Juridique / La cessation de la participation personnelle à l’exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne permet plus à son auteur de se prévaloir de l’exclusion du statut du fermage, sauf manifestation concomitante de son intention de mettre fin à la convention particulière.
En principe, le statut des baux ruraux est applicable à « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime » (C. rur., art. L. 411-1, al. 1er).
Les conditions de l’exclusion du statut du fermage lors d’une mise à disposition de terre par un propriétaire exploitant.
Il faut cependant réserver l’hypothèse de la conclusion régulière entre les parties d’une convention particulière. Dans cette hypothèse, les règles impératives du statut du fermage et du métayage ne s’appliquent pas, notamment aux biens mis à la disposition d’une société par une personne participant effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci, un associé exploitant.
Il est toutefois nécessaire, pour que cette convention ne soit pas régie par le statut des baux ruraux, que son auteur continue bien d’exercer l’activité d’exploitant au sein de la société pendant toute la durée de la mise à disposition. À défaut, la société exploitante peut se prétendre titulaire d’un bail rural statutaire sur les biens qui ont été mis à sa disposition à titre onéreux. Cette solution, énoncée par la cour d’appel de Bourges dans un arrêt du 6 juin 2019, est aujourd’hui confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci n’a rien trouvé à redire à l’argumentation des juges d’appel, qu’elle approuve en tous points. Le pourvoi formé contre l’arrêt attaqué est, en conséquence, rejeté.
Le cas d’espèce :
Une société civile d’exploitation agricole (SCEA) avait été constituée entre deux concubins associés exploitants. Un des associés avait mis à la disposition de la société un domaine rural dont il était propriétaire pour une durée de dix ans. Quelques mois plus tard, il prenait sa retraite et démissionnait de la gérance de la SCEA dont il devenait alors associé non-exploitant. Les deux concubins se séparaient deux ans plus tard. La SCEA, qui avait poursuivi l’exploitation des biens mis à sa disposition, a finalement saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande de reconnaissance de l’existence d’un bail rural verbal sur les biens concernés.
À l’époque, la cour d’appel de Bourges avait fait droit à cette demande. La cessation de la participation personnelle à l’exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne permettait plus à l’auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l’exclusion du statut du fermage.
Il en aurait été autrement s’il avait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition. Or, en l’espèce, le propriétaire avait cessé de participer personnellement à l’exploitation des biens quelques mois après la conclusion de la convention de mise à disposition et s’était vu reconnaître, lors de l’assemblée générale extraordinaire qui s’était ensuivie, le statut d’associé non exploitant. Il ne s’était donc pas retiré de la société et surtout n’avait pas mis fin à la mise à disposition. Il a même validé la poursuite de cette mise à disposition jusqu’à son terme en continuant de percevoir le prix convenu dans la convention.
La cour d’appel avait par ailleurs estimé qu’aucune prescription ne pouvait être opposée à la demande de la société tendant à voir constater que la situation de fait justifiant l’exclusion du statut du fermage avait pris fin en 2011 et que les relations entre les parties étaient régies, à compter de cette date, par un bail rural verbal. Pour les juges en effet, ce bail verbal était toujours en cours à la date de présentation de la demande auprès du tribunal paritaire. Dès lors que le propriétaire avait cessé de participer effectivement à l’exploitation des parcelles mises à disposition au sein de la société depuis le 1er janvier 2011, la poursuite par les parties de cette mise à disposition des parcelles et des bâtiments en vue de les exploiter à un usage agricole, moyennant la contrepartie onéreuse prévue dans la convention initiale, était soumise au statut du fermage et pouvait s’analyser en un bail rural verbal ayant pris effet à cette date.