Session de la Chambre d’agriculture / Après plusieurs campagnes difficiles sur le plan climatique et/ou économique, les agriculteurs se heurtent désormais au mur de l’incompréhension et à l’hostilité de leurs concitoyens… Le monde politique et les médias, dont le rôle devrait être de réconcilier la société, jettent plutôt de l’huile sur le feu.

La session de la Chambre d’agriculture de Haute-Saône, le 28 novembre dernier à Vesoul a permis aux représentants du monde agricole de prendre connaissance et de valider le budget prévisionnel pour l’année 2020. « La régionalisation nous avait été présentée comme une source d’économies : force est de constater qu’elles tardent à venir… », a déploré le président Chalmin, qui table beaucoup sur l’audit en cours de la Chambre régionale d’agriculture pour clarifier les choses et rendre plus tangibles les effets de la mutualisation.
Autre sujet abordé, celui de la création d’un “GUFA” (Groupement d’Utilisation de Financements Agricoles) : en effet la loi permet désormais aux Chambres d’agriculture, en accord avec l’autorité de tutelle, de participer au capital d’une société par actions régie par le livre II du code du commerce. « C’est un levier financier qui nous permettra de porter et de soutenir des projets collectifs, tels que des abattoirs, des points de vente, des stockages de paille. Cet outil nous permettra aussi de fédérer d’autres
apporteurs de capitaux autour de tels projets, toujours dans l’objectif d’appuyer les performances sociales, économiques et environnementales de l’agriculture départementale », a détaillé Thierry Chalmin.

Le sentiment d’avoir été abusés
L’affaire de la permanence murée de la députée de la première circonscription de Vesoul et son exploitation médiatique ont aussi été largement débattues et commentées au cours de la session. Cette action syndicale symbolique voulait illustrer le sentiment d’incompréhension du monde agricole face à la schizophrénie de la représentation parlementaire. Un député est capable de louer le matin les vertus de la relocalisation et des circuits courts, d’encourager l’après-midi les agriculteurs à poursuivre leurs efforts pour mieux respecter l’environnement, et de ratifier le lendemain des accords de libre-échange avec le Canada (CETA) et les pays du Mercosur, ouvrant la porte à des importations de denrées agricoles produites à l’autre bout de la planète, avec des contraintes sociales et environnementales bien moindres (utilisation de produits phytosanitaires interdits dans l’Union, d’hormones de croissance, etc..).
Or, en jouant sur la corde de la sensibilité et en exploitant le thème des « violences faites aux élus », la députée est parvenue à détourner complètement l’attention du sujet de fond et à se faire passer pour une victime… Dans cette pièce de théâtre, Emmanuel Aebischer, l’actuel président de la FDSEA, incarne le “blouson noir” ! « Elle dit aux caméras qu’elle a peur de venir à nos sessions, mais nous avons toujours bien accueilli nos parlementaires », réaffirme Thierry Chalmin, prenant à témoin la représentante de la députée. Guy Ciron, aujourd’hui retraité, a fait appel à ses souvenirs d’ancien JA pour rappeler que ce mode opératoire d’interpellation des élus n’avait rien de nouveau, en Haute-Saône. « Le coup de la larme à l’œil du mari de la députée, j’ai trouvé ça un peu fort de café ! », a-t-il ironisé, insistant sur le fait que jamais les domiciles personnels ni les familles des élus n’avaient été visés par les actions syndicales. Finalement c’est Christophe Ruffoni, le deuxième vice-président de la Chambre d’agriculture, qui résume le mieux le sentiment des agriculteurs dans cette affaire. « Je croyais naïvement qu’une chaîne comme LCP, c’était du sérieux, une certaine déontologie du journalisme… Après avoir vu le reportage, je suis vexé et contrarié, j’ai le sentiment d’avoir été trahi, d’autant plus que je faisais partie de ceux partisans d’une politique de main tendue à notre députée. »

Surenchère politicienne
Cette histoire est assez symptomatique d’une société française fracturée, déchirée, où l’on ne se parle plus, comme l’a analysé Imed Bentaleb, le secrétaire général de la préfecture. « Je ne suis pas là pour répondre à la place de la députée ni de la presse, mais pour écouter et entendre… La revalorisation de l’image de l’agriculture passe par des actions de fond, pour sensibiliser et expliquer : c’est un travail de longue haleine ! » L’affaire est d’autant plus douloureuse qu’elle survient sur fond de crise économique profonde du modèle agricole, secoué par les aléas climatiques marqués de ces dernières campagnes, qui ont amputé les revenus, voire remis en cause la viabilité économique de nombreuses exploitations. Tout cela sous les critiques tous azimuts de l’activité agricole, regardée désormais avec suspicion. Les militants antispécistes assimilent l’élevage à une forme d’esclavage et se donnent pour but de l’abolir, ne reculant devant aucuns moyens : infractions, dégradations, incendies… Les arrêtés anti-pesticides pris par certains maires, qui se targuent de protéger leur population, mettent encore de l’huile sur le feu. « Nous ne sommes ni des tortionnaires, ni des empoisonneurs ! Laissons la parole aux scientifiques. » a martelé Thierry Chalmin.

AC

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