Agriculture bas carbone / Les plans « bas carbone » de réduction de gaz à effet de serre (GES) et leurs financements rendent l’agriculture plus vertueuse. Mais leurs durées et leurs financements sont limités dans le temps. Tels sont quelques-uns des enseignements du webinaire organisé, le 9 juillet, par le think-tank Pluriagri et consacré aux « services environnementaux et à la structuration du marché du carbone ».
Lorsqu’un agriculteur adopte des pratiques agricoles de conservation du sol (rotation longue, travail simplifié du sol et couverts végétaux), davantage de carbone organique est emmagasiné dans le sol. Mais on ne peut pas stocker indéfiniment du carbone dans le sol ! « Au bout d’une petite dizaine d’années, le sol est régénéré et le taux de carbone organique dans le sol plafonne, a déclaré Bernard Giraud, président et cofondateur du fonds Livelihoods (les moyens de vivre). Aussi, on ne pourra pas compter indéfiniment sur l’agriculture pour compenser les émissions de gaz à effet de serre des activités polluantes ».
30 €/tonne
Les programmes de stockage de carbone se multiplient dans de nombreux pays. Ils sont élaborés en fonction des moyens disponibles pour les financer. Dans les pays riches, en France notamment, les financements de ces programmes reposent actuellement sur des grands groupes français. Ils s’investissent dans des opérations onéreuses pour être associés à la revalorisation des territoires ruraux et défendre la biodiversité. Soutenir le monde agricole renforce la notoriété de ces groupes en rendant leur activité plus acceptable. Par exemple, ils achètent leurs crédits carbone 38 € la tonne à France Carbon Agri Association (FCAA). Et celle-ci paiera, aux 1 600 exploitations agricoles qu’elle a déjà enrôlées dans des plans « Bas Carbone », 30 € chaque tonne de carbone non émise ou stockée. Mais dans les pays émergents, les paysans ne touchent que quelques euros par tonne stockée ou non émise. En octobre prochain, Agrosolutions, la filiale d’InVivo, commercialisera CarbonExtract. « C’est un outil complet pour le diagnostic, le suivi et l’accompagnement à la transition bas-carbone des exploitations spécialisées en grandes cultures », explique Emmanuel Lanckriet, manager Innovation chez InVivo.
Cumuler
Les plans carbone de FCAA pour l’élevage et CarbonExtract pour les grandes cultures sont deux outils complémentaires. Les méthodes suivies sont similaires. A la fin de leur plan de cinq ans, les exploitations « bas carbone » sont plus compétitives avec des coûts de production plus faibles. « FCAA et Agrosolutions devraient mettre en avant cet objectif de performance pour que leurs plans “bas carbone” ne soient pas seulement assimilés à des programmes de transition à l’agroécologie, défend Bernard Giraud. Et les agriculteurs doivent pouvoir cumuler aides PAC et leurs revenus complémentaires issus des services environnementaux rendus ».
Les programmes agronomiques du fonds Livelihood (85 millions d’euros de budget) rencontrent pour toutes ces raisons un vif succès. En adoptant des pratiques régénératrices du sol, leurs bénéficiaires (400 000 agriculteurs, 60 000 fermes et 150 000 hectares répartis sur les cinq continents) combinent progrès agronomiques, hausses des revenus et productions de services environnementaux pour lesquels ils sont rémunérés. Enfin, leurs produits agricoles sont vendus aux prix du marché. La conversion à l’agriculture biologique n’est pas la seule voie pour rendre l’agriculture vertueuse. Une fois convertis, ces systèmes sont plus dépendants des aides publiques qu’en agriculture conventionnelle. Et leur équilibre économique repose sur la vente de produits à des prix majorés. Enfin, les programmes « bas carbone » devront être digitalisés et connectés aux autres dispositifs centrés sur la traçabilité des pratiques agricoles (labels, cahiers des charges) pour faciliter la collecte et le traitement des données.