Moissons 2020 / Les gels tardifs, en pleine méiose, conjugués au stress hydrique d’un printemps chaud et sec, ont eu des conséquences sur les rendements des céréales d’hiver. Dans les endroits épargnés, en revanche, on peut constater des rendements exceptionnels.
«Depuis la route on dirait que cette orge est plutôt belle… constate Emmanuel Brussey, cultivateur à Francourt, à l’ouest de la Haute-Saône. Mais quand on y regarde de plus près, on voit que le rendement va être catastrophique ! » De fait, les épis mûrs, courbés, sont quand on les égraine vides aux trois quarts. La faute au gel de méiose, un accident climatique en végétation bien documenté. La méiose est une phase au cours de laquelle les végétaux produisent leurs cellules sexuelles : noyau gamétique du grain de pollen et oosphère de l’ovule, qui correspondent aux spermatozoïdes et ovules des animaux. La méiose correspond à peu près au moment où le sommet de l’épi atteint la ligule de l’avant-dernière feuille, sur une parcelle, ce stade dure environ 2-3 jours. Ce stade physiologique est particulièrement sensible aux stress climatiques pour les céréales à paille et en particulier celui de la méiose pollinique. En effet, la formation du pollen requiert, au niveau des anthères dans lesquels il se forme, des quantités très importantes d’énergie, pour alimenter les processus cellulaires complexes qui se déroulent dans les futurs grains de pollen, et pour accumuler dans ces futurs grains de pollen des réserves de sucres qui leur permettront ensuite de germer et de féconder les ovules. Le froid induit lui un blocage du transfert du sucre vers les grains de pollen. Les études fines ont en effet mis en évidence le fait qu’au niveau de la couche des cellules qui tapisse l’intérieur des anthères, dont la fonction est justement de transférer les sucres vers les futurs grains de pollen, les enzymes servant à ce transfert, en particulier les invertases, qui transforment le sucrose (forme de sucre pour le transport dans la plante dans la sève) en formes directement utilisables par les cellules (glucose et fructose), sont beaucoup moins présentes en situation de froid. Les sucres se trouvent donc bloqués et n’arrivent pas vers le pollen.
Aggravé par le stress hydrique
Le stress hydrique se “lit” également dans la parcelle : l’arrivée bienvenue des pluies en mai a favorisé l’apparition de nouveaux tales, qui ont épié avec retard. Résultat, sous la surface ondulée des épis mûrs déjà courbés, de petits épis plus courts encore verts sont en train de monter. « Il va falloir être patient pour déclencher la récolte au bon moment », résume le céréalier. Cette situation locale est loin d’être anecdotique, si l’on en croit Emeric Courbet, technicien en charge des grandes cultures à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône. « Les dégâts du gel méiose sont très variables en fonction des micro-climats locaux, mais aussi du stade physiologique atteint par les orges d’hiver au moment du coup de froid qui est survenu dans la deuxième décade d’avril. Il faut aussi ajouter que les céréales en situation de stress hydrique étaient moins bien armées pour résister à ce coup de froid. Le phénomène de retallage et l’hétérogénéité de maturité des épis illustrent bien le phénomène. » Les premiers échos de moissons, sur le terrain, reflètent bien cette hétérogénéité des résultats : on a relevé du côté de Gray des rendements historiques, à plus de 90 qx/ha, tandis qu’à quelques kilomètres de là on atteint à peine les 30 qx/ha. n
AC