Prix du lait / Pas facile de s’y retrouver sur l’accord passé le 24 juillet. Les distributeurs semblent prêts à jouer le jeu de la redistribution, mais les industriels démentent la fixation d’un prix objectif. Une cacophonie autour d’un accord de plus pour rien ?
Une table ronde de plus ? Le 24 juillet, le ministre réunissait les opérateurs de la filière laitière pour parvenir à un accord autour du prix du lait payé au producteur. Constat unanime : les producteurs ne peuvent plus se rémunérer, les trésoreries sont au plus bas. Au sortir, on annonçait un accord provisoire : « Pas de prix payé aux producteurs en dessous de 340 € » pour le reste de l’année.
Un engagement sur certains produits seulement
Très vite l’accord a été relativisé par les industriels de la transformation laitière. Un communiqué de la Fnil (industriels laitiers) au lendemain de la réunion rappelle ainsi que « les discussions entre les différents acteurs de la filière ne concernent qu’une partie des produits laitiers, MDD et 1er prix (beurre, crème, lait de consommation, yaourts natures et emmental) et exclut une part importante des produits de grande consommation ainsi que ceux destinés à l’export. » La fédération des industriels estime donc qu’il « est impossible à ce jour d’assurer un prix d’achat minimum aux 1 000 litres, comme annoncé par certains », tout en s’engageant à ce que les hausses consenties par la grande distribution soient entièrement reversées aux producteurs laitier.
Maintien des tarifs avantageux négociés en février
Il est vrai que l’accord exclut une large part de la production laitière française : pâtes molles notamment, export… Ce sur quoi la Fnil oublie de communiquer, ce sont les autres points de l’accord, au-delà de la hausse des tarifs par la distribution. Les distributeurs se sont ainsi « engagés à maintenir les tarifs d’achat négociés en février sur les marques nationales pour l’année 2015 », écrit la fromagerie Milleret à ses producteurs le 31 juillet. Autres engagements : le 100 % français sur les segments précités, l’approvisionnement local dans la restauration hors-foyer encouragé par le ministre, la répercussion intégrale des sommes perçues par les industriels aux producteurs, et le point de situation courant septembre.
La position des laiteries dans le département
Bref, le prix objectif de 340 €/1 000 l ne semble pas avoir été l’objet d’un consensus lors de la table ronde. Résultat, c’est la cacophonie dans la filière ; les distributeurs en ont profité pour communiquer sur leur prétendu soutien à la production, et les transformateurs temporisent. Les producteurs restent sur leur faim. Dans le département, les collecteurs hésitent à avancer de prix pour août. Milleret a décidé « d’appliquer un prix de base de 330 € », Aboncourt reste fidèle à son prix semestriel (320 €). Ces deux transformateurs font partie de ceux qui récoltent le moins de bénéfices de l’accord (pâtes molles, export). Sodiaal, par la voix d’un de ses administrateurs, a annoncé un prix de 320 € plus une avance de 20 € sur les hausses attendues, à venir à partir de septembre. Ermitage ne s’avance pas sur un prix, dans son courrier en date du 29 juillet : « Le prix moyen définitif du lait sera inférieur en 2015 à celui de 2014 », se borne à écrire la coopérative pour ne pas donner de faux espoirs avec des prix objectifs. Lactalis temporise aussi de son côté : dans une lettre aux présidents de groupements parue le 28 juillet, l’entreprise concède le « consensus de revalorisation du prix du lait à la production » obtenu à la table ronde, mais se refuse à chiffrer l’accord : « Son incidence ne peut à ce jour être établie ni en valeur absolue ni en prix d’achat minimum aux 1 000 l, contrairement à ce qui a pu être annoncé par certains au sortir de cette table ronde au travers d’une communication provocatrice et irresponsable avec des niveaux de prix utopiques sans lien avec la valorisation actuelle du marché ». La réunion fin août avec l’Unell, l’association des OP Lactalis, devrait permettre de clarifier la situation.
Bongrain : provocation ?
Du côté de Bongrain, rebaptisé dernièrement « Savencia fromage & dairy », on ne fait pas dans la dentelle. Dans une lettre aux présidents d’OP datée du 31 juillet, l’entreprise déclare que « les fromages ont été écartés des engagements de revalorisation » ; le groupe ne faisant « ni lait de consommation ni emmental et peu de crème et beurre MDD et 1er prix », il laisse entendre qu’il ne serait pas concerné par l’accord. C’est oublier que la suite des engagements prévoit le maintien des tarifs négociés en février dernier : cela concerne donc ses nombreuses marques nationales très bien valorisées (comme Cœur de Lion, Caprice des dieux ou encore Saint-Agur). Une position qui passe mal face aux producteurs.
À Vesoul, lors de la manifestation du 27 juillet, les manifestants distribuaient des tracts aux automobilistes avec quelques noms parmi les premières fortunes de France : les familles Besnier, Bongrain, ou celles qui tiennent les établissements Bel, Auchan, Cora y figurent en très bonne place. « Dans le top 10 000, aucun producteur de lait », grinçait un JA.
LD