Colza et tournesol / S’il n’est pas aisé de déterminer les seuils précis de nuisibilité des adventices d’une espèce à une autre, à travers la compétition pour les ressources, les gènes à l’implantation ou à la récolte… les essais désherbages conduits par Terre Inovia permettent toutefois de chiffrer le préjudice : 6,5 qtx/ha en colza, et 6,3 en tournesol.
Les adventices exercent une concurrence pour les ressources (eau, éléments minéraux, lumière…) vis-à-vis de la culture en place. Cette concurrence peut s’exercer dès la levée de la culture et peut s’avérer très préjudiciable sur les grandes cultures, y compris le tournesol et le colza, en se traduisant par des pertes de rendement (nuisibilité directe). Mais le préjudice est également indirect : les mauvaises herbes peuvent induire des gênes à l’implantation et à la récolte (pertes machine) ou encore une dégradation de l’état sanitaire de la parcelle ou de la qualité des grains récoltés.
Un effet à l’échelle de la rotation
De plus, une population d’adventices présente une année donnée sur une parcelle engendrera une nouvelle génération via l’enrichissement du stock de graines d’adventices sur la parcelle, entrainant une infestation encore plus importante et embarrassante les années suivantes. Cependant, les adventices sont plus ou moins nuisibles selon leur espèce. Si le mouron est peu compétitif, les graminées en forte population exercent une forte compétition vis-à-vis des ressources, tandis que la matricaire ou le gaillet peuvent gêner la récolte en plus d’être compétitive. Enfin, l’ambroisie entraine de surcroît des problèmes de santé publique (allergie) et le datura dégrade la qualité sanitaire des graines (alcaloïdes).
Nuisibilité secondaire
Malgré cette différence de pouvoir concurrentiel d’une adventice à l’autre, il n’est pas aisé de déterminer des seuils précis de nuisibilité par espèce. En effet, la compétition pour les ressources en particulier dépend de la quantité disponible de ces ressources mais également de la vigueur de la culture et de son pouvoir couvrant (une culture couvrante et/ou vigoureuse se laissera moins concurrencer par les adventices). La nuisibilité dépend également de la concordance plus ou moins forte entre les périodes de levée préférentielles à la fois de la mauvaise herbe et de la culture. Concernant la nuisibilité secondaire, les adventices ont également des caractéristiques différentes d’une espèce à l’autre : le potentiel grainier d’une matricaire sera bien plus élevé (plus de 10 000 graines par pied) que celui d’un géranium par exemple (moins de 500 graines par plante) et la persistance des graines dans le sol est bien plus forte chez l’ambroisie que chez le brome par exemple. Les essais désherbage de Terres Inovia sont un moyen de caractériser la nuisibilité directe des adventices car ils incluent des témoins non désherbés. Cependant, dans ces données provenant d’essais herbicides, les programmes ne sont pas toujours efficaces sur la flore adventice. Pour cette raison, le rendement du témoin est ici comparé au rendement de la meilleure parcelle de l’essai. C’est pour cela que les chiffres sont sensiblement différents de la publication du Columa qui s’est appuyée sur la moyenne de toutes les modalités désherbées, en comparaison au témoin non traité.
15 essais colza
Sur 15 essais Terres Inovia mis en place entre 1993 et 1996 en culture de colza, la différence de rendement entre le témoin non traité et la meilleure modalité désherbée est en moyenne de 6,5 quintaux, soit une perte potentiellement due aux adventices de 20,4 % (voir graphique). Cette perte varie tout de même selon les essais entre 1,7 et 17,1 quintaux. Notons toutefois que les herbicides du colza de l’époque de ces données ne permettaient pas de désherber de manière satisfaisante les crucifères et les géraniums. Ainsi les parcelles désherbées n’étaient pas toujours
vraiment « propres » ; il devait donc y avoir un impact sur le rendement des parcelles traitées. D’autre part, lorsque la pression adventice est faible dans l’essai, il n’y a pas beaucoup d’écart de rendement entre les parcelles désherbées et le témoin non traité. En outre, rappelons que le colza est une culture capable de compenser une croissance faible en début de cycle. Son pouvoir compensateur (notamment surtout par la capacité à ramifier) est assez élevé et il sera vraiment en difficulté tant qu’il n’atteint pas sa biomasse verte critique de 500 g/m² à l’entrée de l’hiver. D’autre part, le colza est moins sensible à la compétition pour l’eau que les cultures de printemps mais davantage pour la lumière et surtout pour l’azote. En effet, si le colza est carencé en azote, il ne peut être compétitif et sera très concurrencé par les adventices. Enfin, il est également important de signaler que l’impact d’un enherbement très fort peut également avoir lieu à la moisson. En raison d’une maturité décalée avec la culture, la biomasse encore verte des adventices engendre des pertes à la récolte importante (par exemple, matricaire ou gaillet en forte densité). Sur le tournesol, des essais de Terres Inovia analysés entre 2007 et 2009 montrent que la différence de rendement entre le témoin non traité et la meilleure modalité désherbée est en moyenne de 6,3 quintaux, soit une perte potentiellement due aux adventices de 22,3 % (voir graphique). Cette perte varie entre
1,4 et 17,6 quintaux selon les essais. Il est important de noter que cette synthèse peut minimiser la nuisibilité des adventices car elle exclut les essais avec lampourde (xanthium) et ambroisie qui sont des espèces adventices beaucoup plus envahissantes et concurrentielles.
Une lutte indispensable, directe et indirecte
Il est donc nécessaire de lutter contre les adventices présentes dans les cultures, et ce le plus tôt possible dans le cycle, ou tout du moins avant que les adventices exercent une compétition vis-à-vis de la culture. Les moyens sont multiples avec des mesures de prophylaxie à mettre en place avant le semis de la culture (rotation choisie, travail du sol à l’interculture, gestion de la récolte, date de semis pour éviter d’être en phase avec les périodes de
levées préférentielles des mauvaises herbes, etc…), mais aussi des mesures de lutte directe dans la culture. Cette lutte directe comprend à la fois un travail avec des outils mécaniques – lorsque c’est possible/faisable – mais également une gestion chimique avec des herbicides adaptés aux populations adventices présentes dans les parcelles.
L’analyse des données des essais désherbage se poursuit pour mieux comprendre la nuisibilité des adventices dans les différentes cultures.
D’après les données de Terres Inovia