Lait de jument / Les résultats de l’étude de recherche et développement conduite par l’Enil de Mamirolle lèvent un des obstacles à la transformation du lait de jument en desserts lactés : une thermisation courte le stabilise, sans lui donner de goûts indésirables.
Si l’intérêt cosmétique et les bienfaits pour la peau du lait de jument sont fameux, c’est à son usage alimentaire que s’est intéressé une équipe de l’ENIL de Mamirolle, conduite par Hélène Béguet. L’École Nationale d’Industrie Laitière des analyses biotechnologiques et de l’eau possède en effet un service Recherche et Développement-Expérimentation qui regroupe 17 personnes sur les deux ENIL de Mamirolle et Poligny. Ils sont en mesure de proposer un service sur mesure, adapté aux besoins technologiques et scientifiques des entreprises et filières agroalimentaires (laitages, mais aussi boissons, plats cuisinés, crèmes glacées…). Dans le cadre de ces activités de recherche et développement, l’ENIL de Mamirolle a donc réalisé une étude sur la transformation du lait de jument en produits laitiers alimentaires. Elle s’est déroulée sur la période de mars 2017 à octobre 2018 dans les laboratoires de génie alimentaire et les laboratoires d’analyses de l’ENIL avec la participation de trois producteurs de laits de juments comtoises. Sur les différentes périodes de l’étude, des stagiaires ont travaillé dans le cadre de ce projet, encadrés par la chargée de projet recherche et développement et des enseignants. Les résultats de ces travaux, intitulés « Valorisation du lait de jument, Julact2 » étaient dévoilés le 13 décembre dernier dans les locaux de l’établissement.
Des vertus diététiques
La composition du lait de jument est assez proche de celle du lait humain du point de vue de la teneur en protéines, de son faible ratio caséine/lactalbumine et de sa forte proportion de lactose. Il contient moins de matière grasse que le lait de vache et que le lait humain, et davantage de vitamine C. Il est bien toléré par les personnes atteintes d’allergie aux protéines du lait de vache, et riche en acides gras polyinsaturés (les fameux oméga 3 et oméga 6). Toutefois, sa transformation en produits laitiers se heurte à différents obstacles. « Une première étude financée par la DRAF en 2009 sur le thème de la valorisation des laits de juments comtoises a démontré qu’il n’est pas fromageable. Ce lait n’est pas stable, il s’oxyde rapidement, ce qui lui donne un goût métallique. Un des volets de Julact 2 était justement d’étudier le lait cru de différents producteurs pour comprendre l’origine des problèmes d’apparition des goûts métalliques. »,
expose Hélène Béguet. Autre écueil, la variabilité de la composition de ce lait au cours de la lactation des juments, notamment en ce qui concerne la teneur en matière grasse. L’ENIL explique que les résultats de ces travaux ouvrent la porte à des voies de valorisation du lait de jument en adéquation avec ses qualités à haute valeur nutritive : traitement thermique pour le lait de consommation, essais de desserts lactés et crèmes glacées.
« Nous avons mis au point un procédé de thermisation suffisamment léger pour être mis en œuvre à la ferme – 75°C pendant 2 minutes 30. Ce traitement thermique stabilise le lait d’un point de vue chimique, organoleptique et microbiologique pendant 21 jours. »
Thermisation courte et transformation
Cette opération de thermisation peut être réalisée pour pasteuriser le lait destiné à la vente, mais également pour conserver quelques jours le lait à la ferme en attendant d’avoir un volume suffisant pour l’utiliser pour réaliser des desserts lactés. C’est un levier intéressant pour réduire les coûts de fabrication, en vertu du principe d’économie d’échelle. Suite à cette présentation, une discussion s’est d’ailleurs engagée entre les producteurs de lait de juments présents : plusieurs voient l’intérêt de se regrouper pour fabriquer des produits type crèmes desserts, riz au lait, laits gélifiés,… Cette mutualisation de moyens de transformation devient justement possible grâce au traitement de stabilisation du lait, lequel serait réalisé en ferme et
permettrait le stockage du lait et son acheminement avant fabrication. Le
service recherche et développement de l’ENIL peut justement proposer un appui technique pour la mise en place de ce type d’atelier. Affaire à suivre !
Alexandre Coronel