Moulins Jacquot / A la demande d’un client, la SAS Moulin Jacquot a rejoint depuis trois ans la filière blé CRC label rouge. Cette année, 2 675 tonnes de ce blé certifié ont été produites, avec une plus-value de 13,60 euros/T en moyenne.
Le sept août dernier à Corre, une vingtaine de cultivateurs haut-saônois se sont réunis à l’invitation de Moulin Jacquot, organisme stockeur, pour dresser le bilan de la campagne de production de blé CRC (Culture Raisonnée Contrôlée), et aborder les prochaines évolutions du cahier des charges, ainsi que les perspectives de croissance de cette filière. « C’est la troisième récolte cette année, a détaillé Angélique Maire, la directrice opérationnelle et commerciale : après deux campagnes de probation, nous avons intégré le club CRC à part entière. Cette campagne s’est globalement bien passée au niveau de la météo, avec de bonnes conditions de récolte. On a de bons PS 81,2 en moyenne, une bonne note de panification, on ne devrait pas avoir de souci avec les niveaux de mycotoxines – nous n’avons pas encore les résultats des analyses libératoires pour les DON et les autres contaminants… le seul bémol, c’est le taux de protéine, inférieur de 1 point à la norme de 11,5 %. C’est le cas pour tous les blés français cette année, ce qui fait que nous n’avons pas été déclassés à cause de ce critère. »
Demande de céréales locales
La directrice a rappelé que c’est à la demande d’un client que Moulin Jacquot s’est inscrit dans cette filière, différenciée de l’agriculture conventionnelle. « Moulin Dormoy Forisher, à Fougerolles, cherchait des céréales locales répondant à un cahier des charges qui intègre à la fois des critères de qualité technologique et environnementaux. Nous y avons vu une opportunité de différenciation, capable de nous apporter un débouché régulier, mais aussi de répondre à des enjeux sociétaux, car la demande sociale en matière d’environnement est de plus en plus forte. Concrètement, le cahier des charges est plus exigeant que celui de l’agriculture conventionnelle, avec des seuils plus bas pour l’ensemble des contaminants (mycotoxines, mais aussi résidus de produits phytosanitaires et métaux lourds…). En outre, il y a un volet sur la préservation de la biodiversité. » Angélique Maire est revenue sur les exigences particulières de ce signe de qualité. « Les variétés de blé cultivées doivent faire partie de la liste des variétés recommandées pour la meunerie, établie chaque année par l’ANMF, et doivent être cultivées en pur, sur des parcelles supérieures à un hectare. L’épandage des boues d’épuration est interdit, et il faut apporter l’azote en trois passages pour favoriser le taux de protéines. » L’indice de fréquence de traitements est encadré, avec certaines restrictions pour des produits phytosanitaires particuliers. Enfin, l’exigence en matière de mycotoxine est plus drastique que la législation en vigueur pour les céréales destinées à l’alimentation humaine, avec un seuil fixé à moins de 1 000 DON (contre 1 500). Comme l’a fait remarquer un des agriculteurs participant à la réunion, ce critère est un des points les plus difficiles à maîtriser, quand la météorologie de la campagne est défavorable (printemps humide et attaques de fusarioses). « Si les blés derrière un précédent maïs ne sont pas interdits, ça fait partie des facteurs de risque et nous recommandons de bien enfouir les résidus. », expose la directrice. Ainsi, lors de la campagne 2018, seulement 800 tonnes de blé meunier avaient pu être qualifiées pour la filière CRC, sur les 2 000 tonnes potentielles, justement à cause du déclassement pour des teneurs trop élevées en mycotoxines.
Des tonnages qui progressent
En 2019, année plus favorable en termes de pression fongique, 1 800 tonnes de blé avaient été qualifiées. « Et cette année, avec 395 ha, nous sommes sur un tonnage de 2 675 tonnes. » L’occasion de revenir sur les résultats des audits conduits par Véritas au cours de cette dernière campagne, et d’attirer l’attention des producteurs sur les points de vigilance à surveiller. « Chaque année, en plus des audits internes que nous réalisons, Véritas contrôle 10 % des producteurs de chaque organisme stockeur. Les non-conformités qui ont conduit cette année à des déclassements portaient sur le contrôle du pulvérisateur, la pureté variétale, un défaut d’enregistrement du plan d’épandage. » L’Organisme stockeur, lui, s’est fait rappeler à l’ordre sur ses engagements dans la thématique de la biodiversité, qui imposent théoriquement que toutes les exploitations ayant des parcelles en zone Natura 2000 aient contractualisé une mesure agro-environnementale… « Nous allons voir comment évoluent les choses avec la fin des MAE… » La directrice a aussi dressé les perspectives d’évolutions de cette filière CRC. « Ces trois campagnes nous ont permis de vérifier que produire du blé meunier conforme au cahier des charges était techniquement possible, sans modifier fondamentalement les pratiques, mais avec une exigence élevée de suivi documentaire, et avec une plus value intéressante à la clé : 13,61 € de mieux à la tonne en moyenne, avec une base à 10 €/T. Une démarche “céréales sans résidus de pesticides” est en cours d’élaboration. »
Alexandre Coronel