Grippe aviaire / Le confinement des volailles, pour éviter le risque d’une contamination des animaux par le virus de la grippe aviaire emmené par les oiseaux migrateurs, pose des problèmes techniques difficiles à résoudre dans l’urgence.
Dans un décret du 4 novembre paru au Journal officiel du 5 novembre, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a placé 45 départements en « risque élevé » à la grippe aviaire H5N8. En Bourgogne Franche-Comté, les départements du Jura, de Haute-Saône, de Côte d’Or et de Saône et Loire sont sur la liste. Cet arrêté oblige les producteurs à confiner leurs volailles ou à poser des filets de protection. Cette influenza aviaire, qui se transmet notamment par l’intermédiaire des oiseaux migrateurs, a été détectée en Russie et au Kazakhstan en juillet 2020. Elle n’a cessé de s’étendre à l’ouest du foyer primaire. Des cas ont été confirmés aux Pays-Bas le 21 octobre et le 3 novembre au Royaume-Uni. « La présence du virus dans la faune sauvage non loin de la frontière française, dans un couloir migratoire qui traverse le territoire national, justifie l’élévation du niveau de risque et les mesures de prévention », indique l’arrêté. Parmi les départements concernés, figurent ceux qui produisent du foie gras comme les Landes et le Gers. Ces départements avaient été durement touchés lors des hivers 2015-2016 et 2016-2017, entraînant l’abattage de milliers de volailles et coûtant des millions d’euros aux producteurs. Par ailleurs, les rassemblements de volailles vivantes sont interdits, en particulier sur les marchés, de même que les lâchers de gibiers à plume par les chasseurs.
Des filets difficiles à trouver
Les éleveurs de volailles en agriculture biologique ou dans des labels qui spécifient l’engagement d’un accès à des parcours de plein air sont donc confrontés à un dilemme : faut-il appliquer le décret gouvernemental, au risque de perdre son agrément ? « Pour l’instant, il n’y a pas de dérogation permise au cahier des charges bio, souligne Olivier Hézard, aviculteur à Villers Bouton. Nous prévoyons de nous équiper en filets pour réaliser ce que nos voisins suisses appellent “des jardins d’hiver”, c’est-à-dire des parcours couverts où les poulets ont accès, mais ce n’est pas simple d’en trouver, car tous les producteurs concernés se sont rués sur les stocks, et à l’heure actuelle notre fournisseur est incapable de nous donner un délai de livraison ! Il ne s’agit pas non plus d’acheter n’importe quoi dans l’urgence : un filet brise-vent qui ne résisterait pas à la première chute de neige un peu humide : on veut un produit bien particulier, à grosses mailles. C’est un investissement important, qui va nous compliquer le travail par la suite car nous utilisons des poulaillers mobiles… »
Bénédicte Guery, éleveuse de poulets de chair en bio sur les hauteurs de Colombotte, avec deux poulaillers de 1 300 places chacun, prévoit elle aussi d’installer des filets pour aménager des parcours extérieurs à ses volailles, pour être en conformité avec le décret gouvernemental. « Nos poulets sont abattus à 81 jours, et je ne conçois pas de les garder enfermés pendant tout ce temps. Non seulement ce n’est pas autorisé par le cahier des charges de l’agriculture biologique, mais ça va à l’encontre de notre philosophie ! L’accès à l’extérieur, à la lumière, c’est bon pour la santé des poulets, pour le confort animal. C’est aussi ce que nos clients attendent. » Elle espère que l’alerte sanitaire sera levée rapidement. « On va recevoir un nouveau lot de poussins dans 15 jours. Selon l’évolution de la situation, on ne sera peut-être pas impactés… mais on se prépare quand même. », conclut-elle. n
Alexandre Coronel