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Sécheresse / Les agriculteurs avaient invité le 6 août les élus et représentants de l’administration pour les sensibiliser à la situation exceptionnellement sèche que subit le département depuis maintenant presque deux mois. La perte est déjà importante notamment pour l’élevage haut-saônois. 

Les petits orages épars de cette semaine n’y changeront rien : le mal est fait. Pour faire prendre conscience de cette réalité aux administrations locales et aux élus, les représentants de la chambre d’agriculture, de la FDSEA, de la FDPL et des JA les avaient invité à se rendre sur deux exploitations : Chez Simon et Olivier Hugueny à Athesans-Etroitefontaine, puis au Gaec des Deux Rivières chez Chantal, Jean-François et Pierre-Edouard Millot, à Villeparois.

Les réserves fondent comme neige au soleil
« Après la sécheresse de 2015, on pensait que jamais on ne reverrait ça », rappelle Emmanuel Aebischer à la secrétaire générale de la préfecture, Sandrine Anstett-Rogron, en poste depuis 18 mois à Vesoul. Et pourtant la situation n’est pas réjouissante. Certes, la récolte de foin a été « satisfaisante en quantité comme en qualité », et les parcelles de maïs paraissent encore relativement vertes. Mais il ne faut pas s’y tromper. Comme le montre Olivier Hugueny, les épis sont petits, et surtout très mal fécondés : « L’épi, c’est la moitié de la valeur de ce fourrage », explique-t-il patiemment aux journalistes venus filmer la scène. « Les charges supplémentaires, ce sera par exemple le manque à gagner du maïs grain que l’on ensilera et donc qu’on ne vendra pas, ou encore l’achat de fourrage comme la luzerne pour compenser », complète l’éleveur. « Sur nos exploitations de polyculture élevage, caclule Michel Daguenet, entre la perte sur la partie céréalière, la baisse de production de lait et de valorisation des animaux, et les coûts supplémentaires, la note va vite monter à des 40 ou 50 k€ ! » Pendant ce temps, sur les pâtures brûlées, le bétail cherche l’ombre et se rattroupe au niveau des abreuvoirs. Il ne reste rien à manger, les éleveurs piochent déjà dans les réserves prévues pour l’hiver, qui « fondent comme neige au soleil », constate le président de la FDSEA. Certains prévoient déjà de « décapitaliser pour passer la période difficile ». « Ce n’est pas une solution ! Il faut donner aux éleveurs les moyens de nourrir le bétail. »

Beaucoup de pertes de semis chez les maraîchers
Au Gaec des deux Rivières à Villeparois, tous ont également pu constater l’allure déplorable des cultures. Aurélien Gras, maraîcher à Raddon et Chapendu a témoigné des pertes importantes subies dans ce secteur également : « Nous avions déjà 6 semaines de retard sur les semis. On a pris le risque de repiquer, 3 000 salades, 10 000 plants de betteraves, mais tout a été perdu. » Les exploitations déjà fragilisées vont de nouveau avoir un cap difficile à passer : « Ce qui va poser vraiment problème, c’est la trésorerie. Évidemment on va faire sauter en premier le salaire, sauf que ça fait déjà 2 ou 3 ans qu’on fait ça… » Pour le jeune agriculteur, ce n’est pas seulement un problème de paysan : En premier lieu il va bien falloir quand même « remplir les rayons » ; et ensuite réfléchir sérieusement au problème de l’irrigation. « Stocker de l’eau à Raddon ? Si on nous avait dit il y a 20 ans qu’on se poserait cette question ! » remarque le directeur de la DDT. Et même si la question se posait, pas sûr que le sujet trouverait un aboutissement, vu les précédents, ailleurs sur le territoire national.

Fragilité économique perpétuelle
« La situation est d’autant plus difficile, que vous tous ensemble, les élus, vous nous laissez dans une fragilité économique perpétuelle, dénonce le président de la chambre Thierry Chalmin. On ne va pas refaire le débat des EGA mais tant qu’on produira en dessous de nos coûts de production, on restera fragiles. » Parmi les nécessaires adaptations à long terme, les agriculteurs réclament par exemple d’avoir la possibilité d’un plus grand report de stock. Mais à court terme, des mesures d’urgence peuvent être prises pour limiter la casse. Du côté de la Région, qui détient désormais seule la compétence économique, Alain Joyandet qui en préside la Commission des finances, a estimé qu’une aide, même symbolique, devrait être votée : « Un peu comme la région Île-de-France, qui a accordé 30€/ha au moment de l’achat des semences ». Sa collègue à la Région Sophie Fonquernie a de son côté souhaité « pousser un coup de gueule sur la spéculation autour des denrées agricoles », qui pénalise les éleveurs au moment de s’approvisionner en fourrages. Une spéculation « d’abord causé par les élus politiques qui ont supprimé toute possibilité de régulation des marchés », tacle Emmanuel Aebischer.

La fin des aberrations avant les aides
Mais avant d’évoquer le sujet toujours délicat des aides, les représentants des agriculteurs ont voulu rappeler que des mesures simples pourraient éviter des charges inutiles. Avec cette météo, les semis de dérobées, les SIE ou les Cipan n’ont en effet aucune chance de germer. « Est-ce qu’on va brûler du gazole inutilement pour mettre en terre avant le 13 août ce qu’on sait qui ne germera pas ? » s’offusque le président de la FDPL Mickaël Muhlematter. Dans le cadre du « paiement vert », un exploitant doit en effet maintenir ou établir des surfaces d’intérêt écologique (SIE) sur l’équivalent de 5% de sa surface en terres arables. Or depuis 2018 ces surfaces doivent rester en place pour une période minimum de 8 semaines, du 13 août au 17 octobre. « On sèmera, mais seulement si on a une chance de voir pousser quelque chose », annonce Emmanuel Aebischer qui a par ailleurs lancé un appel syndical à boycotter les « semis administratifs ».

La Commission européenne passe l’avance des paiements à 70 %
De son côté, la secrétaire générale de la préfecture a assuré les agriculteurs du soutien du ministère. Vendredi 3 août, le ministère de l’Agriculture a en effet « remercié » la Commission européenne pour les mesures en direction des agriculteurs européens touchés par la sécheresse sur lesquelles elle a annoncé travailler. Bruxelles a décidé que « les agriculteurs touchés pourraient bénéficier de paiements d’avances à la mi-octobre à hauteur de 70 % de leurs paiements directs et à hauteur de 85 % des paiements au titre du développement rural », ainsi que des dérogations « à certaines obligations du verdissement ». Peut-être une voie de sortie pour les « semis administratifs » dénoncés par les agriculteurs.

LD

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