communes de Colombier, La Longine et Ternuay Melay Saint-Hilaire. Elle a été, je pense, surprise par l’ampleur des dégâts, dont l’impact visuel sur les prairies retournées par les sangliers est très fort. Elle a pu aussi prendre la mesure de la détresse des éleveurs touchés. Après trois années de sécheresse, les ravages des sangliers viennent compromettre la reconstitution des stocks fourragers et l’alimentation des troupeaux. C’est insupportable ! »
Comment en est-on arrivé là ?
Il y a plusieurs facteurs d’explication. Le premier, c’est un plan de gestion cynégétique dépassé, qui a été conçu pour augmenter les populations de sanglier à une époque où elles étaient assez modestes. Le second, c’est le changement climatique, avec des hivers doux, qui favorisent la survie de davantage de marcassins. Certaines pratiques d’agrainage, enfin, s’apparentent à de l’engraissement, avec l’apport de bennes entières de maïs ! Mieux nourries, les laies sont plus précoces et plus prolifiques… De plus, pour équilibrer cette ration riche en énergie, le sanglier va “aux vers” pour trouver des protéines, et retourne les prairies, dont le sol est riche en vers de terre. Malgré tous nos signalements à l’administration au cours des années précédentes, les mesures prises n’ont pas été à la hauteur et n’ont pas permis de freiner suffisamment la démographie des sangliers. Aujourd’hui, l’équilibre entre l’agriculture et la population de sangliers n’est plus respecté.
Et qu’attendez-vous de cette rencontre ?
La mise en place rapide de mesures efficaces, drastiques, pour remédier au problème et réguler sérieusement les populations de sangliers… jusqu’à présent on a toujours un coup de retard, et il faut aussi comprendre qu’entre la décision administrative, sa mise en application, et ses effets sur le terrain, il y a une inertie, et parfois des “pertes en ligne”. Les chasseurs ont refusé de chasser au mois de mars, beaucoup sont conscients du problème, avec l’augmentation chaque année du nombre de dossiers d’indemnisation pour dégâts de gibier et de l’enveloppe, mais il y a un refus d’accepter la situation. Il va falloir être imaginatifs, faire peut-être appel à des louvetiers d’autres départements ou organiser des battues administratives, autoriser le tir de nuit. Est-ce qu’il faut porter plainte pour destruction de nos moyens de production ? Aujourd’hui on est arrivé à un point d’exaspération tel, que si rien ne bouge, il y a un risque que des agriculteurs s’occupent eux-mêmes du problème…
Propos recueillis par Alexandre Coronel