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Session chambre / Invité à la session chambre, Jérôme Lamonica, conseiller à la chambre d’agriculture du Jura, est venu exposer les adaptations possibles, à long terme, de l’agriculture régionale au changement climatique.

Après les discussions relatives à la météo et à la sécheresse estivale, Jérôme Lamonica a prévenu : « Avec moi, pas de météo, rien que du climat. Le temps sur lequel nous travaillons est long, de l’ordre d’une trentaine d’années ». Le conseiller de la chambre d’agriculture du Jura tient donc bien à anticiper : les mutations de l’agriculture envisagées dans sa présentation n’ont rien à voir avec les records de température ponctuels, qui continueront à être enregistrés à la hausse comme la baisse, même avec la tendance actuelle de réchauffement climatique. Car s’il commet certaines erreurs liées au catastrophisme ambiant (le plafonnement du rendement des cultures n’a par exemple rien à voir avec le réchauffement climatique), Jérôme Lamonica a illustré son propos liminaire de données chiffrées.
Au niveau régional, on mesure ainsi à Dijon une hausse des températures moyennes annuelles de 1,3 °C sur les 50 dernières années (un peu plus que l’anomalie mesurée à l’échelle du globe sur la même période par la NOAA, à 0,8 °C). Les conséquences sur l’agriculture sont par ailleurs mesurées par les différents observatoires régionaux : avancée des dates de floraison des pommiers (une semaine en trente ans), des dates de semis du maïs grain, augmentation du taux de sucre dans les raisins bourguignons, baisse de l’acidité, etc. A l’échelle du globe, le Giec (Groupe international d’expert sur le climat) prévoit une hausse des températures de 1 °C en 2040 (par rapport à la moyenne 1971-2000). Toujours au niveau mondial, juillet était mesuré à +0,32 °C au-dessus de la moyenne, août à +0,19 °C (NSSTC).

Risque, aléa, exposition et vulnérabilité
Si donc les excès climatiques vont continuer à exister demain comme ils existaient hier, la « zone de confort » de l’agriculteur va se modifier légèrement : il s’agit de la plage de températures (et de précipitations) qui, dans la majorité des années, permettra une production et des rendements normaux (« variabilité normale »). Et comme les records continueront à apparaître, l’exercice consiste à adapter son système de production pour moins prêter le flanc aux caprices du climat. « Il faut rappeler, insiste le conseiller, qu’un aléa climatique n’est pas en soi dangereux. Ce qui représente un risque, c’est le produit d’un aléa, d’une exposition et d’une vulnérabilité. » L’aléa, c’est le danger (un chaud prolongé, une sécheresse) ; l’exposition, c’est la probabilité d’y être exposé (fréquence des étés chauds par exemple), et la vulnérabilité, c’est la fragilité de son système d’exploitation face à ce phénomène. L’agriculteur ne pouvant jouer ni sur la fréquence des aléas, ni sur leur sévérité, c’est sur la capacité de résilience des systèmes qu’il s’agit d’agir. « Les mots d’ordre sont adaptation, et atténuation », lit-on dans l’étude commandée par la chambre d’agriculture de Haute-Saône. Pour les productions fourragères, il s’agira par exemple de profiter de la pousse en début de printemps et « d’avancer la mise à l’herbe », ou de stocker du fourrage pour l’été comme pour l’hiver (plus d’un an de stock). En céréales à pailles, toujours d’après l’étude commandée par la chambre, il pourrait s’agir de sélectionner des variétés à épiaison ou montaison précoce, ou de privilégier les mélanges variétaux ou d’espèces.

Des pistes pour l’avenir
« Le calendrier lui-même pourrait être avancé », propose encore Jérôme Lamonica, avec des cycles plus courts, et des récoltes anticipées. De quoi imaginer aussi de nouvelles pistes pour l’avenir. Du côté de la prévention déjà, une refonte du système assurantiel. Mais au-delà, l’évolution du climat pourrait débloquer certains sujets devenus difficiles à aborder, comme le stockage de l’eau. Certaines simulations indiquent par exemple une augmentation du débit des cours d’eau en Bourgogne-Franche-Comté, en hiver et au printemps, et au contraire une réduction de ces débits en été et en automne. Le tout pour un total annuel inchangé (c’est vraisemblablement le cas en 2018 sur le département). L’idée de stocker de l’eau en hiver pour la restituer en été n’est donc pas dénuée d’intérêt, malgré les levées de boucliers qui ont eu lieu récemment dans le débat public à ce sujet (cas de Sivens par exemple). Quant aux techniques culturales innovantes, comme le semis direct, le semis sous couvert végétal ou les plantes compagnes, leur intérêt pourrait se faire plus vif si, comme on le constate, ils permettent des implantations plus faciles des semis, même dans des conditions extrêmes (sécheresse ou fortes pluies).

LD

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