Gestion des risques / Après trois années de sécheresse successives et l’épisode catastrophique de gel en avril 2021 qui a touché l’intégralité du vignoble et des fruitiers, la région Bourgogne Franche-Comté a de nouveau été frappée par un aléa climatique. En effet, d’importantes inondations ont touché début juillet, les terres et prés inondables des bassins-versants du Doubs et de la Saône. Au bas mot, près de 15 000 hectares de cultures et de prairies se sont retrouvés sous l’eau. Face à cette situation, Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA en charge du dossier gestion des risques, est venu dans notre région le 5 août dernier afin de faire un constat des dégâts, remonter les attentes du terrain et faire un point sur les démarches engagées au niveau national.
Près de 15 000 ha inondés, c’est le lourd bilan que déplore Lionel Borey, agriculteur à Crissey. Cela est le résultat de plusieurs facteurs cumulés. Les fortes pluies ainsi que le mauvais entretien des fossés et des digues, dont celle de Sassenay qui a cédé, ont contribué à cela. Au plus mal de la situation, il y a eu « 100 mm de pluie en trois jours », comme le souligne Hélène Doussot, agricultrice à Gergy, « l’eau montait alors de 5 cm/h ! ». Dans l’urgence, elle a dû enlever ses animaux des prés où l’eau montait rapidement et « arrivait à l’essuie de la remorque ».
Les agriculteurs sont aussi revenus sur la mauvaise gestion de la crue de la part de VNF. Aux abonnés absents alors que les agriculteurs étaient au plus mal, il n’y a eu aucun retour des actions mises en place et sur la gestion de VNF. Lionel Borey ajoute : « on souhaite un plan de gestion pour favoriser l’écoulement de l’eau ». En effet, l’entretien des digues et des fossés posent aussi problème : « l’eau arrive mais ne repart pas », explique Cédric Tissot, agriculteur à Baudrières. Sur ce point, il y a pour Joël Limouzin « une responsabilité de l’État ». Les agriculteurs, malgré leur volonté de le faire, ne peuvent entretenir les fossés correctement et sont bloqués par des enjeux de biodiversité et la peur de répression de la part de l’Office français de la biodiversité, l’OFB.
La difficulté du prochain travail à long terme de la profession sera donc de maintenir les discussions entre tous les acteurs pour répondre aux enjeux de chacun, comme le souligne Lionel Borey.
Un besoin d’aide à court terme
À l’image du gel en viticulture cette année, la profession souligne le besoin d’aide d’urgence pour les agriculteurs touchés par ces crues. Joël Limouzin soutient cette demande : pour lui, « il faut se retourner vers la solidarité nationale ». Lorsque l’on regarde le paysage, ce sont des dizaines d’hectares totalement inondés. Sur les prairies comme les cultures, l’eau stagne sur les parcelles, rendant impossible la récolte. L’herbe des prairies n’est même plus consommable par les animaux.
Pour le soja, certaines parcelles sont encore engorgées, d’autres laissent apparaître les premiers dégâts résultant de l’asphyxie de la culture.
Cela représente une perte considérable pour les exploitations. Pire encore, pour les personnes assurées, celles-ci n’atteignent pas le seuil de déclenchement. Cela renforce l’idée d’une aide d’urgence pour compenser cette perte à la production.
La réforme du système assurantiel en 2023
Aujourd’hui, les aléas climatiques se gèrent avec le fond de calamité. Or, on connaît désormais toutes les limites de ce fond de calamité qui pénalise régulièrement les exploitations diversifiées.
De même, l’assurance multirisque climatique (MRC) a eu un temps fonctionné, mais n’est aujourd’hui plus viable, à cause de la répétition des aléas. Certains assureurs arrêtent tout simplement de proposer une offre et d’autres augmentent grandement leurs tarifs. Ainsi, dans le cadre du Varennes de l’eau, la FNSEA travaille sur le volet de la réforme du système assurantiel. À terme, il s’agit de parvenir à une généralisation de l’assurance récolte à l’échelle de la France. Cependant, cela nécessite une refonte des produits d’assurance MRC, comme le souligne Joël Limouzin.
Une assurance à trois niveaux
Il est proposé une assurance à trois niveaux :
– entre 0 et 20 % : la perte serait à la charge de l’agriculteur,
– entre 20 et 50 % : niveau relevant de l’assurance,
– si les pertes sont supérieures à 50 %, cela « doit relever de la solidarité nationale ». Sur la question de la solidarité nationale, le vice-président de la FNSEA ajoute : « En cas de gros coup dur, les agriculteurs doivent pouvoir s’appuyer sur l’État ».
Sur ce dernier point, les seuils de déclenchement sont aussi en discussion. Ils pourraient être de 50 % pour les cultures, et de 30 % pour les prairies et l’arboriculture.
Les agriculteurs présents ont aussi fait remonter plusieurs freins concernant cette assurance récolte qui ont déjà été identifiés au niveau national. Par exemple, concernant la moyenne olympique, celle-ci « doit disparaître » et laisser place à un autre référentiel lié à l’exploitation.
Inciter les agriculteurs à s’assurer
Ce système ne fonctionne que si les agriculteurs s’assurent. En effet, le financement repose sur le même principe que celui du FNGRA. Le FNGRA reçoit des cotisations professionnelles et plus particulièrement une taxe de 5,5 % sur les assurances obligatoires. Ensuite, c’est l’État qui complète avec des subventions à hauteur des besoins en cas de sinistres climatiques importants. Or, les personnes finançant le fond de calamité (les assurés) sont aussi celles qui ne peuvent prétendre à ce fond ! Ainsi, la FNSEA souhaiterait rétablir le taux à 11 % mais que tout le monde puisse toucher le fond.
Pour inciter les agriculteurs à s’assurer, il y aura besoin « d’avantager les personnes qui vont s’assurer » comme le souligne Joël Limouzin.
Assurance revenu et assurance obligatoire, des pistes écartées
Certains souhaiteraient une assurance obligatoire, chose qui n’a pas été retenue dans les discussions nationales. En effet, en cas de crise filière, le risque est que les filières se retournent vers les assureurs. De plus, il existe aussi un risque de dévalorisation des produits avec ce système.
Enfin, l’assurance obligatoire a aussi été écartée car il y a un risque que les aides à l’assurance disparaissent si elle devient obligatoire.
Beaucoup d’éléments sont donc encore en discussion au niveau national, l’objectif étant d’avoir un dispositif opérationnel en 2023.
Loic Belin