Vente directe / Un des aspects particulièrement positifs des magasins de producteurs, c’est qu’ils aident les consommateurs à se réapproprier le fonctionnement de l’agriculture, avec ses cycles et ses difficultés. Témoignage à l’Atelier des Papilles de Montbozon, chez Béatrice Trimaille.
C’est le Gruyère qui a été à l’origine de tout. L’idée d’un magasin de producteurs a en effet germé dans la tête de Béatrice Trimaille lorsqu’elle a réalisé que, dans les environs immédiats de la fromagerie de Verchamp, les habitants ne connaissaient quasiment pas le Gruyère. Un comble, pour cette agricultrice alors productrice, avec son mari Philippe, de lait pour Monts-et-Terroirs. « Il y a 3 ans lors d’un mardi du terroir, les gens goûtaient notre fromage et ne croyaient pas que c’était fait à Verchamp, se souvient-elle. J’avais envie de faire connaître aux gens du secteur ce que les paysans savent faire ! »
Dans l’ancienne biscuiterie
Béatrice Trimaille décide donc de se lancer dans le commerce. Ancienne animatrice du CDJA, installée depuis des années, elle a de nombreux contacts et estime qu’à côté du gruyère, elle peut faire découvrir d’autres trésors du patrimoine agricole local. La cible : les habitants, à une quinzaine de kilomètres à la ronde. Son étude de marché (nombre de passages par mois, ticket moyen, produits recherchés) s’avérera précise et l’aidera à dimensionner le magasin. Les travaux commencent donc courant 2016, dans l’ancien atelier où étaient confectionnés les fameux biscuits de Montbozon. En août, les lieux étaient vides, les gros travaux de maçonnerie pouvaient commencer. « J’ai gardé la porte, se souvient-elle, l’escalier, le carrelage, l’ancien four, les meubles de l’atelier, le pétrin, les machines… Je voulais que les gens aient des souvenirs ici. » L’ouverture s’est donc faite en mars 2017, avec de nombreux produits locaux, issus des exploitations de famille ou d’amis, ou tout simplement de connaissances.
On crée de nouvelles habitudes de consommation
Seule obligation : la proximité de production. Sur une carte, des petits points indiquent aux clients les exploitations qui fournissent le magasin. Toutes les exploitations qui fournissent des produits sont situées dans un rayon très resserré d’une quinzaine de kilomètres, jusque dans les moindres détails : « La cancoillotte par exemple vient de Bougnon, pas de Marcillat. Le magasin est local, pas régional. » Et en cas de pénurie ? « Les gens comprennent », assure Béatrice. La preuve, ce dialogue saisi sur le vif et la remarque d’un client : « Vous n’en avez plus ? Je repasserai jeudi… » Au début, « les gens étaient étonnés, reconnaît Béatrice. Mais très vite, ils comprennent. Par exemple quand on a des œufs plus petits car le producteur a rentré une bande de poulettes, j’ai pu l’expliquer. » La bonne connaissance du milieu l’aide à bien communiquer. Pas de pommes cette année ? C’est la grêle à Rioz. Plus de jambon cette semaine ? « Il n’y en a que 2 sur un cochon ! » Peu de choix de légumes ? C’est la fin des poireaux, le début des salades… « Les gens redécouvrent ce que c’est qu’un système de production. Ils acceptent, et sont contents d’avoir les explications. » Et s’ils ont envie d’un produit hors saison, ils peuvent toujours aller à la supérette locale, qui est approvisionnée par une centrale d’achats. Mais ce n’est pas la même démarche. « Ce que je propose, c’est de centraliser en un seul lieu les produits des fermes des alentours. Ceux qui avaient l’habitude d’y aller continuent à s’y rendre, et ceux qui n’y allaient jamais découvrent la diversité des productions locales. Les gens s’y retrouvent ; on crée de nouvelles habitudes de consommation. »
Un lieu de vie dans le village
Bien plus, le magasin devient un « lieu de vie » dans le village. « Les gens s’y retrouvent, ça discute ! » se réjouit Béatrice. Bien situé dans la rue commerçante, le magasin doit aussi son côté convivial à l’espace « petite restauration » attenant. Car un coin du magasin a été aménagé pour placer quelques tables où Béatrice propose une cuisine « familiale, élaborée à partir de nos produits ». Viande (porc, poulet), quiches, fromages, salades composées… tout est local. « A la base, j’aimais cuisiner », précise-t-elle. Finalement, le magasin remplit toutes ses fonctions, mais les plus inattendues sont sans doute sociales : reconnexion des habitants avec leur agriculture, et réinvestissement du lieu de courses comme lieu de vie. Une récompense, après tous ces efforts déployés pour l’ouverture, des travaux d’aménagement au « parcours du combattant » de l’installation, « autrement plus compliquée que l’installation agricole », assure celle qui a passé les deux épreuves !
LD