Fertilisation / Homogène et émietté, inodore, et pratique à utiliser sur les prairies, le fumier composté présente un volume réduit et une concentration plus élevée en potasse et phosphore.
Le grand boom des machines à composter est terminé, comme en témoigne Philippe Mondelet, en charge de l’animation du réseau Cuma à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône. « Alors qu’en 2003 on ne comptait pas moins de sept retourneurs d’andains dédiés au compostage dans le réseau grand Est, il ne reste aujourd’hui plus qu’un seul fabricant en activité : le constructeur belge Ménard. Cela pose d’ailleurs le problème du renouvellement des parcs matériels des Cuma… car de plus, les prix ont beaucoup augmenté ! » Reste que la technique du compostage conserve ses fervents, notamment dans un contexte de recherche d’économies au niveau des charges, en particulier sur le poste engrais. « Globalement, le nombre de pratiquants évolue peu, avec quelques nouveaux adeptes qui compensent les départs de ceux qui arrêtent, pour s’orienter vers la méthanisation par exemple… », observe le technicien. Le principal intérêt économique du compostage réside dans le temps de travail économisé lors de l’épandage (volume divisé par deux) et, selon l’organisation du chantier, lors du transport. Le compostage permet également une meilleure répartition des chantiers d’épandage sur l’année : composter le dernier curage des stabulations au printemps (et épandre ce compost produit à l’automne sur prairie) permet de limiter les pointes de travaux avant les cultures de printemps. Le chantier de mise en andain se situe au moins deux mois avant la période d’épandage et s’organise en période moins chargée en travail.
Le rôle de la paille
Le compostage repose sur une fermentation spontanée de la matière organique, que l’on va favoriser en jouant sur différents paramètres. Le fumier de base utilisé doit contenir suffisamment de paille, éventuellement remplacée par des substituts comme la sciure ou les résidus végétaux, qui apporteront le carbone nécessaire et structureront le tas. Le brassage mécanique du tas à l’aide d’un outil spécialisé assure l’apport d’air, ce qui relance la fermentation aérobie de la matière organique. Celle-ci est dégradée par les micro-organismes naturellement présents puis réorganisée en un compost. Si le timing est bon, l’élévation de la température du tas, liée à la décomposition en présence d’oxygène, permettra de tuer les germes pathogènes présents dans le fumier et de détruire les graines adventices. « Si on veut un compost de qualité, il est important d’avoir un intervalle assez court entre les deux passages du retourneur d’andain, idéalement un délai inférieur à 15 jours, quitte à augmenter les déplacements de la machine et à être un peu plus cher sur les coûts. C’est la seule solution pour avoir un produit de qualité au bout. L’idéal pour faire du bon travail, c’est qu’on ne voie plus le tracteur à cause de la vapeur ! » Le convoyage du retourneur d’andain et le chantier sont généralement délégués à un entrepreneur, et la facturation du service ramenée à la minute de rotor, avec mutualisation des transports.
Matière organique stable
Ce compost obtenu au final est en effet un produit concentré en éléments fertilisants, car il aura perdu près de la moitié de son volume, en grande partie sous forme de vapeur d’eau, mais aussi de gaz carbonique et d’eau, lors de la fermentation. Sur le plan fertilisant, le compost est une matière organique stable. On observera en conséquent peu d’effets directs de l’azote les premières années (sauf en compost de fumier de volaille). La minéralisation de l’azote (arrière-effet) est très variable d’une année sur l’autre, notamment en fonction des conditions pédo-climatiques. D’une manière générale, le compost sera donc valorisé à long terme. Le phosphore et la potasse des fumiers compostés sont entièrement disponibles et équivalent à ceux apportés par les engrais minéraux. L’azote des composts est à « action lente », il est presque entièrement sous forme organique. L’effet direct est proportionnellement plus faible mais les arrière-effets sont cumulatifs pour des apports réguliers, en particulier en prairie. La disponibilité de l’acide phosphorique et de la potasse est en revanche du même ordre que celle des engrais minéraux.
Pour tirer le meilleur parti du compostage, quelques précautions s’imposent au moment de la mise en tas, afin d’optimiser le passage du retourneur d’andains. Les retourneurs sont équipés de systèmes d’avancement hydrauliques qui permettent d’optimiser la vitesse d’avancement selon le type de chantier (le tracteur étant en roue libre, c’est le retourneur qui pousse le tracteur). Travaillant sur le côté du tracteur, il est nécessaire de disposer l’andain, lors des bennages des remorques, de manière que le tracteur puisse en faire le tour (complet de préférence). Lors de la mise en tas, pour un retourneur faisant 4 m de large le tas ne doit pas dépasser 3,5 m et 1,80 m de haut. Il faut éviter de trop tasser les remorques les unes contre les autres car cela limite le débit de la machine, surtout au premier passage.
Les bonnes pratiques consistent à construire un tas linéaire, sur un sol portant, idéalement dans le sens de la pente, et bien entendu en prenant en compte l’entrée et la sortie de parcelle pour la machine ! Il faut aussi que le tas ne soit pas trop large… pour la même quantité de fumier, on raccourcit le temps de rotor en allongeant le tas, et on assure une meilleure montée en température. Enfin, point important, il convient d’éviter les corps étrangers, gravats, pierres par exemple : le fumier n’est pas un dépotoir !
Alexandre Coronel
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