Porcs en circuit court / Les circuits courts ont le vent en poupe, le bio aussi… et cela vaut aussi en production porcine. Les porteurs de projets doivent cependant bien intégrer les spécificités techniques de l’élevage porcin, notamment de plein air, ainsi que la dimension très chronophage des activités de transformation et de vente.
La filière porcine régionale s’est associée à Interbio pour organiser le 26 mars dernier à Amange une journée technique sur le thème du porc en circuit court. En arrière-plan, le fort développement des produits bios et
locaux, qui bénéficie aussi aux produits carnés (71 % des Français consomment désormais de la viande bio), et apparaît comme une opportunité à saisir. Au niveau national, comme l’ont illustré les chiffres présentés à l’occasion de cette journée, les mises en place de truies bio ont progressé de 60 % en 2018 par rapport à 2018. « Le plan de filière déployé au niveau régional prévoit une augmentation de 5 % de la production porcine en Franche-Comté – conventionnel et bio confondu – pour améliorer la couverture des besoins locaux, qui ne sont pour l’instant couverts qu’à hauteur de 40 % », a indiqué dans son introduction Romaric Cussenot. Avant de laisser la place à Denis Creusy pour les aspects techniques. Ce dernier a présenté les résultats technico-économiques des différents modes d’élevages de porc (conventionnel, bio, de plein air), données issues des statistiques nationales collectées par l’Ifip. En résumé, en s’écartant du mode d’élevage “standard” (en bâtiment et sur caillebotis), les performances technico-économiques peuvent très vite se dégrader « avec une moins bonne prolificité des truies, un nombre de porcelets sevrés par truie inférieur, une moins bonne efficacité alimentaire, un coût des aliments supérieur… », explique le technicien. La dispersion des résultats démontre néanmoins qu’il est possible d’avoir des performances quasi-équivalentes à celles d’un élevage conventionnel, à condition de maîtriser techniquement les phases clés de l’élevage (mise-bas, suivi sanitaire…) Autre aspect à intégrer impérativement dans tout projet, la question de la main-d’œuvre.
Transformation et vente
Sébastien Winkler, conseiller spécialisé en élevage à la chambre d’agriculture du Jura a ainsi détaillé, sur la base des résultats des exploitations suivies, l’importance du temps de travail consacré au volet transformation et à la vente. « La bonne valorisation obtenue en circuit court repose sur la transformation et la vente directe, deux activités très
chronophages. Il est impératif de bien dimensionner son laboratoire de transformation et de miser sur une bonne organisation pour faire des économies d’échelle, en faisant abattre par exemple plusieurs porcs à la fois, pour limiter le temps consacré au transport. »
Parmi les témoignages de producteurs porcins, celui de Baptiste Bernard, éleveur bio de plein air en Haute-Saône, à Chargey-les-Gray, a donné la mesure de l’indispensable travail de conception en amont.
Un ingénieux système de parcs attenants permet à ce naisseur-engraisseur de conduire une quarantaine de truies et quelque 300 porcs charcutiers, destinés à la vente directe. « J’utilise un parc de 30 ha, découpés en petites parcelles délimitées par des fils électriques à 30 cm du sol. La moitié de ces parcelles est occupée par les porcs, ce qui me permet de réaliser une sorte de pâturage tournant. », explique-t-il.
Attentif pendant la période de mise-bas, il parvient à faire faire deux portées de 11 porcelets par an à ses truies. « Depuis l’an dernier j’ai commencé à inséminer pendant la période chaude, pour améliorer la fertilité. » Les productions végétales de l’exploitation sont destinées à l’alimentation du troupeau, ce qui permet de contenir les coûts alimentaires.
Questions de biosécurité
L’intervention du vétérinaire Aliénor Esnault a permis de jeter un éclairage sur les questions de biosécurité, en particulier celles spécifiques à la
production de l’élevage en plein-air. « L’arrivée de la peste porcine a remis les questions de biosécurité sur le devant de la scène… cette maladie classée DS1 peut avoir des conséquences économiques extrêmement graves, tant au niveau des élevages concernés que pour toute la filière. » Les mesures de
biosécurité reposent sur la prévention de tout contact direct et indirect entre les porcs et les sangliers – vecteurs potentiels de la maladie – : cela passe par une définition de zones dans l’élevage, avec des restrictions d’accès de plus en plus drastiques à mesure que l’on se rapproche des animaux. « Une zone publique en dehors de l’enceinte de l’élevage, une zone professionnelle, dans laquelle les véhicules et personnes explicitement autorisés peuvent entrer en respectant les consignes de biosécurité, et une zone d’élevage, avec un accès limité aux personnes, en tenue d’élevage et dans laquelle les véhicules ne peuvent pas entrer. Il faut aussi prévoir un sas d’entrée avec marche en avant stricte, changement de tenue et chaussures et lavage des mains. Et impérativement nettoyer et désinfecter systématiquement le quai et l’aire de stockage après chaque départ. » a conclu la spécialiste.
Alexandre Coronel